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Les gaz et les particules en suspension dans l'air que nous respirons, enfumé par la circulation automobile, les gaz d’échappements, les émanations industrielles, forment un cocktail particulièrement explosif pour notre santé. Les dommages sanitaires et environnementaux liés à la pollution atmosphérique sont abondamment documentés par les scientifiques.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs français de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux pointent du doigt un nouveau danger sanitaire lié à l’exposition aux particules fines : celle-ci affecterait notre vision.

Les habitants des zones polluées, en contact avec ces particules, seraient plus vulnérables au risque développer un glaucome. Cette maladie dégénérative du nerf optique est caractérisée par un amincissement progressif de la couche de fibres nerveuses rétiniennes.

L’équipe de chercheurs met ainsi en lumière un facteur de risque jusqu’ici peu connu de survenue du glaucome. Cette maladie chronique, caractérisée par des lésions du nerf optique, représente la seconde cause de cécité en France, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Le glaucome, une destruction du nerf optique asymptomatique

Le glaucome est lié à la destruction du nerf optique, sous l’influence de différents facteurs. Mais celle-ci est le plus souvent causée par une pression trop importante à l’intérieur de l’œil.

En cas de glaucome, l’atteinte des terminaisons nerveuses du nerf optique au niveau de la rétine et du nerf optique cause la disparition des fibres. Il en résulte une atteinte progressive du champ visuel : l’espace que voit l’œil se réduit petit à petit, décrit le site ameli. La vision disparaît sur les côtés et du côté du nez. Progressivement, si les lésions s’aggravent, la vision au centre disparaît, entraînant la cécité.

Cette détérioration du nerf optique est le plus souvent asymptomatique, ce qui explique que bon nombre de personnes concernées par cette pathologie de l’œil s’ignorent : 400 000 à 500 000 Français seraient atteints de glaucome sans le savoir.

En France, environ 800 000 personnes sont traitées pour un glaucome. Cette maladie de l’oeil concerne 1 à 2 % de la population âgée de plus de 40 ans. Après 70 ans, une personne sur 10 serait touchée, selon l’Inserm.

A ce jour, aucun traitement ne permet de restaurer la vision une fois que celle-ci est détériorée. Le glaucome cause un handicap irréversible, rappelle l’Inserm.

L’impact de la pollution sur la rétine mesurée par tomographie par cohérence optique

Dans leur étude publiée dans la revue Environmental Research, les scientifiques se sont penchés sur la relation entre l'exposition à la pollution atmosphérique et les modifications de l'épaisseur de la couche des fibres nerveuses rétiniennes sur une cohorte de 683 résidents de la ville de Bordeaux, âgés de 75 ans ou plus.

Suivis de 2009 à 2020, les participants ont subi des examens tous les deux ans, consistant à mesurer l’épaisseur de la couche des fibres nerveuses de leur rétine par une technique d’imagerie médicale appelée tomographie par cohérence optique.

Très utilisé en ophtalmologie depuis moins d’une vingtaine d’années, ce procédé permet d’explorer efficacement le fond de l’œil pour mieux détecter les éventuelles pathologies de l’oeil. Au niveau de la rétine, cette sorte de "scanner des yeux" parvient à analyser le fond de l’œil et de déceler de potentielles anomalies.

Pollution : un risque de glaucome observé en dessous des seuils recommandés

L’exposition à la pollution atmosphérique au cours des 10 années précédentes a été déterminée à partir de l’adresse du domicile des participants, à l’aide de cartographies d’exposition annuelle pour chaque polluant.

Ces cartographies détaillées ont été réalisées à partir des mesures de stations de contrôle de qualité de l’air et de caractéristiques météorologiques et géographiques (proximité d’une route, densité de population, distance de la mer, altitude…)

Les relations entre l'exposition à la pollution atmosphérique et les changements longitudinaux de l'épaisseur de la couche des fibres nerveuses de leur rétine ont ainsi pu être évaluées.

Les conclusions des chercheurs font froid dans le dos : les résultats montrent que les personnes ayant été exposées à des concentrations plus élevées de particules fines avaient au cours du temps un affinement plus rapide de la couche nerveuse rétinienne.

Autrement dit, l'exposition chronique aux particules fines est associée à la neurodégénérescence rétinienne. Une corrélation observée même à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires actuels de l’Union européenne (25 microgrammes/mètre cube).

Les niveaux relevés étaient néanmoins supérieurs aux valeurs limites recommandées par l’OMS en 2005. (10 microgrammes par mètre cube) encore abaissées en 2021 (5 microgrammes par mètre cube), précisent les chercheurs.

Pollution : faut-il revoir la réglementation ?

Les particules fines suscitent particulièrement l’inquiétude de la communauté scientifique au regard de leur nocivité sur la santé humaine.

D’un diamètre inférieur ou égal à 2,5 microns (≤ PM 2,5), ces particules fines sont des polluants qui s’infiltrent insidieusement dans nos poumons. Elles sont capables de passer la barrière pulmonaire pour infiltrer le sang, et ainsi nuire à nos poumons, notre cerveau ou notre muscle cardiaque.

Forts de ce constat, les auteurs de l’étude plaident pour une révision de la réglementation en Europe en réévaluant à la baisse les seuils de pollution réglementaires.

"Les résultats de cette étude confirment les observations précédentes sur les effets de la pollution atmosphérique sur les processus neurodégénératifs, ici au niveau oculaire, explique Laure Gayraud, doctorante en épidémiologie et première autrice de l’étude, dans un communiqué de l’Inserm.

Ils constituent un argument supplémentaire en faveur de la baisse des seuils réglementaires européens, comme recommandé par l’OMS, ainsi que de la diminution de l’exposition effective de la population française, qui continue de dépasser par endroit les seuils réglementaires actuels".

La pollution de l’air accélère le vieillissement oculaire

Plus largement, cette étude, la première réalisée sur ce sujet, apporte une nouvelle preuve des effets néfastes de la pollution sur le système nerveux central (dont fait partie la rétine).

Déjà mise en cause dans des maladies neurodégénératives chez l’adulte et des troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, ces nouveaux travaux renseignent sur l’impact des polluants atmosphériques sur le vieillissement neurologique, au niveau oculaire. Comme l’explique Cécile Delcourt, directrice de recherche à l’Inserm, autre auteure de l’étude : "En prenant l’exemple du vieillissement oculaire, [cette étude] suggère qu’une exposition à des concentrations élevées de polluants au cours du temps pourrait mener à une accélération du vieillissement neurologique, comme cela a été observé dans des études sur le vieillissement cérébral".

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