Addictions : ces médicaments pour Parkinson rendent accro au jeu, au sexe, à la nourriture...shutterstock
Sommaire

Partager :

Le Canard Enchaîné, Mediapart ou plus récemment France Info, plusieurs médias généralistes nationaux ont mené l’enquête et révélé le quotidien des victimes des médicaments pris en cas de maladie de Parkinson.

"Tout cela s’est mis en place progressivement, insidieusement. Je n’ai pas fait le lien avec le traitement, et j’avais tellement honte que cela a pris des mois avant que j’arrive à en parler."

Stéphane Grange, un cinquantenaire parisien, est ainsi entrainé dans une spirale infernale en quelques mois après le début de son traitement, raconte France Info dans une enquête publiée cette semaine.

C’est en 2019 que commencent ses ennuis, quand son médecin lui prescrit du Requip, un médicament de la classe des agonistes dopaminergiques. Très vite il développe une addiction au jeux, devient accro aux paris sportifs et au sexe, dépense sans compter, s’endette, fait voler en éclat son couple. “Tout cela s’est mis en place progressivement, insidieusement. Je n’ai pas fait le lien avec le traitement, et j’avais tellement honte que cela a pris des mois avant que j’arrive à en parler, déclare Stéphane à l ’UFC-Que Choisir. Les addictions sont encore souvent vues comme un manque de volonté dans notre société, et non comme une maladie, cela n’aide pas.”

Jeu, sexe, nourriture… les malades atteints de Parkinson sombrent dans les addictions à cause de la dopamine

Sandrine (prénom d’emprunt), elle aussi sous Requip (comme 48 000 autres Français) se confie également sur ses pulsions. Comme Stéphane, elle devient obsédée par le sexe (elle sollicite son compagnon en permanence) et subit une addiction aux jeux (elle est accro au casino en ligne) ; elle devient aussi dépendante à la nourriture et prend 15 kilos en quelques mois. Stéphane comme Sandrine sont aussi touchés par la fièvre acheteuse : ils dépensent sans compter pour des choses futiles.

Ils l’ignorent alors mais le coupable est le médicament qu’ils prennent dans le cadre de la prise en charge de leur maladie de Parkinson. En février 2024, Stéphane assigne le géant pharmaceutique GSK devant le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). L’audience aura lieu fin 2025, son combat judiciaire contre GSK s'annonce éprouvant.

Addictions : ces effets secondaires indésirables bien connus des traitements antiparkinsoniens, dont Requip

Dans la maladie de Parkinson, les médicaments destinés à l’amélioration des troubles moteurs, les traitements dopaminergiques (L-Dopa, agonistes) sont aussi susceptibles d’induire des effets indésirables en fonction des doses, de l’accumulation ou de la fréquence des prises”, indique France Parkinson. Ces effets (addiction aux jeux, achats compulsifs, hypersexualité...) sont accrus lors d'une utilisation à fortes doses et disparaissent à l’arrêt du traitement (et s'atténuent si on modifie le dosage), qui doit toujours être progressif et encadré par le médecin (des symptômes de sevrage, comme de l’anxiété, peuvent en effet être expérimentés par les patients à l’arrêt du traitement). On parle ici du Requip, mais d’autres médicaments peuvent produire les mêmes effets.

Troubles compulsifs chez les Parkinsoniens : quels médicaments sont à éviter ?

Ces médicaments, et plus spécifiquement les agonistes dopaminergiques (plus rarement les L-dopa), sont très intéressants dans les premiers stades de la maladie de Parkinson car ils permettent de bien contrôler les symptômes moteurs mais surtout réduisent de moitié le risque de survenue des complications motrices. C’est pourquoi ils sont couramment prescrits.

Quels sont les médicaments dopaminergiques et les agonistes dopaminergiques responsables des addictions au jeu ou au sexe ?

L’agence nationale du médicament (ANSM) liste en particulier ces médicaments antiparkinsoniens :

  • ADARTREL (ropinirole)
  • APOKINON (apomorphine)
  • DUODOPA (lévodopa + carbidopa)
  • MODOPAR (lévodopa + bensérazide)
  • NEUPRO (rotigotine)
  • PARLODEL (bromocriptine)
  • REQUIP (ropinirole)
  • SIFROL (pramipexole)
  • SINEMET (lévodopa + carbidopa)
  • STALEVO (lévodopa + carbidopa + entacapone)
  • TRIVASTAL (piribédil)

Pourquoi les médicaments contre Parkinson provoquent-ils des comportements problématiques ?

Le médicament dopaminergique apporte donc une réponse aux symptômes de Parkinson qui invalident le quotidien des patients en mimant l’action de la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le circuit de la récompense et du plaisir (on l’appelle souvent l’hormone ou la molécule du plaisir), déficient dans la maladie de Parkinson. Trop dosée, elle peut conduire à des troubles compulsifs.

En 2018, une étude française publiée dans la revue scientifique Neurology alertait sur l’incidence des ces effets indésirables : un patient sur deux serait concerné par des troubles compulsifs. On est loin de la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament qui dit de son côté que “ces effets ne touchent qu’une minorité de personnes”.

Addictions avec Parkinson : quels signes doivent alerter ?

Comme chez Stéphane, les troubles compulsifs peuvent s’installer lentement et insidieusement, mieux vaut donc rester vigilant, que l’on soit sous médicaments dopaminergiques ou que cela soit un de nos proches, et en parler au neurologue au moindre doute.

L’ANSM précise que vous “pouvez vous sentir poussé à agir de façon anormale, contre votre volonté et votre raison. Cela peut se manifester par une tendance à jouer de manière inconsidérée à des jeux d’argent (casino, courses, « cartes à gratter », jeux sur internet…), à faire des achats inutiles, coûteux et répétitifs, à manger de manière compulsive (en particulier des sucreries), à manipuler de façon irrésistible, trier, examiner, ranger sans cesse des objets (punding) ou encore à éprouver une augmentation inhabituelle des désirs sexuels conduisant parfois à des conduites inappropriées.”