BPCO : une personne sur deux ignore avoir la maladie, comment savoir si on est atteint ? Les réponses du pneumologue
Medisite : L'OMS estime que les cas de BPCO vont augmenter de 23 % dans le monde entre 2020 et 2050. Comment l'expliquer ?
Dr Laurent Nguyen, pneumologue à Bordeaux et secrétaire général de Santé Respiratoire France : Effectivement, les études de modélisation prévoient une augmentation dans le temps du nombre de personnes atteintes de BPCO, et plus particulièrement chez les femmes, les femmes étant plus sensibles aux effets nocifs du tabac. La BPCO pourrait ainsi concerner dans les années à venir 600 millions de patients au total dans le monde. Il y a plusieurs causes à cette explosion des cas, à la fois individuelles et collectives.
Le vieillissement de la population est une première explication, car c'est une maladie qui touche la personne plus âgée ; plus il y a de seniors, plus il y a de cas, c’est mathématique.
Le tabagisme est aussi fortement impliqué dans cette maladie, et de façon sournoise car il peut se passer 20 à 30 ans entre les premières cigarettes et le diagnostic. On paie ainsi aujourd’hui le tabagisme des années 60 à 2000, une époque où l’on commençait à fumer jeune ou à subir le tabagisme passif jeune, ce qui a pour conséquence une maladie plus précoce et plus sévère.
La pollution atmosphérique, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, fait partie des coupables identifiés. L’Anses a récemment publié un rapport qui indique que 15% des cas de BPCO sont liés à l'exposition à des toxiques professionnels.
Enfin, et c’est une bonne nouvelle, l’amélioration du diagnostic peut expliquer ces chiffres, d’autant qu’il s’accompagne d’un meilleur suivi : les patients, plus nombreux à être diagnostiqués, vivent aussi plus longtemps avec la maladie.
Arrêter de fumer ou passer à la cigarette électronique est une bonne façon d’éloigner la BPCO ?
L’arrêt du tabac est évidemment essentiel pour prévenir la maladie et la ralentir. Malheureusement, on ne remet jamais complètement les compteurs à zéro. Le risque reste présent même des années après l’arrêt du tabac, il faut y penser en cas de symptômes. Concernant la cigarette électronique, on dispose aujourd’hui de preuves solides : elle augmente également le risque de maladies respiratoires, dont la BPCO.
Pourquoi deux personnes concernées sur trois ignorent qu’elles sont malades ?
C’est une maladie lente, insidieuse, dont on parle trop peu, et qui est finalement peu connue du grand public. Les symptômes - essoufflement qui s’installe progressivement pour le plus représentatif - sont souvent banalisés, mal identifiés, ce qui retarde le diagnostic. C’est aussi une maladie assez stigmatisante car pour 85 % des patients, le tabac est en cause. Il peut y avoir une sorte de déni, d’autant que les maladies respiratoires ont longtemps été invisibilisées. Depuis le Covid toutefois, on commence à comprendre qu’il faut absolument préserver son capital respiratoire, et ce, quel que soit son profil, fumeur ou pas.
Quels sont aujourd'hui les traitements proposés et quelle est l'évolution de la maladie ?
Nous n’avons pas de traitement révolutionnaire curatif à proposer, mais nous disposons de médicaments et d’outils non médicamenteux pour ralentir la progression de la maladie, diminuer les symptômes et prévenir les complications : les sprays bronchodilatateurs et anti inflammatoires, les biothérapies, l’oxygène et pour les cas les plus graves, l’opération chirurgicale et la greffe pulmonaire peuvent être envisagées. La greffe n’est plus si rare en cas de BPCO aujourd’hui !
Les traitements non médicamenteux aident à mieux vivre avec la maladie car c’est une maladie handicapante, qui a un retentissement important sur le quotidien. Les médecins proposent ainsi un accompagnement psychologique et social, diététique aussi car la maigreur ou le surpoids aggravent les symptômes, de la réadaptation respiratoire, etc. Tout ceci permet d’éviter les complications, notamment l’insuffisance respiratoire qui conduit à des hospitalisations et des soins lourds.
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Interview du Dr Nguyen