
- 1 - Pourquoi de plus en plus de MICI ?
- 2 - Quels sont les premiers signes qui doivent alerter ?
- 3 - “Une maladie polyfactorielle et une prise en charge pluridisciplinaire”
- 4 - Quelles options thérapeutiques aujourd’hui ?
- 5 - Quel régime alimentaire adopter lorsqu’on est atteint de MICI ?
- 6 - Quelles sont les avancées ?
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), qui regroupent principalement la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RSH), sont des affections de plus en plus fréquentes, mystérieuses et souvent redoutées. Le Dr Christophe Bastid, gastro-entérologue, décrypte pour nous leur complexité, les signes d’alerte, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques, et démêle les idées reçues, notamment autour de l’alimentation.
Pourquoi de plus en plus de MICI ?
Le phénomène est réel : le nombre de personnes touchées par ces maladies ne cesse d’augmenter, notamment dans les pays industrialisés. "Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette augmentation", explique le Dr Bastid. "D’abord, on détecte mieux ces maladies grâce à l’évolution des examens et à une meilleure connaissance. Ensuite, la vie moderne joue un rôle : alimentation riche en produits transformés, pollution, stress… Ce sont autant de facteurs environnementaux qui interagissent avec une prédisposition génétique et même géographique."
Les MICI apparaissent majoritairement chez de jeunes adultes, souvent avant 40 ans, mais peuvent survenir à tout âge. Cette maladie inflammatoire chronique ne connaît pas de frontières précises, mais sa prévalence est plus élevée en Europe et en Amérique du Nord. En France, on estime qu’environ 200 000 personnes vivent avec une MICI.
"Il est crucial de reconnaître rapidement les signes d’une MICI, car plus le diagnostic est précoce, plus le traitement sera efficace"
Quels sont les premiers signes qui doivent alerter ?
"Il est crucial de reconnaître rapidement les signes d’une MICI, car plus le diagnostic est précoce, plus le traitement sera efficace", insiste le Dr Bastid. Ces symptômes peuvent être variés mais plusieurs reviennent fréquemment : troubles abdominaux persistants, diarrhées souvent répétées, présence de sang dans les selles, douleurs abdominales, anémie et parfois perte de poids inexpliquée.
Face à ces signes, il faut consulter rapidement. Le diagnostic repose sur une combinaison d’examens : un examen clinique, des analyses biologiques (prises de sang et de selles), une échographie en première intention, puis souvent une endoscopie pour visualiser directement l’intestin et prélever des biopsies. Ces explorations permettent non seulement de confirmer la maladie, mais aussi d’évaluer son étendue et sa sévérité.
“Une maladie polyfactorielle et une prise en charge pluridisciplinaire”
"La maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, c’est relativement complexe", souligne le Dr Bastid. "C’est une pathologie polyfactorielle : elle résulte d’interactions entre le système immunitaire, des facteurs génétiques, l’environnement, l’alimentation, et même le stress."
Cette complexité nécessite souvent une prise en charge pluridisciplinaire. "On collabore avec des radiologues, des chirurgiens digestifs, des anatomopathologistes. Le traitement n’est pas univoque, il est adapté à chaque patient en fonction de la localisation de la maladie, de la sévérité des symptômes, de la durée depuis le diagnostic, et de l’existence d’atteintes associées, comme des manifestations rhumatologiques."
La spécialisation est telle que, dans les services hospitaliers, on trouve désormais des gastro-entérologues dédiés aux MICI, preuve de la technicité et de la complexité du domaine. Ce qui renforce l’importance d’un suivi régulier et personnalisé.
"Il y a de moins en moins de place pour la chirurgie, ce qui est une bonne nouvelle", précise le Dr Bastid. En effet, autrefois, une atteinte grave nécessitait souvent une résection chirurgicale d’une partie de l’intestin.
Quelles options thérapeutiques aujourd’hui ?
Les traitements ont beaucoup progressé ces dernières années. On dispose désormais de plusieurs classes de médicaments, allant des anti-inflammatoires classiques aux immunosuppresseurs, en passant par les biothérapies ciblées, des molécules innovantes visant précisément les mécanismes inflammatoires.
"Il y a de moins en moins de place pour la chirurgie, ce qui est une bonne nouvelle", précise le Dr Bastid. En effet, autrefois, une atteinte grave nécessitait souvent une résection chirurgicale d’une partie de l’intestin. Aujourd’hui, grâce aux traitements médicaux avancés, on parvient mieux à contrôler les poussées et préserver l’intégrité du tube digestif, qui mesure entre 6 et 7 mètres de long.
Mais la prise en charge thérapeutique reste une stratégie sur-mesure. "On doit tenir compte de la sévérité, de l’état général du patient, de ses antécédents, et adapter les traitements en fonction, notamment s’il s’agit d’une première poussée ou d’une rechute."
Quel régime alimentaire adopter lorsqu’on est atteint de MICI ?
L’alimentation est une source d’inquiétude majeure chez les patients. Ils cherchent souvent à identifier un aliment déclencheur de leurs poussées inflammatoires. "Je comprends cette tentation, mais il faut être prudent", prévient le Dr Bastid. "Les patients font souvent des corrélations causales entre un aliment et une poussée alors que ce n’est pas forcément justifié."
Il met en garde contre la charge mentale excessive liée à la nourriture, qui peut vite devenir un fardeau. "Beaucoup me demandent ce qu’ils peuvent manger ou pas, et c’est compréhensible. Mais la médecine n’est pas une science exacte, et en 30 ans de pratique, j’ai vu toutes sortes de régimes proposés, souvent contradictoires."
Le régime alimentaire doit être adapté au contexte : lors d’une poussée sévère, on peut proposer une alimentation pauvre en fibres pour limiter l’inflammation intestinale et compenser la perte de poids par des apports hypercaloriques. En phase de rémission, il est important de réintroduire progressivement des fibres et viser un régime équilibré.
"Il ne faut surtout pas tomber dans la rigueur excessive au risque de carences, surtout chez des patients jeunes qui vont devoir composer avec la maladie pendant des années."
Quelles sont les avancées ?
Malgré la chronicité et la complexité des MICI, le Dr Bastid souligne les avancées médicales très encourageantes. "Chaque année, de nouvelles molécules arrivent, de nouvelles combinaisons thérapeutiques se développent. Le domaine évolue constamment, ce qui est porteur d’espoir pour les patients."
La maladie reste un défi de taille, mais elle bénéficie aujourd’hui d’une meilleure reconnaissance, d’un suivi spécialisé et d’une prise en charge personnalisée qui permettent d’améliorer considérablement la qualité de vie des patients.
Interview réalisée avec le Dr Christophe Bastid.
https://www.inserm.fr/dossier/maladies-inflammatoires-chroniques-intestin-mici/