Cadmium : définition, dangers, aliments contaminés, comment l'éliminer ?
Qu'est-ce que le cadmium ?
Ouvrez votre manuel de physique-chimie à la page 48 ! Vous y trouverez le cadmium, un élément chimique de symbole Cd. Blanc, brillant, mou et très malléable : ses propriétés sont très proches de celles du zinc. C'est un métal naturellement présent dans les sols, produit par l'érosion des roches et les éruptions volcaniques.
Toutefois, sa présence est fortement aggravée par les activités humaines, telles que :
- L'industrie : la combustion de déchets, l'exploitation minière ou la métallurgie, mais aussi la fabrication de batteries et d'écrans de télévision libèrent du cadmium dans l'environnement.
- L'agriculture : l'utilisation d'engrais phosphatés contamine les sols.
- Le tabac : la fumée de cigarette est une source d'exposition majeure, et la plus directe, pour les fumeurs.
Où trouve-t-on du cadmium au quotidien ?
Pour atterrir dans votre chariot de courses, le cadmium a l'embarras du choix. Il peut être transporté sur de très longues distances par les courants atmosphériques. Mais la voie la plus directe vers notre alimentation est son absorption par certaines plantes qui le puisent dans le sol.
Il s'accumule ensuite dans les reins et le foie des animaux qui les consomment. D'après l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), certains animaux comme les chevaux bioaccumulent plus facilement le cadmium dans leurs organes. C'est la raison pour laquelle il est interdit, depuis 2019, de consommer des abats de cheval.
Imprégné dans les sols, le cadmium pénètre également dans les céréales et les légumes que nous mangeons au quotidien.
Contrairement à un composé organique qui peut se dégrader par action du soleil ou de microbes, un métal lourd comme le cadmium ne disparaît pas. Il change simplement de forme ou de localisation. Non seulement il reste dans l'environnement, mais il est aussi "bioaccumulatif" : il s'accumule dans les tissus des organismes vivants (plantes, animaux, et donc l'homme) tout au long de la chaîne alimentaire. C'est cette accumulation qui pose un risque de toxicité chronique, même à de faibles niveaux d'exposition.
Pourquoi le cadmium est-il dangereux pour la santé ?
Une substance classée cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction
Le cadmium, un cancérogène de groupe 1
Dès 1993, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé le cadmium comme cancérogène de groupe 1. Il s'agit du niveau d'alerte le plus élevé, qui indique des preuves suffisantes de son caractère nocif pour l'humain. La classification initiale était spécifiquement liée au cancer du poumon chez les travailleurs exposés, mais elle a été confirmée et réévaluée en 2012. Le cadmium est désormais reconnu comme un cancérogène avéré pour l'homme, au même titre que le tabac, l'amiante ou le gaz moutarde.
Selon Santé publique France, le règlement européen CLP a de son côté classé le cadmium comme cancérogène de catégorie 1B, ce qui implique une forte présomption de causalité entre l'exposition de l'homme au cadmium et le risque de cancer.
Des risques pour les cellules germinales
L'Union européenne a également étiqueté le cadmium comme étant mutagène de catégorie 2, ce qui signifie qu'il peut altérer le code génétique d'une cellule. Une substance mutagène ne cause pas toujours un cancer, mais la mutation peut être le point de départ du développement de cellules cancéreuses.
Dans le cas du cadmium, ce sont les cellules germinales qui sont concernées. Ce sont les cellules reproductrices qui se développent chez l'humain et qui sont à l'origine de la formation des gamètes : les spermatozoïdes chez l'homme et les ovocytes chez la femme.
Une substance reprotoxique
Enfin, le cadmium est également considéré comme toxique pour la reproduction de catégorie 2 (ou reprotoxique) : il peut réduire la fertilité ou causer des effets sur le développement du fœtus ou de l'enfant.
Les risques pour votre santé
Le cadmium suspecté de provoquer plusieurs types de cancer
Les effets du cadmium sur notre corps varient selon la voie d'exposition. L'inhalation, via la fumée de tabac ou en milieu professionnel, augmente le risque de cancer respiratoire, dont le cancer du poumon.
Quand le cadmium se glisse durablement dans notre alimentation, il est stocké dans nos organes et peut causer divers problèmes de santé. D'après l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), il est suspecté d'être cancérogène pour le rein, le foie et la prostate.
Par ailleurs, le cadmium s'accumule particulièrement dans le pancréas. Il est ainsi suspecté de jouer un rôle dans la hausse préoccupante du nombre de cas de cancers du pancréas ces dernières années. En 2018, l'Anses comptait 14 184 nouveaux cas de cancer du pancréas en France métropolitaine, contre 6 000 cas en 2006 et 12 000 cas en 2012.
Des effets délétères sur les reins
Quand le cadmium entre dans notre corps, il y reste plusieurs années. D'après Santé publique France, "son absorption après une exposition alimentaire chez l'homme est relativement faible mais le cadmium est efficacement retenu dans les reins et le foie". Sa vie biologique est très longue, pouvant atteindre 10 à 30 ans.
En cas d'exposition prolongée, ce métal lourd est particulièrement délétère pour les reins, car son accumulation peut provoquer des dysfonctionnements rénaux et déclencher des calculs. Les cas d'intoxications les plus sévères pourraient conduire à une insuffisance rénale.
Santé publique France tempère toutefois, articulant que pour la population générale, "les concentrations critiques dans le cortex rénal (dose interne induisant des altérations rénales) ne peuvent être atteintes qu'après des expositions au cadmium importantes et cumulées sur plusieurs dizaines d'années".
Une fragilité osseuse et un risque d'ostéoporose
Le cadmium peut entraîner une fragilité osseuse chez l'être humain, associée à des risques d'ostéoporose diffuse et de fractures, notamment au niveau du bassin. Enfin, le cadmium accélérerait la déminéralisation osseuse liée à l'âge.
Quelles sont les populations les plus exposées ?
La première source d'exposition au cadmium est l'alimentation. Selon l'Anses, certaines populations sont plus touchées que d'autres. Voici la part des consommateurs qui y seraient exposés au-delà de la dose journalière tolérable par ingestion (0,35 µg/kg d'après l'Anses) :
- 0,6 % des consommateurs adultes ;
- 14 % des consommateurs enfants de 3 à 17 ans ;
- 36 % des consommateurs enfants de moins de 3 ans.
Les enfants sont plus exposés car ils consomment davantage de cadmium par rapport à leur poids corporel, et leur régime alimentaire est souvent riche en céréales et en pommes de terre qui en contiennent.
Certains travailleurs de l'industrie sont, eux, exposés par voie respiratoire : métallurgie du zinc, production de pigments, fabrication d'accumulateurs, décapage de peintures… Des secteurs où le cadmium est susceptible de se trouver dans l'air ambiant, par le biais de fumées ou de poussières.
Les fumeurs sont également exposés par l'inhalation de la fumée de tabac. D'après le Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, une cigarette contiendrait environ 2 µg de cadmium. De fines particules d'oxyde de cadmium peuvent se déplacer jusqu'aux alvéoles pulmonaires du fumeur.
Cadmium et alimentation : quels sont les aliments à risque ?
Les aliments les plus contaminés au cadmium
En 2012, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a dressé la liste des aliments les plus contaminés au cadmium :
- Les algues ;
- Les graines oléagineuses et légumes secs ;
- Les champignons sauvages et cultivés ;
- Les abats ;
- Les cuisses de grenouilles ;
- Le cacao en poudre ;
- Le chocolat noir ;
- Les crustacés ;
- Les mollusques bivalves : moules, huîtres, pétoncles, palourdes…
Toutefois, la plupart de ces denrées sont peu consommées, et contribuent donc moins à l'exposition alimentaire de la population au cadmium. D'autres aliments ont une concentration plus faible en cadmium mais sont davantage consommés : c'est le cas des céréales (et donc du pain, des pâtes, du riz…), des légumes verts (salades, choux, épinards…) ou des pommes de terre. Ils représentent donc un risque plus important d'exposition à ce métal lourd.
Cadmium : pourquoi le chocolat bio est-il plus contaminé ?
Depuis l'été 2025, le cadmium est de nouveau sur le devant de la scène suite à l'alerte lancée par plusieurs médecins. L'association de consommateurs UFC-Que Choisir a publié une enquête révélant des taux extrêmement élevés de cadmium dans le chocolat, notamment le chocolat noir et issu de l'agriculture biologique.
À noter : l'agriculture biologique n'a aucune influence sur la composition naturelle du sol. Le fait que des produits bio soient contaminés est la conséquence directe d'un sol de culture riche en cadmium, et non d'une pratique agricole défaillante.
Les taux de contamination sont plus ou moins élevés selon la provenance des fèves de cacao. Celles cultivées en Amérique du Sud en contiennent davantage en raison des sols volcaniques… Et c'est de là que proviennent la plupart des produits cacaotés bios et issus du commerce équitable.
D'après l'UFC-Que Choisir, les produits cacaotés non labellisés bio dont les fèves proviennent d'Afrique contiendraient jusqu'à quatre fois moins de cadmium. Les produits listés par l'enquête respectent la teneur maximale réglementaire, mais les consommateurs peuvent dépasser la dose journalière recommandée s'ils consomment plusieurs produits contenant du cadmium dans la même journée.
Les aliments les moins contaminés au cadmium
À l'inverse, les aliments les moins pollués par le cadmium sont "la viande issue des animaux d'élevage, les chairs de certains poissons (cabillaud, truite, merlu), le miel, les fruits, le lait et les boissons alcoolisées", a conclu un groupe de travail de l'Anses en 2023.
Comment limiter son exposition au cadmium ?
Pour limiter son exposition au cadmium, la première règle est de diversifier son alimentation ainsi que l'origine et la quantité des produits consommés. Ainsi, vous avez davantage de chances de consommer des aliments non contaminés. Les autorités sanitaires recommandent également de modérer la consommation des aliments à risque élevé, en particulier pour les enfants.
D'après un rapport de Santé publique France publié en juillet 2021, les fumeurs avaient un niveau d'imprégnation au cadmium 53 % plus élevé que les non-fumeurs. "Cette augmentation était de 16,27% chez les ex-fumeurs par rapport aux non-fumeurs", précise l'agence. Ces chiffres ne laissent aucun doute sur la première action à mener : pour limiter drastiquement son exposition au cadmium, il est essentiel d'arrêter de fumer.
Les engrais phosphatés étant interdits en agriculture biologique, manger bio est réputé réduire les risques d'exposition au cadmium. Toutefois, l'origine du produit consommé a son importance : rappelez-vous du chocolat bio d'Amérique du Sud !
Quels examens permettent de détecter une intoxication au cadmium ?
Le dépistage d'une exposition au cadmium se fait principalement à travers deux types d'analyses qui se complètent :
- Le dosage urinaire, qui mesure la concentration de cadmium accumulé dans l'organisme sur le long terme. Ce test est le plus pertinent pour évaluer une exposition chronique.
- Le dosage sanguin, qui renseigne sur l'exposition récente à ce métal lourd, dans les trois mois précédant la prise de sang.
Un dépistage bientôt remboursé pour les populations à risque
Le sujet de l'exposition au cadmium a récemment été évoqué à l'Assemblée nationale. Interpellé le 10 juin 2025 par la députée Sandrine Rousseau, le ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder, a fait une annonce majeure.
Le ministre a déclaré que le dépistage du cadmium, déjà pris en charge à l'hôpital, sera remboursé "à l'automne" en ville pour les personnes les plus exposées. En parallèle, le ministre a également assuré faire preuve de vigilance concernant un futur arrêté du ministère de l'Agriculture visant à garantir la limitation du taux de cadmium dans les engrais phosphatés.
Que faire en cas de suspicion d'intoxication au cadmium ?
Si vous pensez être exposé au cadmium de manière significative ou si vous présentez des symptômes qui vous inquiètent (fatigue persistante, douleurs abdominales, atteintes rénales ou osseuses inexpliquées), la première étape est de consulter un professionnel de santé. Seul un médecin pourra évaluer votre situation et déterminer si des examens complémentaires sont nécessaires.
La prise en charge repose sur la suppression de l'exposition (arrêt du tabac, adaptation du poste de travail, éviter certains aliments contaminés…), un suivi médical prolongé, et dans les cas graves une hospitalisation pour prise en charge des complications.
En cas d'urgence ou pour toute question, les centres antipoison sont les interlocuteurs les plus pertinents.
Cadmium et réglementation : que dit la loi ?
Les seuils fixés par les autorités sanitaires
Les autorités sanitaires fixent des seuils à ne pas dépasser pour protéger les consommateurs. En Europe, ces normes sont établies par l'EFSA, et elles concernent un grand nombre de produits, dont les céréales, les légumes et le chocolat.
La valeur toxicologique de référence du cadmium est fixée à 0,35 µg/kg de poids corporel par jour par l'Anses (soit 2,5 µg/kg par semaine pour l'EFSA). Cependant, comme l'a révélé l'enquête de l'UFC-Que Choisir, même en respectant ces normes, les consommateurs peuvent dépasser la dose journalière tolérable s'ils cumulent la consommation de plusieurs produits contaminés dans la même journée.
Un métal sous haute surveillance
L'Anses mène des expertises scientifiques pour évaluer l'exposition au cadmium et a établi plusieurs recommandations clé pour limiter la contamination : quantité de cadmium dans les fertilisants industriels et naturels, teneur maximale en cadmium dans les aliments… L'agence est également très impliquée dans la surveillance de la chaîne alimentaire, notamment via la Plateforme nationale SCA. Des recommandations ont été formulées pour améliorer les méthodes de prélèvement, d'analyse et la diffusion des résultats.
Quelles solutions pour réduire l'usage du cadmium ?
Face à cette problématique, la recherche scientifique explore plusieurs pistes.
Limiter la présence de cadmium dans les sols
La solution la plus évidente consiste à réduire l'apport de cadmium dans l'environnement. Si l'usage d'engrais contenant du cadmium a été réduit de 70 % depuis les années 1980, le problème réside dans le fait que le cadmium ne se dégrade pas et reste présent dans les sols. Les cultures sont donc contaminées par la présence de ce métal, d'origine majoritairement naturelle, explique l'INRAE.
Dépolluer les sols grâce aux plantes
Certaines plantes ont la capacité d'hyper-accumuler des métaux lourds dans leurs feuilles. Baptisée agromine, cette technique consiste à cultiver ces plantes sur des sols contaminés pour extraire les métaux. Toutefois, cette méthode reste expérimentale : les scientifiques doivent encore développer une plante qui produirait une biomasse suffisante pour une dépollution dans un temps raisonnable.
La sélection de plantes moins accumulatrices
C'est la voie la plus prometteuse pour réduire l'exposition alimentaire. Les chercheurs travaillent à développer des variétés de plantes qui absorbent le moins de cadmium possible du sol, tout en conservant un bon rendement et en restant riches en nutriments essentiels (comme le fer et le zinc).
Face à la toxicité de ce métal lourd, la vigilance s'impose. Si le risque d'intoxication aiguë est minime pour la population générale, l'exposition chronique par l'alimentation peut avoir de lourdes conséquences sur la santé à long terme, notamment pour les reins et les os.
Limiter la consommation des aliments les plus à risque, diversifier son régime alimentaire et cesser de fumer sont les premiers leviers des consommateurs pour se protéger du cadmium. En parallèle, la recherche scientifique et les autorités sanitaires continuent de surveiller ce polluant et d'explorer des pistes pour réduire sa présence dans notre chaîne alimentaire.