Coloscopie : pourquoi les hommes préfèrent l’éviter (et pourquoi ils ne devraient pas) Istock
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Ils se disent “pas concernés”, “pas encore prêts”, ou “en pleine forme”. Pourtant, beaucoup d’hommes passent à côté d’un rendez-vous qui pourrait leur sauver la vie : la coloscopie. Cet examen, trop souvent repoussé voire refusé, reste un pilier du dépistage du cancer colorectal, le deuxième cancer le plus meurtrier en France. Mais entre la peur, la gêne et le tabou, il reste encore beaucoup de freins à lever, notamment chez les hommes.

Pourquoi la coloscopie fait fuir tant d’hommes ?

Chez les hommes de plus de 50 ans, la coloscopie est un examen recommandé, voire essentiel. Pourtant, une étude menée en 2022 par l’American Cancer Society a révélé que près de 40 % des hommes éligibles au dépistage du cancer colorectal aux États-Unis n'avaient jamais passé de coloscopie. En France, le taux de participation au programme de dépistage organisé du cancer colorectal plafonne autour de 34 %, avec une participation masculine inférieure à celle des femmes selon Santé publique France.

Pourquoi cette réticence ? Elle tient autant à des facteurs psychologiques que culturels. La coloscopie est perçue comme intrusive, associée à une perte de contrôle, voire à une atteinte de la virilité. L'idée de "se faire sonder", souvent évoquée avec un sourire gêné ou un haussement d’épaules, reste chargée de connotations peu rassurantes.

Paul, 67 ans, retraité, raconte :

“Le médecin m'a prescrit la coloscopie pour vérifier si je n'avais pas de polype. Mais l'idée que l'on m'insère une caméra dans le côlon me faisait peur donc j'ai mis quelques semaines avant de prendre le rendez-vous. J'appréhendais aussi la préparation de l'examen. Il faut boire un produit pour aller à la selle, ce qui déclenche de grosses douleurs abdominales. Et pour finir j'avais peur du résultat. Autour de moi, mes amis se font diagnostiquer des saloperies, j'appréhende le jour où ça va m'arriver. C'est parfois plus facile de faire l'autruche, même si ce n'est pas du tout une solution."

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), le dépistage par coloscopie permet de réduire de 60 à 70 % la mortalité liée au cancer colorectal, à condition d’être réalisé à temps.

Pourtant, un examen simple… et qui peut sauver la vie

La coloscopie est un examen endoscopique qui permet d’explorer le côlon (gros intestin) à l’aide d’un tube souple muni d’une caméra. Elle sert à détecter des polypes (lésions précancéreuses) ou des tumeurs, et permet même, dans certains cas, de retirer immédiatement les polypes détectés.

L’examen se déroule sous anesthésie générale légère ou sédation, et ne dure généralement qu’une vingtaine de minutes. Le plus désagréable reste la préparation colique, qui consiste à prendre un laxatif puissant la veille et le jour même pour vider complètement les intestins. Ce moment est certes contraignant, mais nécessaire pour une visualisation optimale.

En termes de bénéfices, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), le dépistage par coloscopie permet de réduire de 60 à 70 % la mortalité liée au cancer colorectal, à condition d’être réalisé à temps. Le cancer colorectal représente près de 17 000 décès par an et il touche davantage les hommes que les femmes.

Ce qui est dramatique, c’est qu’il est aussi l’un des cancers les plus facilement évitables, dès lors qu’il est dépisté tôt.

"Franchement, je trouvais ça ridicule. Une caméra dans les fesses, non merci. Et puis ma femme a insisté. Un ami à elle est mort d’un cancer du côlon, il refusait de se faire dépister."

Un tabou masculin persistant, mais dépassable

Le refus de la coloscopie chez les hommes ne repose pas uniquement sur la peur de la douleur. C’est aussi une question d’image. L’homme "fort", celui qui ne se plaint pas, qui n’a pas peur, se retrouve soudain dans une posture perçue comme vulnérable. Dans certaines cultures ou tranches d’âge, cela suffit à retarder, voire à annuler complètement un examen pourtant essentiel.

Bernard, 61 ans, a longtemps hésité lui aussi, avant de franchir le pas :

"Franchement, je trouvais ça ridicule. Une caméra dans les fesses, non merci. Et puis ma femme a insisté. Un ami à elle est mort d’un cancer du côlon, il refusait de se faire dépister. Là, j’ai eu un déclic. J’y suis allé à reculons, mais finalement, l’examen s’est super bien passé. Je ne me suis rendu compte de rien. Et ils m’ont retiré deux polypes sans que je sente quoi que ce soit. C’est un soulagement, maintenant je me dis que j’ai eu raison."

L’enjeu est là : faire passer l’acte médical avant la gêne ou les idées reçues. Et cela passe aussi par une meilleure information des patients.

Comment se déroule exactement une coloscopie ?

Avant l’examen : un régime sans fibres est recommandé pendant trois jours, suivi d’une purge intestinale à l’aide de laxatifs. Cette étape est contraignante mais essentielle pour bien visualiser la paroi intestinale.

Pendant l'examen : le patient est allongé sur le côté gauche. Le médecin insère doucement un endoscope via l’anus pour inspecter le côlon.

Après l’examen : une légère sensation de ballonnement est possible. Le patient peut généralement rentrer chez lui dans la journée, accompagné. Si des polypes ont été retirés, un suivi est programmé.

La coloscopie est un examen fiable, indolore (grâce à la sédation), rapide et potentiellement salvateur. Et aujourd’hui, elle est prise en charge à 100 % dans le cadre du dépistage organisé.

Le tabou autour de la coloscopie chez les hommes s’alimente de silences, de clichés virils et d’un certain déni face à la vulnérabilité. Pourtant, c’est en parlant de cet examen, en partageant les expériences et en informant concrètement qu’on réussira à banaliser le geste et à sauver des vies.