Hypersensibilité : travail, enfants, couple… Les clés pour gérer le quotidien Adobe Stock
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"Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire", disait Gustave Flaubert. Si l’hypersensibilité est un concept encore très récent en France, cette manière d'appréhender le monde a toujours existé. En effet, avant les années 1990 le mot n’était pas employé dans l’Hexagone, ni dans le langage courant, ni par les professionnels de santé.

Pourtant, selon la psychologue et chercheuse américaine Elaine Aron, qui a défini la notion, 20 à 25% de la population serait hypersensible, soit au moins une personne sur cinq. Souvent, les personnes elles-mêmes ne savent pas qu’elles ont ce trait de personnalité.

Cette empathie et sensibilité exacerbée peut pourtant être un atout si elle est bien gérée. Longtemps mal comprise, l'hypersensibilité fait désormais l’objet de plus en plus l’objet de recherches. Aujourd’hui, les thérapeutes utilisent même souvent l’expression “Haut Potentiel Sensible” afin de considérer positivement cette sensibilité. Pourtant, encore à ce jour, l’entourage n’est pas toujours bienveillant face à ce type de traits de personnalité. “Tu en fais trop”, “Pourquoi tu prends autant les choses à coeur ?”... Les remarques peuvent parfois être blessantes.

Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris et auteure du livre “Hypersensibilité : comment en faire un atout ?”, aux éditions Alpen, nous livre ses conseils et astuces au quotidien afin de pouvoir gérer cette grande sensibilité dans le cadre de votre travail, au sein de votre couple ou avec vos enfants.

Hypersensibilité : comment la vivre avec ses enfants ?

Quand on vit ses émotions de manière exacerbée, on peut se demander si on doit les expliquer à ses enfants. Doit-on parler de son hypersensibilité à ses enfants ? “L'hypersensibilité est une singularité, une façon d'être au monde. En parler librement et notamment à ses enfants, c'est d'une part expliquer comment on fonctionne, mais c'est rendre la parole libre du côté de l'enfant”, insiste la psychologue. Johanna Rozenblum estime que “chacun peut percevoir et ressentir les choses différemment et s'interroger sur sa propre façon de vivre ses affects”.

Face aux exigences et sollicitations du quotidien, adapter son l'emploi du temps est parfois une nécessité pour gérer beaucoup d'activités stressantes. Devoirs, bain, repas de ses enfants, pas facile de ne pas se laisser submerger pas la pression. “Prendre conscience et apprendre de son hypersensibilité c'est aussi accepter de mettre en place les stratégies du quotidien qui permettront de gérer l'afflux d'émotions au mieux”, rappelle Johanna Rozenblum. En pratique, “déléguer, prendre son temps, s'accorder des instants de pause ou de calme sensoriel vont permettre de gérer les tâches de la journée”.

Rendre plus autonomes ses enfants, méditer et s’isoler

En cas de “dépassement émotionnel”, la psychologue propose de “responsabiliser un peu sa famille”. Elle estime en effet que “les enfants apprendront à s'autonomiser sous la surveillance du parent”. En règle générale, “si l'on s'accorde du temps pour souffler, même quelques minutes, si l'on prend le temps de s'isoler pour respirer, la régulation émotionnelle devient opérante au fil de la journée et il n'y aura pas débordements affectifs en dans la soirée”.

Malgré toutes ces précautions, il est possible de se laisser submerger face à une situation. Comment gérer une crise de stress face à ses enfants ? Johanna Rozenblum rappelle que “la crise d'angoisse ou attaque de panique est le symptôme d'un débordement affectif”. “Si l'on se sent submergé émotionnellement et que la crise vient, il faut pouvoir mettre les enfants en sécurité et les occuper à jouer par exemple”, conseille la psychologue. “Dispensé de faire bonne figure, il sera possible de prendre en charge son anxiété par des exercices de cohérence cardiaque et de méditation pendant l'attaque de panique qui dure souvent une vingtaine de minutes”.

Expliquer à l'enfant ce qu'il se passe avec des mots simples

Il est parfois difficile d’expliquer à son enfant ce que l’on vit lorsqu'on se retrouve submergé par l'émotion. Si “tout dépend de l'intensité, quand les émotions viennent frapper trop fort, il est essentiel de les prendre en charge”. La psychologue précise qu’il faut “expliquer à l'enfant ce qu'il se passe avec des mots simples est essentiel”. Selon elle, l’enfant “ne doit pas rester dans l'incompréhension et finir lui-même par appréhender ses émotions”.

Ressentir les émotions n'est pas un tabou, ne pas les considérer ne fera que renforcer un sentiment d'impuissance”, prévient la psychologue. Elle rappelle qu’il faut donc “apprendre à les entendre, les identifier et les prendre en charge car elles nous informent sur notre état psychique”. Chaque émotion est liée à un besoin précis : “La peur informe d'un besoin de réassurance, la tristesse de notre besoin de lien social et la colère du sentiment que l'on ne tient pas compte de nous”.

Les enfants peuvent tout comprendre (...) Expliquer ce que l'on ressent et définir ce qui nous réconforterait est un bon moyen de montrer à nos enfants que nous ne sommes pas victimes de nos affects

Le meilleur moyen d'apaiser ses émotions reste d'en parler et d'accepter de les vivre. “Les enfants peuvent tout comprendre à condition que les manifestations de nos émotions restent adaptées”, précise Johanna Rozenblum. “Expliquer ce que l'on ressent et définir ce qui nous réconforterait est un bon moyen de montrer à nos enfants que nous ne sommes pas victimes de nos affects, mais que nous cohabitons avec. C'est rassurant pour eux et pour l'apprentissage de la gestion de leur propre émotions”, conclut-elle.

Comment gérer son hypersensibilité au travail ?

Réunion stressante, présentation ou entretien avec votre supérieur, le cadre professionnel est souvent jalonné de moments angoissants et stressants. C’est d’autant plus difficile à gérer quand on est hypersensible. “La préparation par image mentale fonctionne bien. Il s'agit de penser au déroulé de l'entretien et d'anticiper les émotions associées”, précise la psychologue.

En pratique, voici le déroulé d’une préparation par image mentale selon la spécialiste :

  1. Je me réveille = appréhension
  2. Je me prépare = début des ruminations
  3. Je me rend au rendez-vous = sentiment d'impuissance

Si cela peut paraître angoissant, en réalité, “en faisant cet exercice non seulement nos réactions deviennent prévisibles, mais on est comme préparé à être traversé par des pensées qui pourront nous déstabiliser”.

Trouver des stratégies pour réguler ses émotions

Cela vous permettra donc de “prendre du recul et de trouver des stratégies adéquates pour se réguler”. Par exemple, lorsqu’on se réveille, pour ne pas être envahi d'appréhension, il est important de "respirer et de rationaliser l'enjeu et les risques de l'événement" qui nous angoisse en se demandant : “Suis-je vraiment en danger ?”. Il vaut mieux “se préparer plutôt que de ruminer et pour ne pas se noyer dans des pensées stériles”. Ainsi en pratique, vous pouvez “mettre de la musique ou appeler un proche qui vous tirera de ses pensées en boucle”. En se rendant au rendez-vous, on s’autorise à “rester dans l'action” pour “lutter contre le sentiment d'impuissance”. On peut par exemple “essayer de faire une partie du trajet à vélo ou en marchant”, conseille Johanna Ronzenblum.

Doit-on parler de son hypersensibilité à son manager ? “Il est vrai que dans la sphère professionnelle, l'hypersensibilité n'est pas toujours valorisée. Il est néanmoins possible d'informer des conditions de travail qui nous sont favorables pour mener à bien nos missions”, conseille la psychologue. En cas de remarques et retours négatifs de son supérieur qui peuvent parfois profondément atteindre les personnes hypersensibles, “il faut savoir remettre les informations dans leur contexte”.

“Lorsque l'on est submergé par nos émotions, les neurosciences nous ont montré grâce à l'imagerie cérébrale, que l'amygdale est hyperactive. Cette flambée accentue la perception de nos émotions, pour gérer il faut réactiver le cortex pré-frontal car seule la rationalisation permettra de nous réguler”.

L'hypersensibilité est aussi du potentiel

Ainsi posez-vous les bonnes questions :

  • Un retour négatif au travail me définit-il dans mon entièreté ?
  • Suis-je en danger ?
  • Comment l'autre vit-il la situation pour avoir à me faire ces retours négatifs?

Au-delà des remarques blessantes, pour parvenir à gérer à mieux ses relations avec ses collègues, “il faut garder à l'esprit que certaines personnalités seront imperméables à notre sensibilité, en prendre acte et adopter la bonne posture”.

Si le monde du travail n’est pas toujours un environnement adapté aux personnes hypersensibles, Johanna Ronzenblum rappelle qu'il faut se rappeler que “l'hypersensibilité est aussi du potentiel”. “C'est de l'instinct, de la créativité et de l'authenticité qu'il sera possible de développer à mesure que l'on apprend à gérer ses émotions”, rappelle la psychologue clinicienne.

Hypersensibilité : comment la concilier avec une vie de couple ?

Il est d’abord essentiel de rappeler que “l'hypersensibilité n'est pas un frein au couple, dans la mesure où l'autre apprendra de notre fonctionnement”. En effet, Johanna Rozenblum estime que la vie de couple peut être saine et bienveillante dès que l’on apprend à “bien cerner les contours de son hypersensibilité, ce qui nous rend plus vulnérable pour en parler et faire de la pédagogie”.

En comprenant la singularité des hypersensibles, il saura s'adapter de la même façon qu'un hypersensible apprend à gérer l'entourage. “Il n'est pas rare de voir des couples d'hypersensibles”, remarque la psychologue.

Si la sensibilité de l'autre n'est pas prise en compte, le couple rencontrera inévitablement des difficultés. “À l'inverse, la compréhension du conjoint pourra aider à la gestion des émotions et à l'apaisement. Le but est qu'il ne soit pas reprocher à la personne hypersensible de ne plus supporter le bruit lors d'un concert, d'avoir besoin d'être dans le noir ou de s'émouvoir d'une situation qui semble anodine pour l'autre par exemple”, détaille la spécialiste.

Discuter d'une situation à venir pour éviter la sur-stimulation

Il est essentiel de faire comprendre à son conjoint que l’on est blessé par son comportement Il ne faut surtout pas cacher ses émotions, mais “verbaliser toujours et encore et se connaître suffisamment pour expliquer”. Johanna Rozenblum rappelle malgré tout que “le conjoint n'est pas un thérapeute, et qu’il n'est donc “pas là pour prendre en charge”.

Il peut néanmoins “favoriser la régulation émotionnelle en étant compréhensif et sans jugement”. Par l'échange verbal, votre partenaire peut être une aide à la rationalisation et à l'apaisement. “Ensemble, il est possible de discuter d'une situation à venir pour faire en sorte que la sur-stimulation sensorielle et émotionnelle soit évitée”, conclut la psychologue.

Discuter d'une situation à venir pour éviter la sur-stimulation © Service de presse

Sources

Merci à Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne et auteure du livre "Hypersensibilité : comment en faire un atout ?". 

https://www.medisite.fr/livres-sante-au-quotidien-hypersensibilite-comment-en-faire-un-atout.5630703.771814.html

https://www.alpen.mc/livres/505-hypersensibilite-comment-en-faire-un-atout-.html

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