

“Est-ce que c’est un gros mot de dire que par moments il faudra réévaluer l’affection longue durée, quand par exemple un patient est considéré en rémission complète ?” : ce sont les mots du ministre de la Santé Yannick Neuder, sur la chaîne LCP ce lundi 9 juin. Il souhaite réduire les coûts liés au statut Affection Longue Durée (ALD), qui permet une meilleure prise en charge des personnes souffrant de cancers, maladies chroniques ou invalidantes, ou encore de troubles psychiatriques.
L’ALD concerne 20 % de la population française, et représente 66,1 % des dépenses totales remboursées par l’Assurance maladie. C’est aussi une condition obligatoire pour pouvoir demander le statut de RQTH ou d’handicapé. Les pourparlers du gouvernement posent donc la question : nuire aux plus fragiles est-elle la bonne solution pour réduire les dettes de la sécurité sociale ?
Pour mieux comprendre l’ALD, nous avons demandé leurs retours d'expérience aux personnes concernées.
Patrice, 35 ans

Je suis épileptique, et l’ALD me permet d'être pris en charge à 100 % sur ces médicaments. Je ne les paie pas à la pharmacie, mais il y a toujours 1€ qui va être déduit du remboursement de sa consultation de médecin. En plus, souvent il y a un décalage entre les deux médicaments : à hauteur de deux visites à la pharmacie par mois, pour des médicaments qui, de toute façon, ne sont pas très chers et seraient remboursés par la mutuelle, ça finit par chiffrer.
Mais les faux frais sont également très nombreux. Tous les aliments de resucrage ne sont pas des médicaments et coûtent un bras à la longue. Et mes anti-douleurs, qui sont pourtant une conséquence de mon épilepsie (luxation épaule et céphalées dues au traitement), ne sont pas non plus pris en charge par l’ALD.
Quant à la prise en charge des transports, oubliez. C'est vraiment dans des cas très précis d'une gravité exceptionnelle et ça ne concerne pas l'accompagnant donc finalement ça ne sert à rien.
J'ajouterai que l'ALD est une reconnaissance officielle de ta maladie, qui peut parfois engendrer des ennuis administratifs. Pour prendre une assurance voyage par exemple, la pathologie reconnue va t'empêcher d'être couvert par l'assurance en cas de souci.
Julie, 27 ans

Cela fait plus de sept ans que je bénéficie de l’ALD pour trois pathologies différentes. Mon médecin traitant a fait une demande de renouvellement en début d’année, pour mon endométriose. J’ai été particulièrement surprise par la réponse de la Sécurité sociale : un non catégorique, sans explication. J’ai donc fait un recours auprès de la Sécurité sociale, mais je reste dans le flou.
J’ai dû patienter plus d’une heure et demie au téléphone pour n’avoir comme seule réponse : "Le dossier peut mettre jusqu’à quatre mois pour être traité." Bien sûr, à ce jour, je n'ai pas eu de nouvelles. Il est simplement considéré qu’en l’absence de réponse, le recours est rejeté.
J’en ai parlé avec mon nouveau médecin traitant, qui n’était pas du tout surpris "Ils refusent beaucoup ces derniers temps." Il faut croire que les économies sur les ALD ont déjà commencé.
Alexandra, 65 ans

Je suis atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Au niveau financier, c’est certain que le statut ALD m’aide ! Le problème, ce sont les dépassements d’honoraires. Moi, je paie 96 euros le rhumatologue, et seuls 45 euros me sont remboursés par la sécu… Et rien par la mutuelle.
Il y a quelques semaines d’ailleurs, ce même rhumatologue m’a prescrit toute une série d’examens, et m’a conseillé un laboratoire à Paris. J’ai fait la première IRM, et là, on m’a demandé 300 euros ! C’était les dépassements d’honoraire. Heureusement que ma fille a pu prendre les autres rendez-vous pour moi dans un laboratoire sans dépassements, car avec ma petite retraite, je n’aurais pas pu payer tous ces frais d’examens. Et pour couronner le tout, j’ai entendu dire qu’ils réfléchissent à ne plus rembourser à 100 % certains médicaments…
Lucas, 24 ans

Je suis traité depuis mon plus jeune âge pour une tumeur au niveau cérébral. J’ai noté qu’il y a tout de même un reste à charge malgré la prise en charge dite “ à 100 %”. De plus, je déplore la lourdeur administrative et les règles qui évoluent (trop) souvent. Je reçois des infos peu claires et qui engendrent du stress, notamment pour le renouvellement de l’ALD. Il y a aussi des retards de traitement, le dispositif n’est pas digitalisé et pas reconnu partout, notamment dans certaines pharmacies.
Benjamin, 40 ans

En regardant les actualités, je suis tombé sur une information selon laquelle le gouvernement envisagerait de réaliser des économies sur les ALD. Moi, je suis diabétique. Bien sûr qu’ils veulent faire des économies ! Mais est-ce que moi, j’ai demandé à être malade ? À devoir faire des examens, des prises de sang, des rendez-vous chez le spécialiste ? À aller aux urgences dès que mon traitement ne convient pas ? À avoir un pilulier aussi rempli que celui d’un octogénaire ?
Sandrine, 54 ans

Je souffre de BPCO (ndlr : une maladie chronique respiratoire). J’ai bénéficié de l’ALD durant plusieurs années jusqu’au jour où la CPAM a décidé que j’étais guérie. Ce qui est un comble quand on sait qu’une maladie chronique ne se guérit pas ! Ma pneumologue refait une demande à chaque rendez-vous depuis, mais sans succès. Elle est outrée, d’une part qu’ils l'aient arrêtée avec comme motif “guérison”, et d’autre part, qu’ils ne l’aient toujours pas remis en place.
Anna, 31 ans

Je souffre de TPB (trouble de la personnalité borderline), ce qui nécessite des soins psychiatriques. Grâce à l’ALD, la CPAM rembourse tout : les consultations et les médicaments dont j’ai besoin. En fait, ça simplifie le remboursement, mais c’est tout.
Témoignages de Pascal, Julie, Alexandra, Benjamin, Lucas, Sandrine, Anna