
« Le trop-plein d'énergie qui m'entoure crée un cumul en moi que je n’arrive pas à gérer. La solitude me permet de l’éviter pour me ressourcer », témoigne Terrence, 35 ans. Alors que plusieurs études démontrent l'impact de l’isolement social sur l’augmentation des maladies cardiovasculaires et mentales, cet illustrateur originaire de Paris voit dans la solitude choisie un refuge indispensable. « Elle me permet de me retrouver avec moi-même », ajoute-t-il.
Pour lui, tout a débuté dans sa plus tendre enfance, alors qu’il n’avait que 6 ans à peine. « J’ai commencé à ressentir ce besoin d’isolement. Je suis fils unique. Mes parents sont solitaires et il y avait peu de monde à la maison. C'était un univers en autarcie. Avec eux, j’ai baigné dans une sorte de pause hors du temps », se souvient Terrence.
Le jeune homme voit dans la solitude un temps pour vivre à son rythme. Écouter les messages de son corps. Entendre ce que disent ses émotions. « C’est grâce à ces moments que je peux prendre des décisions plus éclairées », explique-t-il. « C'est un peu comme quelqu'un qui vit seul sur une île très longtemps. Si cette personne revient en ville, elle aura du mal à s’adapter. Quand on est seul, on vit dans une bulle qui rassure. »
La solitude pour diminuer les émotions fortes
Paradoxalement, cet illustrateur de 35 ans, passionné d’art décide de vivre dans la ville la plus peuplée de France. « Je n’ai pas fait le choix de m’installer en région parisienne. Je suis né à Aix-en-Provence, mais comme pour de nombreuses personnes, mes études m'ont conduit à résider à Paris », précise Terrence. La vie dans la capitale est parfois même agréable. « C'est plus complexe que ça parce que j'ai besoin de ma solitude mais j'ai aussi besoin de me connecter avec les gens. C'est vraiment une question d’équilibre », ajoute-t-il.
C’est d’ailleurs un point soulevé par plusieurs recherches scientifiques. La journaliste américaine Heather Hansen, coautrice du livre Solitude : The Science and Power of Being Alone, cite dans un article de The New Scientist en avril 2024 plusieurs expériences scientifiques qui montrent ces aspects positifs. Des neuroscientifiques ont découvert, par exemple, que « lorsque les gens passent quinze minutes seuls, il se produisait une diminution des émotions fortes à la fois positives et négatives, comme l’excitation et l’anxiété », décrit-elle. Les sensations de calme, elles, sont augmentées.
« Apprendre à être heureux soi-même permet de mieux accueillir ses besoins et d’apprécier plus facilement ce qui vient des autres »
« L’anxiété sociale, c'est une emprise du monde extérieur sur soi-même, et être sous emprise n'est jamais agréable », livre Terrence. Pour en sortir, il décide de se retrouver seul afin de retrouver sa personnalité. « Celle qu'on connaît un peu mieux et qui est la nôtre. » Pour lui, apprendre à être heureux soi-même permet de mieux accueillir ses besoins et d’apprécier plus facilement ce qui vient des autres.
Le problème est que la vie en société est difficilement évitable. Pire, il y a des codes à respecter. Ce qui n’est pas toujours simple pour Terrence. Le plus envahissant : le monde de l'entreprise. « L’univers du travail est complexe pour quelqu'un de solitaire. J'ai souvent besoin de m'isoler, d'avoir mes écouteurs. Surtout à l’époque où je bossais dans de grandes entreprises », se rappelle-t-il. « Après quelques échecs, j’ai décidé de travailler en freelance. Cependant, j'ai compris que le travail en équipe permet d'avancer plus vite, donc ça m’arrive parfois d’y retourner. Mais je me sens plus à l'aise avec une personne plutôt qu’un groupe, que ce soit dans le travail ou dans la vie personnelle. »
Après 35 ans de vie commune avec lui-même, Terrence reconnaît les situations où il ressent le besoin de se retrouver seul. « Je sens une sensation d’étouffement, un besoin de liberté, une sorte de blocage dans le thorax et les épaules. Parfois même, un mal de tête et une crispation de la mâchoire peuvent apparaître », livre-t-il.
Le théâtre, une thérapie qui aide à s’exprimer
Aujourd’hui, ce passionné d’art de 35 ans s’est instauré des rituels pour l’aider à supporter la vie dans la Ville Lumière : sport, yoga, lecture… Des habitudes qui lui permettent, en plus de l’isolement, de se reconnecter avec son corps et de se libérer des énergies environnantes.
Mais l’activité qui lui apporte le plus de bien-être reste sans aucun doute le théâtre, qu’il découvre sur le tard. « La scène me permet de m’exprimer, chose que je n’arrive pas à faire dans la vie quotidienne. C'est une forme de thérapie, un peu comme la solitude. »
Interview avec Terrence, 35 ans, habitant à Paris