
Et si les psychédéliques étaient la solution pour mieux mourir ? C’est ce que suggèrent certaines études consacrées au sujet. Ces substances avaient au départ été explorées dans le but de lutter contre les addictions et diverses maladies mentales. Mais dès les années 60, elles ont été associées au mouvement hippie, à la contre-culture, et alors accusées d’être dangereuses.
Pourtant, la recherche sur leurs effets thérapeutiques a repris dès le milieu des années 1990, et aujourd’hui, leur efficacité dans le cadre des souffrances de fin de vie est au centre des interrogations. Le psychiatre et psychothérapeute Dr Olivier Chambon et la psychologue et psychothérapeute Marie-Odile Riffard se sont penchés sur le sujet, dans leur livre La thérapie Psychédélique pour accompagner les souffrances en fin de vie (éditions Guy Trédaniel). Nous les avons interrogés.
PB Comment ça marche ?
Dr Olivier Chambon : Le principe de la thérapie psychédélique, c’est d’utiliser des substances psychotropes à but thérapeutique. Il s’agit de super-médicaments très puissants, qui, utilisés à bon escient, avec de "super-précautions", permettent d’atteindre un état de conscience augmenté, élargi, qui va puiser dans des ressources inconscientes et supraconscientes.
L’objectif ? Cette thérapie vise à dépasser le cadre étriqué du petit “moi” et permettre d’accéder à une conscience supérieure, source de prises de conscience, d’information, de vibration et d’amour. Notre essence profonde est bien plus grande que ne pourrait le faire croire le vécu rétréci à l’intérieur de la prison de l’ego.
Il existe de nombreuses formes de psychédéliques, naturelles ou artificielles, utilisées dans la PAP (Psychothérapie Assistée par Psychédéliques). On peut citer par exemple la MDMA (ou ecstasy), le LSD, la kétamine, la psilocybine de certains champignons, les breuvages à base de plantes comme l’ayahuasca, l’iboga, les cactus à mescaline, etc.
PB : Quels effets a la PAP sur les souffrances en fin de vie ?
OC : Lorsqu’une personne sait qu’elle va mourir, et qu’elle subit une maladie douloureuse, la thérapie psychédélique peut la soulager ! Déjà, physiquement, les antidouleurs médicamenteux, même puissants, ne suffisent pas toujours... Or, il a été démontré que la PAP peut avoir des actions antalgiques supérieures, même aux opiacés, avec moins d’effets secondaires. Les deux peuvent aussi très bien s'additionner.
En plus de l’aspect physique, la PAP joue un rôle psychologique à plusieurs niveaux.
Déja, c’est une expérience qui se rapproche du vécu de celle de la mort imminente (EMI). Cette dernière se produit lorsque le cœur cesse de battre pendant au moins 20 secondes, que l’EEG (électro-encéphalogramme) s’aplatit, mais que la conscience fonctionne toujours, et même s’intensifie. Dans les deux cas (PAP et EMI) les sujets peuvent parfois vivre le fait qu’ils ont une conscience qui semble bien exister indépendamment du cerveau et semble continuer à fonctionner après la mort. Cela les libère de leurs craintes vis-à-vis de celle-ci.
Ensuite, la PAP permet une introspection profonde, des révélations psychologiques, qui aident à régler des conflits non résolus, aussi bien intérieurs qu’extérieurs. Un peu comme toutes les thérapies, mais de manière accélérée et intense ! Il n’est pas rare que des patients en fin de vie qui utilisent la PAP se réconcilient avec certains aspects de leur vie ou certains de leurs proches. Cela les aide à mieux vivre et profiter de leurs derniers instants.
PB : Une thérapie délivrée par qui et pour qui ?
OC : Attention, en France, il est légalement interdit de les utiliser, ce qui est passible d’amendes et de peines d’emprisonnement. Nous n’incitons donc en aucun cas le lecteur à les consommer et ce que nous allons dire est valable pour les pays où leur utilisation n’est pas criminalisée.
Déjà, Concernant le risque d’addiction, celui-ci n’existe pas, car non seulement les psychédéliques ne créent pas de dépendance physique, mais en plus, au contraire, ils les traitent. La PAP peut s'appliquer sans limite d’âge, mais il existe, comme pour tout médicament, des contre-indications. Ces dernières concernent surtout les troubles cardiovasculaires et psychiatriques.
Par exemple, la plupart de ces psychotropes accélèrent le métabolisme et augmentent momentanément la tension artérielle et le rythme cardiaque : mieux vaut éviter d’en prendre si vous avez des antécédents d’AVC, d’infarctus, ou si vous souffrez d’hypertension artérielle chronique non-traitée. De même, si vous ou un de vos parents au premier degré avez des antécédents de psychose, de trouble borderline ou paranoïaque, ces substances peuvent ne pas vous amener au bon endroit.
Un autre aspect essentiel de la PAP est le cadre dans lequel il est délivré. Il est très important de choisir un accompagnant bien formé, présent tout le long de la séance… L’environnement physique, ainsi que l’état d’esprit de la personne qui reçoit la thérapie, doivent mettre celle-ci dans de bonnes conditions, permettant la sécurité et l’efficacité de la PAP. Il est important d’être ouvert à la spiritualité avant de commencer un tel voyage. Des séances de préparation puis d’intégration, avant et après la séance de PAP, doivent être fournies, pour tirer au mieux parti de l’expérience.
PB : Est-il possible de suivre une PAP en France ?
OC : Le problème que nous rencontrons en France, c’est que ces substances psychotropes sont totalement interdites. Par conséquent, aucune formation officielle reconnue et validée pour la PAP n’existe sur le territoire. Certains médecins, infirmiers ou psychologues se forment à l’étranger (U.S .A par exemple, ou Canada avec entea.ca).
Pourtant, l’usage thérapeutique de ces substances existe à côté de chez nous ! En Suisse, il existe une formation officielle avec la kétamine pour les psychiatres et les psychologues suisses. Elle allie la connaissance intellectuelle de cette molécule et l’expérience vécue de sa prise.
Mais il est possible que les choses évoluent dans les prochaines années. En France, il existe des expérimentations de l’usage de la kétamine pour la dépression et l’anxiété de fin de vie dans certains services de soins palliatifs.
Interview du Dr Olivier Chambon, psychiatre et auteur.
https://www.inserm.fr/actualite/therapies-psychedeliques-une-panacee/