
Aujourd’hui, nous percevons une grande partie de notre travail, loisirs, entourage et environnement au travers des écrans (preuve en est, vous nous lisez sur ce support !). Ces derniers sont, dès lors, devenus un enjeu de santé majeur, soulevant diverses questions autour de la fatigue visuelle, ou de la tant redoutée lumière bleue. Au point que certaines plateformes de santé comme l’Association Canadienne des Optométristes parlent de “syndrome de vision informatique”, pour désigner une “fatigue oculaire numérique”. Pour soulager nos mirettes, viennent alors des alternatives, comme le mode sombre, ou mode nuit. Mais ce dernier est-il vraiment salvateur pour nos yeux ?
Le mode sombre, c’est quoi exactement ?
Mais qu’est-ce que ce fameux mode sombre, ou “dark mode” ? Rien à voir avec le côté obscur de la force, il s’agit d’une option d’affichage sur écran qui inverse les couleurs traditionnellement employées : au lieu de teintes claires, les fonds deviennent noirs ou gris foncé, tandis que le texte apparaît clair. De plus en plus utilisé sur smartphones, tablettes et ordinateurs, il promet un confort visuel accru, notamment en basse lumière. Il promet d’être plus agréable d’emploi, notamment pour les utilisateurs et utilisatrices nocturnes, qui seront moins éblouis qu’avec une lumière classique, parfois d’un blanc éclatant.
Ce mode permet également de réduire en partie l’exposition à la lumière bleue. En effet, cette dernière et surtout produite par les pixels lumineux, notamment les blancs et les couleurs claires. Or, en mode sombre, l'écran affiche davantage de zones noires ou foncées, qui n'émettent presque pas de lumière (notamment sur les écrans OLED). Une bonne chose, puisque pour rappel, la lumière bleue est associée à un risque accru de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), mais aussi une perturbation de notre rythme de sommeil et sécrétion de mélatonine (hormone de l’endormissement).
Fatigue visuelle : mode sombre ou clair ?
Bien qu’émettant moins de lumière bleue, le mode sombre ne nous fait pas tout à fait voir la vie en rose. En effet, une étude publiée en 2014 dans la revue scientifique Displays, s’est attachée à analyser les effets de l’impact de la polarité des écrans (mode clair ou sombre) sur les performances visuelles et la fatigue oculaire. Contrairement à ce que beaucoup conseillent, cette analyse montre que la lisibilité est meilleure avec une polarité positive (mode clair), notamment en termes de vitesse et de précision. En outre, le contraste élevé d’un texte noir sur fond blanc favorise une meilleure acuité visuelle car l’oeil humain est naturellement plus à l’aise pour traiter ce type de contraste. Une thèse soutenue par d’autres études, notamment une appuyant que le mode clair améliore la vitesse de lecture et réduit la fatigue, spécifiquement chez les personnes âgées.
Impact sur la santé des yeux
Vous l’aurez compris : l’impact du mode sombre sur la santé des yeux est… nuancé ! Sur le plan du contraste, le texte sombre sur fond clair (mode clair) offre une meilleure lisibilité, surtout en plein jour, grâce à un contraste plus naturel pour l’œil. Le mode sombre, lui, peut entraîner une lecture plus difficile, surtout pour les personnes ayant des troubles visuels, car les lettres claires sur fond foncé demandent un effort d’accommodation accru. En revanche, en environnement faiblement éclairé, le mode sombre réduit l’éblouissement, ce qui peut soulager les yeux, notamment lors d’une utilisation nocturne. Concernant la sécheresse oculaire, la réduction de la luminosité en mode sombre peut entraîner un clignement des yeux moins perturbé, limitant ainsi la sensation de sécheresse liée à une exposition prolongée à une lumière vive. Toutefois, ces effets varient d’un utilisateur à l’autre. Du reste, aucune étude ne prouve que le mode sombre protège durablement la santé oculaire.
Quand privilégier le mode sombre ?
L’étude relatée dans Displays que nous évoquions plus haut souligne que le mode sombre pourrait être envisagé en faible luminosité, pour réduire l’éblouissement. En outre, la baisse de lumière bleue éviterait une perturbation trop importante du rythme circadien, mais c’est à nuancer, car aucune étude fiable ne montre le lien entre amélioration du sommeil et “dark mode”.
Fatigue oculaire : les bonnes habitudes à adopter
Du côté obscur ou lumineux, peu importe votre choix. En vérité, votre santé oculaire dépend de certaines bonnes pratiques relatives aux écrans. Ainsi, un réglage modéré de la luminosité, adapté à la lumière ambiante, permet de limiter l’éblouissement sans fatiguer les yeux. Vous pouvez également penser à la règle du 20-20-20, formalisée par l’American Optometric Association, une référence en santé visuelle aux Etats-Unis. Le principe :
outes les 20 minutes, fixer un point à 20 pieds (6 mètres) pendant 20 secondes, pour relâcher l’accommodation oculaire.
- Pour prévenir la sécheresse oculaire
Pensez également à cligner régulièrement des yeux pour éviter la sécheresse oculaire. Au besoin tournez-vous vers des collyres qui pourront prévenir ce mal.
- Les filtres anti-lumière bleue
Parfois intégrés aux appareils, à ajouter par-dessus vos écrans de téléphone ou sous forme de lunette, les filtres anti-lumière bleue sont eux, une véritable barrière à cet éclairage si nocif pour la santé oculaire. Une étude publiée par le Journal of Adolescent Health (2015) a montré que le port de lunettes anti-lumière bleue le soir améliore la qualité de sommeil. Cependant, une revue systématique de 2021 (Cochrane Database of Systematic Reviews) a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour affirmer que les filtres anti-lumière bleue réduisent la fatigue visuelle significativement comparé aux verres classiques.
Pour vos beaux yeux, rien de mieux qu’une “digital detox”, en s’éloignant des écrans. Le mode sombre, comme les filtres anti-lumière bleue ne semblent pas être en mesure d’atténuer les effets délétères des écrans sur notre santé oculaire et notre rythme de sommeil.