"Je ne lui parle plus" : 7 temoignages de familles dechirees

On ne choisit pas sa famille, pour le meilleur et pour le pire. Les liens du sang ont parfois un goût de chaînes, nous enfermant dans des relations oppressantes. Comment garder de bons rapports alors que notre seul point commun est un patronyme ? Quand on tire trop sur la corde, pas de mystère, elle se casse. Le couperet tombe : celui de la rupture familiale. Une séparation prolongée, parfois définitive, entre deux (ou plus) membres d’une même famille.

Rupture familiale : des mésententes fréquentes ? 

Difficile d'avoir des statistiques prenant compte de l'ensemble des relations interfamiliales, aussi riches que complexes. De manière générale, les jeunes s’entendent bien avec leurs parents. En effet, d’après un sondage de l’Insee, 65 % des jeunes adultes de 18 à 24 ans déclarent n’avoir aucun problème avec leurs parents, soit 6 jeunes sur 10. De même 21 % déclarent n’avoir que des disputes épisodiques.

Petits conflits, ou grandes violences

S’il s’agit parfois d’histoires interpersonnelles sans enjeux majeurs, il ne faut toutefois pas oublier que le foyer familial reste le nid de nombreuses violences

D’après l’Insee, en 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernent des violences commises au sein de la famille, ce qui représente 160 000 victimes (119 000 majeures et 41 000 mineures). Les victimes de violences intrafamiliales étant en majorité des femmes et des enfants. 

  • Quelques numéros à connaître 

L’occasion pour nous de rappeler que si vous êtes victime de violences conjugales ou êtes dans l’entourage d’une personne en subissant, le numéro d’écoute 3919 est à votre disposition pour informer et orienter. Le 3919 n’est pas un numéro d’appel d’urgence. En cas d'urgence, appelez les forces de sécurité. 

Autre numéro à connaître : le 119, numéro d’appel national de l’enfance en danger, principalement pensé pour les violences sexuelles.

Des initiatives sont par ailleurs lancées, comme La Filière de la Santé Familiale, association (loi 1901) permettant de faciliter l’accès à des professionnels certifiés, avec pour objectif d’inscrire durablement le soin des relations conjugales et familiales au cœur des parcours de vie et de santé en France.

Rupture familiale et relation toxique

1/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Romane, 32 ans

Je ne parle plus à ma mère depuis 11 ans. Je ne regrette en rien mon choix, et me sens plus que jamais heureuse aujourd’hui. Pourtant, ce n’est pas faute de m’être battue pour que notre relation fonctionne. Ni faute d’aimer ma maman. 

Ma mère n’avait pas, à mon sens, un rapport sain à la maternité. Je pense qu’elle avait besoin d’un suivi psychologique et d’amitiés solides, d’abord, avoir d’envisager d’enfanter. Petite, j’étais son rempart émotionnel à qui elle racontait tout, notamment des sujets qu’un enfant ne devrait pas connaître à mon sens. Outre ses confidences, elle passait également ses nerfs sur moi. Notre relation était esclave de ses humeurs : lors d’une bonne journée, j’étais la huitième merveille du monde,  lors d’une mauvaise, j’étais répugnante, insupportable. Dans ces jours noirs, elle m’insultait, me dénigrait… et a même vomi plusieurs fois devant moi, parce que le simple fait de me voir l'écoeurait.

Bien qu’ayant toujours été une petite fille sans histoire, je n’étais jamais assez bien : je ressemblais trop à mon père, je lui coûtais trop d’argent, elle aurait aimé une enfant plus comme ci, ou plus comme ça… Elle me comparait à des célébrités ! Ses reproches quotidiens ont essoré ma confiance en moi, et me provoquaient de longues crises de larmes, qu’elle calmait en me donnant des anxiolytiques, dès très jeune. Le pire : quand elle me demandait ce qui n’allait pas, elle faisait comme si de rien n’était : “Mais je n’ai jamais dit ça ! Tout va bien entre nous. Tu nous inventes des problèmes pour faire ton intéressante.” J’apprendrai plus tard qu’il s’agit de gaslighting : une forme de manipulation psychologique visant à faire douter une personne de sa mémoire, de sa perception ou de sa santé mentale, afin de mieux la contrôler. Cette technique est souvent utilisée dans des relations toxiques ou abusives. Elle a engendré, pour ma part, des gros soucis de mémoire. Je n’avais plus confiance en mes propres souvenirs, et me pensais folle.

A l’adolescence, j’ai commencé à construire ma propre individualité, chose que ma mère n’a pas supporté : elle voulait me garder pour elle seule. Elle me dénigrait alors devant mes amis, mes premiers amoureux de l’époque, m’assurait que j’allais lasser tous les gens que j’aime et que je n’étais pas digne d’amour. Nos disputes s’intensifiaient, puisque je commençais à répondre et m’affirmer, (choses que je ne faisais pas avant, attendant que l’orage passe). La violence est montée crescendo. Elle me virait régulièrement du domicile parce qu’elle ne supportait plus de ne serait-ce que me croiser, elle en avait des nausées. Mais quand je rentrais, penaude, le lendemain ou quelques jours plus tard, elle m’accueillait comme le messie. C’était difficile, j’étais complètement perdue, entre son amour et sa haine. Un beau jour, elle m’a exhorté pour la énième fois de partir. Je me suis exécutée, et ne suis jamais revenue. 

J’ai essayé par la suite toute sorte de méthodes pour garder du lien avec elle (espacer mes visites, n’avoir qu’une relation épistolaire, et j’en passe), mais malheureusement, sans travail sur elle-même, il nous est impossible d’avoir une relation viable. Et je souhaite prendre soin de ma santé mentale ! Je n’ai jamais été aussi confiante et épanouie que depuis que je ne la fréquente plus. Je découvre que je suis digne d’amour. Aujourd’hui, j’ai privilégié d’autres relations au sein de ma famille et de mes amitiés, et je me porte beaucoup mieux. J’aurais évidemment aimé que notre histoire se passe autrement et que tout soit plus simple, mais j’accepte ma vie telle qu’elle est.

Une rupture familiale à cause de l’argent

2/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Maëva, 30 ans

Il y a environ 20 ans, ma tante a été dans une situation financière compliquée. Elle avait également des soucis d’addiction à l’alcool. Sa mère (ma grand-mère, donc) l’a hébergée, elle et ses enfants, plusieurs années durant. Au-delà du gîte et du couvert, elle a également donné une importante aide financière à sa fille, lui permettant de s’acheter une belle maison. Mais ma grand-mère n’a pas arrêté de donner de sa personne (et de son porte-monnaie) pour autant. Elle a même pensé à mettre sa maison en hypothèque ! Un beau jour, elle s’est donc retrouvée à sec. Ma tante a pris ce désaveu comme un abandon, lui en a énormément voulu. Alors, elle a voulu en avoir le coeur net, et a enquêté par elle-même : ma tante a fouillé dans les affaires de sa mère, pour vérifier ses finances ! Ma grand-mère n’a pas supporté cette trahison. 

En plus, du fait de ses problèmes d’alcools, ma tante a commencé à accumuler de la rancoeur et envoyer des messages assassins à de nombreux membres de ma famille, qu’elle s’est mise à dos. Il semblerait qu’elle ait d’autres ressentiments vis-à-vis de ma grand-mère, mais on ne les comprend pas. Depuis, ça fera 10 ans en octobre, ma grand-mère et ma tante se parlent plus du tout… Alors qu’elles vivent à 10 minutes de route, et que ma grand-mère a 91 ans.

Une rupture familiale à cause de l’alcool

3/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Théo, 31 ans

A partir de mes 12 ans, j’ai demandé à ne plus aller chez mon père, car je commençais à prendre conscience de tout ce qu’il se passait (drogue, alcool, et trouble bipolaire… un sacré cocktail). J’ai prévenu mes grands-parents qui ont dit me “soutenir dans ma démarche”... Avant de concocter une attestation au juge me demandant de rester avec mon père, je l'ai vécu comme une trahison. Malgré ça, le juge a accepté ma demande, et je n’ai plus revu que mon père via des visites encadrées pendant un an. Ensuite, on ne s’est plus revu. Il a repris contact avec moi aux alentours de mes 18 ans. Nous nous sommes croisés quelques fois, jusqu’à ce que je coupe de nouveau contact du jour au lendemain. C’était trop difficile, et ses problèmes ne s’arrangeaient pas, notre relation n’était pas saine et j’en souffrais. 

Quelques années plus tard, il est décédé. La faute à ses (nombreux) excès. Je ne regrette pas du tout de ne pas lui avoir parlé pendant les derniers moments de sa vie. Une partie de moi aurait évidemment apprécié que ça se passe autrement, mais je respecte le fait qu’à cette période de ma vie je n’étais pas prêt à l’affronter. Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec cette histoire et ne me culpabilise plus.

Une rupture familiale après une dispute violente

4/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Nathalie, 57 ans

Nous étions une grande famille ayant l’habitude de régulièrement nous retrouver à l’occasion de cousinades. Mon père avait 8 frères et sœurs, il fallait des grandes tablées pour réunir tout le monde ! Je jouais avec mes cousins, que j’adorais. Un beau jour, alors que j’étais toute petite, une dispute entre deux frères a dégénéré. Les voix se sont élevées… Et les poings ont frappé. Mon père a reçu un coup de l’un de ses frères cadets. Nous ne sommes pas du tout violents dans la famille, alors ça a été un vrai choc. A partir de ce moment-là, mes parents ont décidé de ne plus jamais recroiser la famille du frère bagarreur, même mes cousins que j'appréciais tant. Leurs prénoms sont devenus un énorme tabou familial. Aujourd’hui, j’ai 57 ans, et je n’ai repris contact avec l’un d’entre eux que tout récemment… Son père est toujours vivant, mais je refuse de le voir, par respect pour la mémoire du mien, désormais décédé. Nous ne reparlons pas de cette histoire, qui est une blessure encore profonde pour nous tous.

Une rupture familiale à cause de la politique

5/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Aurélien, 40 ans 

Je ne parle plus du tout à mon oncle, qui est aussi mon parrain. En cause : une brouille entre frères dans la famille, mais aussi ses penchants politiques qui ne correspondent pas du tout à mes valeurs profondes. Pour les mêmes raisons, il a également coupé les ponts avec son fils, qui a un enfant. De mon côté je le vis plutôt bien, ce n’est “que” mon oncle, mais j’avoue être triste, j’aimerais lui reparler… Malheureusement, la situation ne dépend pas que de moi, alors c’est compliqué. Je ne veux froisser personne. De plus, le climat politique pourrait renforcer l’électricité déjà très présente entre nous. Je ne prendrais donc pas le risque tout de suite !

Une rupture à cause d’une injustice

6/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Magali, 39 ans

Nous sommes trois enfants. Mon frère et ma soeur ont le même père, et pas moi… je suis la petite dernière. Mon frère a été plutôt privilégié, parce que c'était le seul garçon. Il a toujours été très égoïste (il jouait à la guitare électrique très tard le soir alors qu'avais 12-13 ans et j'étais dans la chambre en face), il n'aidait jamais pour faire les courses, jamais d'aide, presque jamais la vaisselle et ça ne s'est pas arrangé en grandissant. De ce fait, il a préféré s'éloigner de la famille (aussi parce que la relation à nos parents est assez toxique), et ne donne jamais de nouvelles. Quand il remonte dans la région, nous devons toujours faire l'effort d'aller le voir, mais la réciproque n’est pas envisageable : lui ne vient jamais jusqu'à nous lorsqu'il y est invité ! Il est souvent méchant verbalement et ne prend aucune nouvelle. Nous devons aussi garder ses enfants quand il est présent, parce qu'il se reposait sur la famille pour se délaisser de ce rôle. Pour Noël par exemple, j'ai déjà eu en cadeau un livre volé à la bibliothèque municipale du coin. Notre relation est donc au point mort, et je ne m’en porte pas plus mal. 

Une rupture familiale après une trahison

7/7
"Je ne lui parle plus" : 7 témoignages de familles déchirées

Véronique, 46 ans

Il y a quelques années, ma tante, la sœur de ma mère, a proposé à cette dernière de s’associer avec elle dans une agence immobilière qu’elle lançait. Elle lui proposait un rôle de conseillère, notamment grâce à son expérience dans la vente et ses très bonnes compétences en relation client. Ma mère, flattée et confiante, a accepté. Tout s’est fait rapidement, sans véritable contrat, juste un papier signé sur un coin de table.

Ma tante était considérée comme la réussite de la famille : maison cossue, voiture haut de gamme, voyages, fêtes… Tout le monde l’admirait. Elle inspirait confiance, et son assurance ne laissait pas place au doute.

Les premières années, tout semblait bien se passer. Mais sans qu’on ne le voie venir, les affaires ont commencé à se dégrader. Un beau jour, ma mère a été convoquée pour "régler un détail administratif". En réalité, elle s’est retrouvée face à un huissier : l’agence était endettée, ma tante insolvable, et c’est elle (à cause de cette signature) qui devait rembourser. Elle avait, sans le savoir, signé un engagement solidaire.

En quelques semaines, mes parents ont tout perdu. Ma mère a été placée en faillite personnelle. Ma tante, elle, a réussi à protéger ses biens, qui étaient au nom de son mari. Elle n’a jamais vraiment assumé face à nous. Cette histoire a fracturé bien plus que les finances : elle a coupé les liens. Et même si les années ont passé, les blessures, elles, sont restées.

Partager :