Grand Est : un mystérieux insecte à l’origine d’éruptions cutanés
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"Des boutons rouges localisés à des endroits précis qui me démangent toute la nuit" ; "Des éruptions cutanées qui sont apparues depuis l’arrivée des beaux jours" ; "Je me gratte jusqu’au sang toute la nuit"… Nous pourrions rapporter des dizaines et des dizaines de témoignages similaires. Des habitants de l'Aube, Marne ou encore Lorraine (Grand Est) signalent depuis plusieurs jours des piqûres particulièrement virulentes. Si les cas semblent se multiplier, les professionnels ne parviennent aujourd’hui pas à identifier le coupable.

Certaines victimes ont d’abord cru à des piqûres de moustique, d’autres ont soupçonné des punaises de lit, des piqûres d’araignées et enfin, plusieurs personnes ont comparé leurs plaques à celles de la varicelle.

La piste des moustiques a rapidement été écartée par les pharmaciens. D’ailleurs, les produits répulsifs n’ont été d’aucune aide. Mais alors, qui est responsable de cette "épidémie" ? Medisite a mené l’enquête.

"Je me démange jours et nuits jusqu’au sang" : des piqûres aux bras et à l'arrière des cuisses

"Tout a commencé par des petites piqûres rouges qui m’ont fait penser à des piqûres de moustique. Au départ, j’en ai eu 4 ou 5 sur le corps. Puis deux jours plus tard, elles ont triplé. C’était 10, puis 15, puis 30. L’éruption cutanée était localisée au niveau des cuisses, des bras et des mains. Aux vues de la profusion des piqûres, j’ai vite compris qu’il ne s’agissait pas de moustiques, nous raconte l’une des victimes, âgée de 27 ans, qui a séjourné en Lorraine. Je me démangeais jours et nuits jusqu’au sang. Cela fait seulement deux jours que mon état s’est amélioré".

Parmi les autres victimes, une jeune retraitée, domiciliée dans les hauteurs d’Epernay (Marne). Selon elle, tout a commencé lorsqu’elle a tondu son jardin. Elle se dit "dans un état terrible".

"J’ai commencé à avoir des boutons un peu partout. Alors, je me suis dit que j’avais été piquée par des moustiques. Sauf que ces piqûres, ça dure en général deux-trois jours. Et là, ça a persisté, certaines d’entre elles ont pris un aspect un peu bizarre. C’est-à-dire qu’elles avaient un petit trou au milieu du bouton qui se mettait à saigner et devenait une petite croûte au bout de deux jours. Je me souviens que quand mes enfants ont eu la varicelle, en cicatrisant, ça leur a fait ce genre de petits boutons avec croûtes", raconte-t-elle à nos confrères de France 3.

Elle aussi fait état de piqûres localisées sur les bras, l’arrière des cuisses et l’abdomen. Aux vues du nombre de témoignages similaires, on ne peut croire à une coïncidence.

"J’ai de la famille en Lorraine, et j’ai entendu parler de ce phénomène, nous indique Thomas Kassab, pharmacien officinal. A titre personnel, les échos que j’ai eus proviennent de cette zone géographique, mais d'autres régions sont malheureusment concernées. Les symptômes décrits sont principalement des démangeaisons cutanées et oculaires".

Suite à ces signalements atypiques et étrangement similaires, l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand-Est ainsi que certains experts ont mené leurs recherches. Leurs théories pages suivantes.

Éruptions cutanées dans le Grand-Est : sur la piste des chenilles processionnaires

L'agence régionale de santé (ARS) soupçonne des chenilles processionnaires du chêne, ou encore d'aoutats.

Plus précisément, il s’agirait des poils de chenilles processionnaires. "La processionnaire du pin est présente dans la région méditerranéenne. Chez nous, il y a la processionnaire du chêne. Leurs poils peuvent voler dans le vent, ça peut être très urticant et le rester longtemps. Même après que les chenilles ont fait leur cycle de développement et laissé leur nid vide, ces poils restent très urticants, parfois toute une année", partage Christophe Brua, entomologiste interrogé par France 3.

Les victimes ne peuvent pas remarquer si un poil urticant de chenille les a touchés... Ce dernier "pourrait aussi provoquer des pustules sous les vêtements une fois ceux-ci contaminés. Les simulies piqueraient les zones du corps accessibles", ajoute Christophe Brua.

"En raison d’un hiver plus doux, l’insecte a résisté davantage cette année"

Cet été, les chenilles processionnaires du chêne, urticantes envahissent particulièrement le Grand Est, rapporte le CHU de Nancy.

La chenille processionnaire est la larve d'un papillon de nuit. On rencontre en France deux types de chenilles processionnaires : la chenille processionnaire du pin et la chenille processionnaire du chêne.

"Les poils de la chenille processionnaire sont très urticants et volatiles, décrit Thomas Kassab, pharmacien. En raison d’un hiver plus doux, l’insecte a résisté davantage cette année. C’est vrai que cela peut se confondre avec des piqûres de moustique car, dans les deux cas, il s’agit d’une réaction inflammatoire cutanée. En général, la réaction se produit dans les heures qui suivent le contact avec les poils urticants".

Éruptions cutanées dans le Grand-Est : et si c’était la simulie, une petite mouche noire qui se nourrit de sang ?

Certains experts ne sont pas convaincus par la théorie de la chenille processionnaire. "Ici, on n’a pas de chênes... Et on a ces piqûres même dans des zones qui ne sont pas boisées, périphériques. On en trouve un peu partout, plutôt aux alentours des villes, où il y a des rivières qui coulent. Après, attention, je n’en ai aucune certitude scientifique. C’est juste ce que je vois", rapporte de son côté un pharmacien de l'Aube.

"La simulie, en général, laisse des traces plus violacées"

"On a des gens qui viennent au comptoir, qui ont des piqûres. Je pense que c’est la simulie, mais je n’ai pas de certitude. Une petite mouche noire qui, apparemment, provoquerait ces piqûres, poursuit le pharmacien aubois.

La simulie est une petite mouche noire qui se nourrit de sang. Toutefois, notre expert, Thomas Kassab, émet quelques réserves face à cette théorie. "La simulie, en général, laisse des traces plus violacées presque hémorragiques", décrit-il.

En effet, lorsqu'elles mordent, les simulies injectent à leur victime de la salive contenant un anticoagulant, qui serait à l'origine d’une forte réaction inflammatoire. La piqûre de cette mouche se révèle être beaucoup plus douloureuse qu'une piqûre de moustique classique, et s'accompagne de violentes démangeaisons, d'œdèmes et de lésions violacées.

Quoi qu’il advienne, Thomas Kassab conseille de se référer à son pharmacien en cas de symptômes légers. Or, si les symptômes s'aggravent ou persistent, une consultation chez son médecin traitant s'impose.

"Dès le retour de la chaleur, on a ça. Et ça fait trois ou quatre ans"

"Dès le retour de la chaleur, on a ça. Et ça fait trois ou quatre ans. Je vais contacter le centre de parasitologie de Reims, ça m’étonne qu’ils ne soient pas en train de chercher ce qui provoque ça. Je ne suis pas un spécialiste et je ne parle pas pour la profession des pharmaciens, ce ne sont que mes observations au comptoir, mais je pense qu’il faut alerter. Tous les ans, c’est la même chose. Et aujourd’hui, on n’a pas d’articles scientifiques sur ça", déclare de son côté le pharmacien aubois.

Sources

Merci à Thomas Kassab, pharmacien officinal

Aube, Marne... mais d'où viennent ces étranges boutons qui grattent ?, France 3, 23 juin 2021

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