Dysmorphophobie : elle existe aussi chez les hommesAdobe Stock
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Dysmorphophobie : un mot à rallonge pour désigner un trouble obsessionnel compulsif (TOC) de plus en plus connu. Le terme, qui a fait son entrée dans le manuel de référence de la psychiatrie, le DSM, en 1987, désigne une obsession négative pour une ou plusieurs parties de son corps. La dysmorphophobie toucherait 2 à 3% de la population, en majorité des femmes. Ces patientes sont persuadées d’avoir un nez énorme, des seins inexistants, des bourrelets qui pullulent, des hanches extrêmement larges, une acné dévorante… Mais cette impression est grandement exagérée, voire contraire à la réalité.

Dysmorphophobie : une réponse à des standards impossibles à atteindre

Ce TOC qui envahit la psyché des patientes est en partie dû à la quasi-impossibilité d'atteindre des standards de beauté. Sur les réseaux sociaux, sur les podiums, dans les abri-bus, à la télévision, au cinéma ou dans le monde de la musique, les corps féminins sont fréquemment standardisés : minces - voire maigres - blancs, glabres… La liste est loin d’être exhaustive. Si la dysmorphophobie est plus fréquente chez les femmes, elle existe aussi chez les hommes, comme en réponse, là aussi, à des idéaux de beauté physique qu’on leur matraque à longueur de journée.

Aussi, de plus en plus de garçons et de jeunes hommes essaient-ils de se muscler au maximum, à grand renfort de suppléments protéinés et d’interminables séances à la salle de sport. On parle alors de dysmorphie musculaire. “La maladie s’avère difficile à diagnostiquer, car les individus ne paraissent pas en mauvaise santé ou ne présentent pas toujours de signes pathologiques clairs. À l’inverse, l’anorexie engendre un amaigrissement ainsi que des comportements alimentaires facilement repérables, comme la boulimie et la privation de nourriture”, note le magazine National Geographic.

Dysmorphie musculaire : un recours accru aux produits hypercaloriques

Comment cela se manifeste-t-il sur le plan alimentaire ? “Certains sportifs qui se trouvent trop maigres ont recours à ces produits hypercaloriques. Ce sont des mélanges de protéines et de sucres destinés à faire grossir. Certains sportifs les utilisent en complément de leur alimentation. Cependant, un effet similaire peut être obtenu à moindre frais avec des aliments riches en sucres lents”, explique le dictionnaire médical Vidal.

“Bien que cela soit généralement sous-estimé, les garçons aussi ont des idéaux de beauté, comme les filles”, affirme dans les colonnes du Washington Post le pédiatre Jason Nagata, docteur à l’Université de San Francisco et spécialiste des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez les adolescents. “Le corps masculin supposé idéal, c’est celui qui est grand et impressionnant, musclé, et à cause de cela, de nombreux garçons essaient de devenir plus imposants et plus musclés”, poursuit le médecin.

Muscle : un tiers des garçons adolescents essaient de prendre du poids

D’après une étude publiée dans la revue scientifique Journal of Adolescent Health en 2019 à laquelle a participé Jason Nagata, un tiers des garçons adolescents essaient de prendre du poids. Cette étude a été menée grâce aux données de plus de 15 000 garçons qui étaient au lycée en 2015. De plus, une autre étude à laquelle le pédiatre a participé, publiée dans la revue Current Opinion in Pediatrics en 2021, montre qu’environ 22% des garçons adolescents et des jeunes hommes adoptent des comportements ayant pour but de prendre de la masse musculaire.

Attention : ce n’est pas parce que l’on se préoccupe de son poids ou de sa masse musculaire que l’on a forcément un TCA ou que l’on souffre de dysmorphophobie - chez les hommes comme chez les femmes. C’est quand cette préoccupation affecte la qualité de vie globale que l’on doit s’inquiéter, alerte le docteur Nagata. Par exemple, lorsque le jeune homme montre une obsession malsaine pour son apparence physique, sa carrure, son poids ou sa pratique sportive. “On ne doit pas se préoccuper seulement de l’activité en soi, mais de ce que l’activité lui fait ressentir. Lorsque quelqu’un dit que l’exercice physique lui apporte plus de soucis que de plaisir, et lorsque cela commence à interférer avec son emploi du temps scolaire ou ses activités sociales, ce sont des signaux d’alerte”, indique la pédiatre, toujours dans le Washington Post.

Dysmorphie musculaire : aussi dangereuse que l’anorexie

"Stocker", "prendre de la masse" et tout faire pour paraître le plus costaud possible, quitte à se supplémenter en protéines de manière anarchique et à développer une addiction au sport, peut s’avérer tout aussi dangereux qu’une perte de poids drastique, que l’on peut voir, par exemple, chez les patientes atteintes d’anorexie. En effet, lorsqu’un garçon en pleine croissance a des déficits énergétiques à cause d’un apport en calories trop faible ou d’une activité physique trop intense, il n’a pas une alimentation adaptée à l’énergie qu’il dépense. Le Washington Post, qui tente la métaphore, assure que si, concernant la dysmorphie musculaire des garçons et des jeunes hommes, “les réseaux sociaux sont comme un feu, les suppléments protéinés sont ce qui a servi à l’allumer”.

Sources

“Body dysmorphia in boys and men can fuel muscle obsession, doctors say”, un article du Washington Post.

https://www.washingtonpost.com/wellness/2023/04/14/male-body-dysmorphia-bodybuilding

“LES SUPPLÉMENTS DE PROTÉINES ET D'ACIDES AMINÉS POUR SPORTIFS”, une fiche du Vidal.

https://www.vidal.fr/sante/nutrition/equilibre-alimentaire-sportif/supplements-nutritionnels-sportif/proteines-acides-amines.html

“La dysmorphie musculaire : la maladie du bodybuilder”, un article de National Geographic.

https://www.nationalgeographic.fr/sciences/la-dysmorphie-musculaire-la-maladie-du-bodybuilder

“Muscle-building behaviors from adolescence to emerging adulthood: A prospective cohort study”, une étude parue dans la revue Preventive Medicine Reports en 2022.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211335522000857#t0010

“Boys, Bulk, and Body Ideals: Sex Differences in Weight Gain Attempts Among Adolescents in the United States”, une étude parue dans la revue Journal of Adolescent Health en 2018.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6431562/

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