Définition : qu’est-ce que la cirrhose ou cholangite biliaire primitive (CBP) ?

La cholangite biliaire primitive (CBP), de son ancien nom cirrhose biliaire primitive, est une maladie inflammatoire chronique des petites voies biliaires.

Les mécanismes de l’inflammation sont encore peu clairs. Celle-ci se solde par une destruction progressive des canaux biliaires. Leur rétrécissement (préalable à leur disparition) entraine une diminution de l’écoulement de la bile. L’accumulation des composants biliaires dans les cellules du foie est à l’origine des symptômes.

Ces signes cliniques sont d’évolution lente, la maladie passant souvent inaperçue les premiers temps. "Si cette affection grave provoquait autrefois la mort par cirrhose du foie, les traitements actuels bloquent très efficacement la progression de la maladie. Les personnes atteintes peuvent espérer vivre confortablement", explique le spécialiste. Toutefois, en cas de diagnostic très tardif ou de négligence dans la chimiothérapie, la transplantation peut représenter l’unique espoir de survie. Mais cette situation reste marginale.

Photo : coupe histologique d'une cholangite biliaire primitive montrant l'inflammation et la lésion des voies biliaires 

Définition : qu’est-ce que la cirrhose ou cholangite biliaire primitive (CBP) ?© Creative Commons

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Chiffres : quelle est la fréquence de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive (CBP) ?

La cholangite biliaire primitive (CBP) est une maladie peu fréquente : elle touche 20 personnes pour 100 000 habitants (1). Cette maladie peut toucher tout individu quel que soit son sexe et son ethnie. Toutefois, les femmes restent plus touchées. En outre, la CBP affecte les adultes et plutôt les seniors, l’âge médian de survenue est de 55 ans (2). Chez la femme de plus de 40 ans, la prévalence est de 1 cas pour 1000 (3).

Quels sont les symptômes de CBP ?  

L’évolution de la maladie est très lente, ainsi dans 20 à 30% des cas la cholangite biliaire primitive reste longtemps asymptomatique et passent inaperçus (1). "Une fatigue est parfois un signe avant-coureur. Il n’est alors pas rare que la maladie soit découverte à son stade primitif fortuitement lors d’un bilan sanguin (pour une assurance ou en médecine du travail par exemple)", selon le praticien. 

Par la suite, le déclenchement de "la phase clinique" (qui dure entre 5 et 10 ans) occasionne certains signaux :

  • une asthénie (affaiblissement de l'organisme, fatigue physique) : elle pousse souvent à consulter et il n’est pas rare que la maladie soit découverte dans ce contexte lors d’un bilan sanguin ;
  • des démangeaisons (prurit) : ils sont diffus et plus ou moins sévères. Ils peuvent être présents tout au long de la maladie. "Ils sont le signe d’une hyperbilirubinémie. Ils témoignent de l’avancement de la maladie", prévient le docteur Spatzierer ;
  • un début de jaunisse (ou ictère) : elle résulte de l’accumulation de bile. Elle doit pousser à consulter.

Sans traitement la maladie gagne un stade plus avancé. Elle constitue alors une cirrhose du foie d’abord "compensée" (le foie continue de remplir sa fonction) puis "décompensée" (le foie ne parvient plus à fonctionner). La phase terminale est marquée par les complications de la cirrhose.

Quelles sont les causes de la cholangite biliaire primitive ?

La cause de la maladie demeure mystérieuse. Toutefois, des mécanismes de nature auto-immune sont fortement suspectés. En outre, les études témoignent d’une prédisposition héréditaire.

Une origine immunologique

La maladie est généralement associée à une hépatite auto-immune : " Nous disons qu’il y a un ‘syndrome de chevauchement’ entre ces deux maladies. Elles peuvent parfois se confondre ou le patient peut passer successivement de l’une à l’autre. De façon générale, la cholangite biliaire primitive est associée à beaucoup de maladies auto-immunes puisque le problème vient d’un emballement du système immunitaire". Ainsi des anticorps attaquent la membrane mitochondriale (les anticorps anti-mitochondries de type 2) des cellules : ces derniers sont présents dans plus de 95% des cirrhoses biliaires primitives chez l’adulte (ils peuvent être détectés de façon exceptionnelle chez l’enfant, alors interprétés comme des marqueurs d’une hépatite auto-immune).

Mais la cholangite biliaire primitive (CBP) se caractérise aussi par une infiltration des lymphocytes T qui attaquent les petits canaux biliaires. L’origine de cette agression est inconnue. Toutefois un facteur déclenchant est suspecté : l’exposition à des antigènes étrangers tels qu’une maladie infectieuse ou un agent toxique (médicamenteux ou environnemental). Ces antigènes étrangers prendraient la forme structurelle de protéines présentes dans l’organisme de sorte que l’agression serait "auto-entretenue".

Une susceptibilité héréditaire

La cirrhose biliaire primitive semble être une affaire de famille ! Des études montrent qu’une prédisposition génétique, impliquant le chromosome X, y contribue probablement. 

Quelles sont les différentes formes de cholangite biliaire primitive ?

En dehors de la forme classique de CSP, il existe des formes particulières de cholangites biliaires primitives :

  • Certains cas rares de CSP ne présentent pas d’anticorps mitochondriaux : nous parlons alors de cholangite biliaire primitive séronégative. Cette dernière représente 5% des cas . Elle est appelée CSP séronégative auto-immune en cas d’infiltration lymphocytaire et de présence d’autres anticorps dirigés contre les tissus.
  • La cirrhose biliaire primitive "cholestase négative" est la seconde forme particulière de CSP. Elle présente des anticorps anti-mitochondries, mais il n’y a pas d’accumulation de bile dans les cellules du foie (cholestase). Elle pourrait correspondre à un stade très précoce de CSP ou constituer un sous-groupe à part.

Quelle est l’évolution de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

La destruction des canaux biliaires par les lymphocytes T conduit à l’accumulation d’une bile altérée dans les cellules du foie : c’est la cholestase. Pour rappel, Le foie et la vésicule biliaire sont tous deux situés dans la partie supérieure droite de l'abdomen et sont reliés par les canaux biliaires.

"En l’absence de traitement, la cholestase conduit à une inflammation des cellules hépatiques. Une fois détruites, ces dernières vont se régénérer sous la forme de nodules de régénération. Ces nodules sont entourés de tissus cicatriciels : c’est la fibrose qui précède la cirrhose et ses éventuelles complications telles que le cancer du foie. C’est la cascade rencontrée dans ce type de maladie.", développe le praticien.

Quelles sont les maladies associées à la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

D’autres maladies auto-immunes sont associées à la cirrhose ou cholangite biliaire primitive telles que :

  • les maladies inflammatoires de l’intestin (maladie de Crohn, réctocolite hémorragique…) ;
  • la polyarthrite rhumatoïde ;
  • la sclérodermie ;
  • le syndrome de Sjögren ;
  • le syndrome CREST ;
  • la thyroïdite auto-immune et acidose tubulaire rénale. 

Quels sont les facteurs de risque de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

Les facteurs de risque de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive sont :

  • le fait d’avoir un parent atteint. La prévalence se révèle 10 fois plus élevée chez les parents au premier degré. Le taux de concordance chez les jumeaux hétérozygotes est de 63% (4) ;
  • une infection virale ou bactérienne (généralement les rétrovirus) ;
  • l’exposition à un agent toxique (avec perte d’immunotolérance à cet agent) : tabac, pesticide, cosmétiques, détergents…

À noter que l’alcoolisme n’est en aucun cas un facteur de risque de la cholangite biliaire primitive.

Quelles sont les personnes à risque de cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

La cirrhose ou cholangite biliaire primitive peut toucher tout individu quel que soit son âge, son sexe ou son ethnie. Toutefois, les malades sont presque tous de sexe féminin (9 cas sur 10) et ont passé la quarantaine (l’âge médian étant de 55 ans). Les personnes les plus à risque de développer la maladie sont :

  • les personnes ayant un proche parent atteint ;
  • les personnes touchées par une maladie auto-immune associée à la maladie (MICI, polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie…).

Quelle est la durée de la cirrhose ?

La cirrhose ou cholangite biliaire primitive est une affection irréversible, elle dure toute la vie avec la prise d’un traitement qui bloque sa progression. Elle se développe en 3 phases (4) :

  • une première phase asymptomatique qui peut durer plusieurs années et qui s’allonge grâce au traitement.
  • une seconde phase "clinique" pendant laquelle le malade va développer les symptômes qui correspondent au développement de la cirrhose du foie (démangeaison, asthénie, jaunisse). Cette phase dure 5 à 10 ans.
  • une phase terminale qui correspond aux complications de la cirrhose du foie. Cette phase peut être foudroyante et nécessiter une greffe.

En l’absence de traitement, la durée moyenne de survie est de 9 à 12 ans à compter du déclenchement de la maladie.

La cirrhose ou cholangite biliaire primitive est-elle contagieuse ?

La cirrhose ou cholangite biliaire primitive n’est pas une maladie contagieuse.

Qui, quand consulter ?

"En cas de signes évocateurs (une fatigue inexpliquée accompagnée de démangeaisons, d’une jaunisse et/ou d’un ventre gonflé et ferme), il convient de consulter son médecin traitant ou directement un hépatologue dans les plus brefs délais", recommande le spécialiste.

Quelles sont les complications de cette maladie ?

La première complication de la cholangite biliaire primitive est l’apparition d’une cirrhose du foie dont les symptômes sont caractéristiques : un renforcement de la jaunisse, une augmentation du volume abdominal (ventre gonflé et ferme), une dénutrition, des rougeurs sur les paumes des mains et des pieds, des ongles blancs et striés, des troubles hormonaux et hémorragiques.

Les complications qui suivent sont celles de la cirrhose du foie :

  • encéphalopathie hépatique (manifestations neurologiques liées à l’insuffisance hépatique) ;
  • ascite (enflure de l'abdomen par présence de liquides) ;
  • œdème des membres inférieurs ;
  • hypertension portale (le risque est alors l’hémorragie par rupture de ces varices œsophagiennes) ;
  • syndrome hépatorénal, complications pulmonaires (hypertension porto-pulmonaire , hydrothorax hépatique, syndrome hépato-pulmonaire ) ;
  • cancer du foie

Quels sont les examens et analyses de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

Le diagnostic est établi par une série d’examens. Bien qu’ils ne soient pas exhaustifs les examens sanguins comportent plusieurs anomalies :  

  • une élévation des enzymes du foie dans le sang ( phosphatases alcalines, les gamma-GT, ou les transaminases) ;
  • une élévation de la bilirubinémie à un stade plus avancé. "La bilirubinémie permet d’évaluer la sévérité de la maladie". Lorsqu’elle est supérieure à 50 µmol, la maladie est très avancée et une transplantation peut être envisagée ;
  • un taux élevé de cholestérol: l’hypercholestérolémie est souvent associée à la CSP.

À noter que la présence d’anomalies hépatiques lors des examens sanguins donne systématiquement lieu à une échographie afin d’éliminer tout autre diagnostic. Cette dernière est normale en cas de CSP.  

  • Le diagnostic doit être complété par la détection d’anticorps anti-mitochondries. Ces anticorps sont présents chez 95% des patients atteints de cholangite biliaire primitive et ne se voient pratiquement jamais en dehors de cette maladie. La recherche de ces anticorps se fait en laboratoire spécialisé en immunologie par différentes méthodes. Si les anticorps anti-mitochondries sont absents, il faudra rechercher la présence d’autres anticorps anti-tissus.
  • Lorsque les anomalies biologiques sont importantes, il convient d’effectuer une biopsie afin de déterminer le stade de la maladie (l’analyse histologie répertorie 4 stades) et d’orienter le traitement.

Quels sont les traitements de la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

Le traitement de fond

La maladie est traitée grâce à l’acide ursodésoxycholique. Ce médicament détient la propriété de diminuer considérablement l’inflammation des voies biliaires et d’empêcher la destruction des canaux biliaires. Il bloque complètement l’évolution de la maladie.

L’acide ursodésoxycholique est une molécule naturelle déjà présente en infime quantité dans notre foie. Plus la chimiothérapie est administrée précocement, plus le pronostic est favorable. "Ce médicament préserve considérablement l’espérance et la qualité de vie des patients. Toutefois, le traitement doit être pris toute la vie et de façon continue", avertit le spécialiste.

La prise du traitement est d’augmentation progressive (200 à 250 mg/jour en augmentant la dose jusqu’à 15 mg/kg/jour au bout de quelques mois).

La surveillance de l’efficacité du médicament se fait au moyen d’une chromatographie des acides biliaires. La disparition des signes cliniques est aussi un témoin de la réponse au traitement. En outre, les examens sanguins et la biopsie seront à réaliser régulièrement afin de confirmer des améliorations et de leur maintien.

Si l’inflammation persiste après 2 ans de traitement, un anti-inflammatoire calibré ainsi qu’un immunosuppresseur peuvent être administrés.

Le traitement des démangeaisons

En cas de démangeaisons, l’acide ursodésoxycholique est associé à la Rifampicine (la dose doit être comprise entre 300 et 600 mg/jour).

Le traitement de l’hypercholestérolémie

Elle est souvent associée à la cholangite biliaire primitive. L’acide ursodésoxycholique fait baisser la cholestérolémie. Toutefois, si l’hypercholestérolémie persiste, un traitement par statines peut être prescrit.

La transplantation hépatique

Elle est rarement indiquée en cas de CSP. Actuellement, une vingtaine de transplantations hépatiques en France sont effectuées dans ce cadre, généralement en raison d’un diagnostic tardif ou d’une négligence dans l’application du traitement (1). La transplantation fait l’objet d’un traitement immunosuppresseur à vie. Environ 1 000 patients sont transplantés chaque année en France, avec une survie à cinq ans de plus de 80%. La durée de vie du greffon est de plus de 20 ans (5).

Prévention de la Cirrhose

Comment prévenir la cirrhose ou cholangite biliaire primitive ?

Réponse du Dr. Spatzierer, gastroentérologue et hépatologue : "Il est impossible de prévoir ou d’empêcher la survenue de la maladie. Il est cependant recommandé de consulter le plus rapidement possible en cas de symptômes : un dépistage précoce permet un pronostic plus favorable. En outre, l’application continue et rigoureuse du traitement par le malade est primordiale afin d’éviter des complications".

Site d'informations et associations

La page Cholangite biliaire primitive de la Fondation Canadienne du Foie

La page Cholangite biliaire primitive du site Orpha.net

Association pour la lutte contre les maladies inflammatoires du foie et des voies biliaires ALBI

Sources

Entretien avec le Docteur Olivier Spatzierer, gastro-enterologue et hepatologue

La cholangite biliaire primitive, SNFGE

(1) La cholangite biliaire primitive, filfoie

(2) La cholangite biliaire primitive, association française de formation médicale continue en hépato-gaastro-enterologie 

(3) Rising incidence and prevalence of primary biliary cirrhosis: a large population-based study, K. Boonstra and al, 2014

(4) Cirrhose biliaire primitive, Dr. Marie Lequoy, 2012- PDF disponible sur hepatoweb

(5) cirrhose du foie, la greffe de foie, inserm

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