Ils avaient fait scandale il y a quelques mois, et les revoilà au cœur du débat public : les PFAS. Des composés chimiques massivement utilisés depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes à la chaleur. On les retrouve dans des produits du quotidien : poêles, emballages alimentaires, vêtements techniques, cosmétiques… Surnommés “polluants éternels”, ces substances ne se dégradent quasiment pas dans l’environnement, s’accumulent dans les sols, l’eau, les organismes vivants et, malheureusement, dans notre organisme. Leur présence généralisée, y compris dans l’alimentation, a suscité un véritable scandale sanitaire à travers le monde, épinglés pour leur lien avec des troubles hormonaux, des baisses de fertilité, certains cancers ou encore des effets sur le système immunitaire.
Des polluants bien plus répandus que prévus
Si, alors, les mises en garde portaient surtout contre les ustensiles de cuisine en comportant (et pouvant donc contaminer des aliments à la cuisson), l’ONG Générations Futures partage un constat bien plus accablant. Dans un rapport partagé jeudi 19 juin, l’association de défense de l’environnement partage une “contamination généralisée” de ces substances chimiques dans nos assiettes, à une teneur alarmante. “Les activités industrielles ont rejeté et rejettent encore des PFAS dans tous les milieux : eau, air, sol. Ils sont alors disponibles pour les végétaux et contaminent ainsi l’ensemble de la chaîne alimentaire”, souligne ainsi le rapport.
PFAS : un bilan qui n’est que parcellaire
Pour son étude, l’ONG Générations Futures a passé au crible les données disponibles pour l’année 2023 en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. Problème : sur les milliers de PFAS existants, seuls quatre font l’objet d’une réglementation. Une situation qui complique fortement la traque de ces polluants éternels dans notre alimentation, et qui laisse présager que le bilan dressé par l’association n’est que la partie émergée de l’iceberg. Du reste, l’ONG dénonce le manque de transparence et la faiblesse du suivi : seuls huit pays ont transmis leurs données à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
- Générations Futures appelle à plus de vigilance
“ Il est nécessaire d’élargir la liste des PFAS à contrôler dans l’alimentation sachant que plus de 20 autres substances PFAS ont été recommandées par la commission européenne en 2022. [...] Par ailleurs, les limites réglementaires ne portent que sur un nombre limité de type de denrées alimentaires (viande, poisson, crustacés, mollusques et œufs). Ainsi, il n’y a pas de limites réglementaires concernant le taux de PFAS dans les fruits et légumes, les céréales et les produits laitiers alors que ceux-ci représentent une part majeure de notre alimentation. De manière surprenante, il n’y a pas non plus de limites réglementaires définies concernant les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge qui sont pourtant des publics particulièrement vulnérables”, alerte ainsi l’association.
Scandale PFAS : une réglementation qui profite à l'économie
Derrière les seuils fixés pour les PFAS dans l’alimentation, c’est un compromis douteux qui se dessine. Officiellement établies “aussi bas que raisonnablement possible” (d’après la Commission Européenne), ces limites tiennent en réalité davantage compte des réalités économiques que de la santé publique. L’objectif ? D’après Générations Futures, il s’agit d’écarter uniquement les produits les plus contaminés, sans bouleverser le marché. Résultat : les plafonds autorisés restent élevés, surtout pour les aliments les plus exposés (poissons, abats, gibier). Le PFOS, le plus présent des quatre PFAS réglementés, bénéficie même d’un seuil plus généreux que les autres. Et pourtant, l’EFSA avait tiré la sonnette d’alarme dès 2020, fixant une dose hebdomadaire tolérable plus basse. Mais celle-ci semble n’avoir tout simplement pas été prise en compte. Ainsi, un seul œuf ou 100 g de poisson à la limite autorisée suffit déjà à dépasser cette dose chez un enfant. Et l’exposition réelle, via plusieurs aliments consommés dans la semaine, est évidemment bien supérieure !
Quelles denrées sont impliquées ? Voici les principaux aliments concernés par la contamination aux PFAS selon le rapport de Générations Futures (2025), avec les taux moyens et maximaux relevés pour les 4 PFAS réglementés (PFOS, PFOA, PFNA et PFHxS).
Abats contaminés aux polluants éternels
1/7
Les abats sont parmi les plus contaminés : 55 % des échantillons contiennent des PFAS, avec une moyenne à 2,07 µg/kg et un record à 382,82 µg/kg dans un foie de sanglier. Leur forte bioaccumulation en fait un aliment à risque élevé.
Poissons contaminés aux PFAS
2/7
69 % des poissons testés contiennent des PFAS, avec un taux moyen de 0,72 µg/kg et un pic à 35,78 µg/kg. Les poissons d’eau douce sont les plus touchés. Une simple portion peut suffire à dépasser les seuils sanitaires fixés par l’EFSA.
Mollusques contaminés aux PFAS
3/7
55 % des mollusques sont contaminés, avec une moyenne de 0,49 µg/kg et un maximum à 12,97 µg/kg. Leur mode de vie filtreur favorise l’accumulation de PFAS, en particulier dans les zones côtières polluées.
Œufs contaminés aux PFAS
4/7
39 % des œufs analysés contiennent des PFAS. Le taux moyen est de 0,42 µg/kg, avec un maximum à 26,45 µg/kg. Un seul œuf à la limite autorisée suffit à dépasser la dose hebdomadaire tolérable d’un enfant.
Lait contaminé aux PFAS
5/7
Le lait affiche 23 % d’échantillons contaminés. Les taux moyens sont faibles (0,06 µg/kg), mais certains échantillons atteignent 5 µg/kg. Une source d’inquiétude pour les nourrissons, très exposés.
Viande contaminée PFAS
6/7
14 % des viandes analysées sont touchées, avec un taux moyen à 0,02 µg/kg et un maximum de 1,46 µg/kg. La viande de bœuf est plus concernée que la volaille.
Crustacés et PFAS
7/7
27 % des crustacés sont contaminés, avec un taux moyen de 0,16 µg/kg et un pic à 9,54 µg/kg. Comme les mollusques, ils accumulent les polluants présents dans leur environnement aquatique.
Sources
Commission Européenne. RÈGLEMENT (UE) 2023/915 DE LA COMMISSION du 25 avril 2023 concernant les teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires et abrogeant le règlement (CE) no 1881/2006
