
Les anciens fumeurs le savent, se séparer de la cigarette est un long fleuve loin d’être tranquille. Il faut s’accrocher, mais y penser est déjà une grande victoire. « Il va falloir apprendre à fonctionner sans nicotine et la cigarette », explique Lionel Louis, infirmier tabacologue en service d’addictologie dans un établissement public de santé mentale de la Sarthe. « Le sevrage tabagique est plus facile lorsqu’on est préparé et accompagné », ajoute-t-il.
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Cancer de la vessie : fumer augmente le risque de récidivePour comprendre l’arrivée des symptômes de sevrage, il faut tout d’abord revenir sur les différents types de dépendance. La première, la dépendance physique se traduit par le besoin. « Cette envie soudaine est liée à la nicotine, qui active le circuit de la récompense. Lorsqu’on n’a plus le produit, on ressent très vite des signes de manque », explique Lionel Louis. « Dans le cerveau, on a des récepteurs de nicotine ; lorsqu’ils sont stimulés, ils libèrent des hormones (messagers chimiques) du plaisir et celles du stress. Lorsque la dépendance est installée, les récepteurs se multiplient. Et il faut les satisfaire. » Le jour où on arrête de nourrir ces récepteurs, et bien, ils réclament.
La dépendance psycho-comportementale se réfère quant à elle aux cigarettes réflexes, celles qu’on allume sans y penser, comme avec un apéro ou un café. La dernière dépendance est psychique. « C’est une façon d’utiliser la cigarette en fonction des émotions. La clope doudou, en quelque sorte », précise la Dre Julie Postollec, médecin généraliste et tabacologue à Nantes.
Ces trois dimensions se retrouvent chez chaque personne qui essaye d’arrêter de fumer. Comprendre le fonctionnement de la dépendance permet donc d’appréhender plus facilement l’arrivée des symptômes, mais surtout de mieux les comprendre.
Fatigue, toux, problèmes gastriques, des signes de sevrage au moment d'arrêter de fumer
Mais alors que se passe-t-il concrètement ? Dans les moins de 24 heures suivant l’arrêt du tabac, les premiers symptômes de la dépendance physique se font sentir. « C’est à ce moment que peuvent apparaître de l’irritabilité, un craving ( envie très forte de fumer)une augmentation de l’appétit, une difficulté d’endormissement, des maux de tête et des difficultés de concentration », précise l’infirmier tabacologue.
Les étapes du sevrage
Dans les deux premiers jours s’installe aussi une toux. « Les bronches possèdent des cils afin de faire remonter les sécrétions bronchiques. Avec les substances toxiques présentes dans une cigarette, ces cils ne fonctionnent plus. Mais à l’arrêt, ils se régénèrent, provoquant donc une toux et expectorations . C’est purement mécanique. C’est un nettoyage du conduit », informe Lionel Louis. Cette toux est donc plutôt positive. Selon les experts, elle cesse spontanément au bout de 15 jours.
Les troubles du sommeil, se caractérisant par des difficultés d’endormissement ou des réveils nocturnes, sont des effets fréquents dans le premier mois de sevrage. « La nicotine est un excitant et les effets de cette substance ne sont plus présents. Arrêter un produit demande donc des attentions particulières et des changements qui contribuent à la fatigue », analyse Lionel Louis. Pas d’inquiétude pour autant, ces symptômes devraient commencer à se dissiper après trois semaines, pour retourner dans les bras de Morphée.
Constipation, des astuces pour y remédier
D’autres signes, comme les troubles digestifs et notamment la constipation peuvent être présents. « La nicotine augmente le mouvement des intestins, et on peut observer en début de sevrage une constipation », dit l’infirmier tabacologue. Il existe cependant quelques solutions faciles à mettre en place pour retrouver un confort digestif rapidement, telles que l’hydratation, la consommation de fruits et d’aliments riches en fibres, ainsi que la pratique d’une activité physique.
Plus rarement, des signes tels que l’oppression thoracique ou une sensation de brûlure dans les poumons peuvent surgir. Cette manifestation est plutôt liée à l’anxiété et à l’appréhension de vivre sans le produit. « Le fumeur anticipe toujours de ne pas manquer de cigarettes. Il y a plein de réflexes qui se mettent en place. Tout ceci est anxiogène à l’arrêt, et cette oppression thoracique est une manifestation physique de la dépendance psychologique. L’appréhension du sujet à vivre sans le produit. Parce que réussir, c’est aussi accepter de réussir à avancer sans la cigarette. Et cette notion est très anxiogène chez certains patients », rapporte Lionel Louis.
Arrêter de fumer naturellement c'est possible mais être accompagné est une méthode plus simple
Il ne faut cependant pas voir ces symptômes comme une fatalité. « En théorie, il ne devrait pas y avoir de manifestations physiques grâce aux substituts de nicotiniques », rappelle la Dre Julie Postollec. Pour ce médecin, l’accompagnement est essentiel pour limiter au maximum les symptômes de sevrage et les éventuelles rechutes.
Une aide pour arrêter sans souffrir
Pour les dépendances psycho-comportementales et psychiques, la nicotine ne va pas aider. « On peut mettre en place des thérapies comportementales pour réfléchir à ce qu’on fait au moment où l’envie arrive. Il existe également des professionnels de santé tels que des psychologues et des tabacologues formés en TCC ou des aides en ligne », suggère la médecin généraliste. Se faire accompagner permet de rendre la démarche plus confortable et laisser place à la tranquillité d’esprit.
Interview avec la Dre Julie Postollec, médecin généraliste et tabacologue
Interview avec Lionel Louis, Infirmier tabacologue en addictologie