Pourquoi manger trop de sucre vous empêche de dormir ?Istock
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Avec l’âge, beaucoup constatent que leurs nuits deviennent plus légères, plus hachées, parfois ponctuées de réveils sans raison apparente. Et si l’un des coupables se trouvait dans l’assiette ? Le lien entre alimentation et qualité du sommeil est de mieux en mieux documenté, et parmi les aliments les plus perturbateurs, le sucre occupe une place de choix. S’il peut sembler inoffensif, voire réconfortant, il agit en réalité en profondeur sur le métabolisme, les hormones et le système nerveux — autant d’éléments clés pour un sommeil réparateur. Chez les seniors, ces effets sont d’autant plus marqués que l’organisme devient plus sensible aux variations glycémiques et hormonales.

Une glycémie instable, des nuits agitées

Le sucre provoque une élévation rapide du taux de glucose dans le sang. Cette hausse soudaine est suivie d’une sécrétion d’insuline pour rétablir l’équilibre. Mais avec l’âge, la sensibilité à l’insuline diminue, et cette régulation devient plus erratique. Résultat : le taux de sucre chute brutalement, parfois pendant la nuit, déclenchant des réveils, des palpitations, des sueurs froides ou un sentiment d’anxiété.

Une étude parue dans The American Journal of Clinical Nutrition a montré que les régimes riches en sucres rapides augmentaient significativement les troubles du sommeil, notamment les micro-réveils et la diminution du sommeil profond. Ce lien est d’autant plus fort chez les personnes âgées, chez qui les mécanismes de régulation du glucose sont souvent altérés.

Un cerveau trop stimulé pour s’apaiser

Le sucre agit aussi sur le système nerveux. En stimulant la libération d’adrénaline et de cortisol, deux hormones du stress, il empêche le corps de basculer dans un état de repos propice à l’endormissement. Cela se traduit par une accélération du rythme cardiaque, une hausse de la tension artérielle et une sensation de nervosité, souvent contre-productive à l’heure du coucher.

Autre effet méconnu : le sucre perturbe la production de mélatonine, l’hormone qui régule l’endormissement et les cycles circadiens. Il agit sur les précurseurs de cette hormone, comme la sérotonine, dont la fabrication est influencée par notre alimentation. Lorsque celle-ci est trop sucrée, surtout en fin de journée, le cerveau peine à produire suffisamment de mélatonine, rendant l’endormissement plus difficile.

Chez les seniors, dont la sécrétion de mélatonine diminue naturellement avec l’âge, ces déséquilibres sont encore plus impactants. Un simple dessert trop sucré ou un grignotage en soirée peut suffire à retarder l’endormissement ou à provoquer des réveils nocturnes.

L’inflammation chronique : un facteur aggravant

Une autre conséquence indirecte d’un excès de sucre concerne l’inflammation. De nombreuses études ont mis en lumière le lien entre une alimentation riche en sucres ajoutés et un état inflammatoire chronique de bas grade, particulièrement répandu après 60 ans. Cette inflammation silencieuse affecte divers systèmes de l’organisme, y compris celui du sommeil.

Certains marqueurs inflammatoires, comme la protéine C-réactive, sont corrélés à une fragmentation du sommeil et à une diminution de sa profondeur. Cette inflammation perturbe aussi la communication entre le cerveau et le système immunitaire, ce qui désorganise les rythmes biologiques.

Par ailleurs, le microbiote intestinal, qui joue un rôle clé dans la production de neurotransmetteurs favorables au sommeil, est directement impacté par la consommation excessive de sucres. Une flore déséquilibrée peut perturber l’axe intestin-cerveau, et nuire à la qualité du sommeil. Or, la diversité microbienne diminue naturellement avec l’âge, ce qui rend l’équilibre intestinal plus fragile chez les personnes âgées.

Mieux manger pour mieux dormir : des effets visibles rapidement

Modifier son alimentation peut apporter une amélioration sensible de la qualité du sommeil, surtout chez les plus de 60 ans. L’une des clés consiste à stabiliser la glycémie en privilégiant les aliments à index glycémique bas, comme les légumes, les céréales complètes ou les légumineuses. Ces aliments libèrent le glucose de manière progressive, évitant les pics et les chutes brutales de sucre dans le sang.

Le fait d’éviter les produits sucrés en soirée – desserts industriels, confiseries, boissons sucrées – permet de limiter les perturbations hormonales liées au sucre. À l’inverse, certains aliments riches en tryptophane (comme les œufs, les légumineuses ou les oléagineux), en magnésium et en vitamines B soutiennent la production naturelle de sérotonine, et donc de mélatonine.

Enfin, veiller à dîner au moins deux heures avant le coucher, boire une infusion sans sucre et s’exposer à la lumière naturelle en journée contribuent aussi à renforcer l’horloge biologique. Ces gestes simples, intégrés dans une routine stable, peuvent transformer les nuits en quelques semaines.

Une réalité confirmée par la recherche

Les liens entre alimentation et sommeil font aujourd’hui l’objet de nombreuses publications scientifiques. Une revue parue dans Nutrients a mis en évidence l’impact délétère d’une alimentation riche en sucres sur la structure même du sommeil : augmentation de la latence d’endormissement, sommeil plus léger, réveils fréquents. D’autres travaux confirment que la consommation élevée de sucres simples diminue la durée du sommeil profond, essentiel à la récupération cognitive et physique, particulièrement après 60 ans.

Ces recherches convergent vers une conclusion claire : bien manger ne suffit pas à bien vieillir, encore faut-il bien dormir – et l’un ne va pas sans l’autre. Le sommeil et l’alimentation forment un duo étroitement lié, où chaque excès, en particulier celui du sucre, peut avoir des répercussions durables.

Démêler le vrai du faux : ce que l’on croit, à tort

L’idée selon laquelle le sucre "aide à dormir" revient souvent, en particulier parce qu’il provoque une sensation de fatigue après les repas. Mais cette fatigue n’est pas synonyme de repos réparateur : elle traduit en réalité un déséquilibre métabolique, une chute rapide de la glycémie, qui peut perturber profondément les cycles de sommeil.

Autre idée reçue : croire que les troubles du sommeil sont une fatalité liée à l’âge. Certes, le sommeil évolue, mais cela ne signifie pas qu’il doit forcément être de mauvaise qualité. Des études montrent que, même à un âge avancé, il est possible d’améliorer la durée et la profondeur du sommeil en adoptant de bonnes habitudes alimentaires.

Enfin, penser qu’un petit plaisir sucré en soirée est anodin est une illusion répandue. Ce "petit extra" peut suffire à déclencher une réaction en chaîne biologique qui se manifestera… au beau milieu de la nuit.