Plusieurs associations ont écrit au premier ministre Edouard Philippe ce mardi. Elles demandent à l'État de reconnaître un préjudice d’anxiété pour 500 habitants des Antilles, due à leur exposition au chlordécone.

Les sols de Guadeloupe et de Martinique, contaminés pour des décennies

Cet insecticide a été utilisé aux Antilles jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, grâce à une dérogation - puisqu’il a été interdit en métropole trois ans plus tôt. Résultat : les sols de Guadeloupe et de Martinique sont pollués pour des décennies. La molécule pourrait même y rester jusqu’à 600 ans.

D’après Santé Publique France, “plus de 90 % de la population adulte” est désormais contaminée par le chlordécone. Les habitants de l’archipel présentent un des taux d’incidence du cancer de la prostate les plus élevés au monde, et le pesticide est largement soupçonné d’être en cause.

Une action collective veut faire reconnaître la responsabilité de l'État

Au mois de septembre, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), l’association guadeloupéenne « Vivre » et le collectif « Lyannaj pou depolye matinik » ont donc initié une action collective. Son objectif ? Faire reconnaître la responsabilité de l'État dans ce scandale sanitaire.

L’AFP a obtenu une copie du courrier adressé à Edouard Philippe, rédigé par leur avocat Christophe Lèguevaques. “A ce jour, plus de 2 000 personnes se sont inscrites à cette action collective”, écrit-il. “Je suis en mesure de vous adresser les 500 premières demandes préalables en indemnisation du préjudice moral d’anxiété. D’autres demandes suivront en janvier 2020”.

L’avocat conclut sa lettre en précisant : “quelle que soit votre décision, vous vous honoreriez en répondant de manière explicite à la demande présentée”.

Une enquête parlementaire conclut à la responsabilité de l’État

Selon le rapport final d’une commission d’enquête parlementaire, présenté le 26 novembre dernier après six mois d’auditions, l’État est bien “le premier responsable” de la pollution au chlordécone. Ce dernier “a fait subir des risques inconsidérés, au vu des connaissances scientifiques de l’époque, aux populations et territoires de Guadeloupe et de Martinique”, soulignent les enquêteurs.

En septembre 2018, Emmanuel Macron lui-même avait reconnu, en sa qualité de chef du gouvernement, qu’il s’agissait d’un “scandale environnemental”, qui était “le fruit d’un aveuglement collectif”. Il s’était montré un peu plus mesuré quatre mois plus tard, en précisant que “le chlordécone n’était pas une substance cancérigène”.

Cancer de la prostate : l’exposition au chlordécone augmente le risque

Une étude de l’Inserm, publiée en 2010 dans le Journal of Clinical Oncology, a pourtant montré que l’exposition au chlordécone est associée significativement à une augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate. Ce pesticide est officiellement reconnu comme perturbateur endocrinien, et probablement cancérogène.

Par ailleurs, une cohorte mère-enfant, menée entre 2004 et 2007, a montré un lien significatif entre l’exposition maternelle au chlordécone et le risque d’accouchement prématuré. Cela pourrait s’expliquer par les propriétés œstrogéniques et/ou progestagéniques de la molécule. Une autre étude a également montré que l’insecticide pourrait provoquer un retard de développement de la motricité chez l’enfant, une réduction de la vitesse d’acquisition de la mémoire visuelle et une diminution de la préférence visuelle pour la nouveauté.

Sources

Scandale du chlordécone : 500 demandes d’indemnisation faites par des habitants des Antilles, Le Monde avec AFP, 3 décembre 2019. 

Exposition au chlordécone et risque de survenue du cancer de la prostate, Inserm, 22 juin 2010. 

Chlordécone : un perturbateur endocrinien emblématique affectant les Antilles françaises, Santé Publique France, 16 novembre 2017. 

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