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Déjà saisi en 2012, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’était opposé à la mise en place des assistants sexuels à destination des personnes handicapées privées de vie intime, que certaines associations voulaient rendre possibles en France.

En France être assistant sexuel est interdit

Dans l’Hexagone, l’activité d’assistant sexuel est proscrite. Or, certains de nos voisins comme l’Allemagne, la Suisse ou encore le Danemark autorisent déjà ces pratiques. Dans ces pays, les assistants sexuels sont reconnus officiellement et réalisent des gestes ou rapports intimes auprès de patients handicapés. Il s’agit en principe de professionnels de la santé comme des infirmiers ou kinésithérapeutes.

Les choses pourraient donc bien évoluer en France, et plus vite qu’on ne le croit ! Ce weekend, le débat a été rouvert grâce à la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel. Cette dernière a saisi le CCNE. L’intégralité de sa lettre a été rendue publique. Et pas plus tard qu’hier, Sophie Cluzel expliquait sa démarche au micro de Europe 1.

"La santé sexuelle fait partie de la santé, du bien-être et de la qualité de vie"

Sophie Cluzel part du principe que la sexualité fait partie intégrante de la santé. Les droits sexuels de chaque individu doivent, de ce fait, être respectés.

"Comme le rappelle l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la santé sexuelle fait ainsi partie de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans son ensemble, écrit Sophie Cluzel au CCNE. Pourtant force est de constater que certains de nos concitoyens, parce qu’ils sont en situation de handicap en sont privés, pour certains à vie. Sans aucune solution adaptée, ils sont condamnés à vivre dans une abstinence non choisie".

"Je suis très favorable à ce qu'on puisse accompagner la vie intime, affective et sexuelle des personnes handicapées".

Pour la secrétaire d’Etat, c’est aujourd’hui un vrai sujet de société. "Cela nous fera faire un bond en avant colossal dans la bien-traitance des personnes, dans le recueil de leurs désirs, de leurs attentes, dans la façon de les regarder différemment, non plus comme des objets de soins, mais bien comme des sujets de droits", a-t-elle relevé.

Le CCNE avait refusé en se basant sur le principe de non-utilisation marchande du corps humain

Il y a quelques années le CCNE avait rendu une réponse négative à la question des assistants sexuels pour les personnes à mobilité réduite. Le comité s’était alors basé sur le "principe de non-utilisation marchande du corps humain". Or, désormais, notre société a mûri, estime Sophie Cluzel.

"Le regard de la société sur le handicap change et porte une attention plus forte à la question de l’accès du lien aux autres, pour les personnes en situation de handicap, dans de nombreux champs de la vie sociale, et notamment de l’accès aux relations affectives et sexuelles".

Quant aux comparaisons faites entre assistants sexuels et prostitution, Sophie Cluzel juge ce lien "à côté de la plaque".

"Ces assistants de vie sexuelle existent déjà en Belgique, aux Pays-Bas et en Suisse, justifie-t-elle. Allons voir comment ils ont été formés".

Assistant sexuel : en quoi ça consiste concrètement ?

Assistant sexuel : en quoi ça consiste concrètement ?© Istock

Deux associations françaises, l’Appas et Ch(s)ose, luttent actuellement pour faire valoir les droits des personnes handicapés en matière de sexualité. Via ces organisations, les patients peuvent donc demander à rencontrer des assistants sexuels.

"Afin d’être en accord avec soi-même, il est préférable de reconnaître le fait que l’accompagnement sexuel est une forme de prostitution à visée thérapeutique, prévient l’Appas. Se prostituer étant légal en France, les accompagnant(e)s sexuel(le)s ne sont pas en infraction avec la loi ; en revanche, l’APPAS peut être poursuivi pour proxénétisme bien que l’association ne touche, d’aucune façon, un quelconque avantage pécuniaire de cette mise en relation, ni aucun bénéfice".

Stimulation des zones érogènes, massages sensoriels… La séance dure 1h30 minimum

Les assistants sexuels sont "formés", durant une année, à la connaissance des différents handicaps, des zones érogènes ou encore des massages sensoriels... La formation est légale mais la mise en pratique doit se faire dans la clandestinité puisqu'elle s'assimile à de la prostitution et la mise en contact à du proxénétisme. L'accompagnement est payant et peut aller jusqu'à 150 euros pour 1h30 de séance minimum.

La société doit réfléchir sur la délimitation concrète du "sexuel"

"Cette revendication d’assistance sexuelle pose la question fondamentale de savoir si l’on peut oui on non, revendiquer la liberté de recourir à des services sexuels, poursuit Sophie Cluzel dans sa lettre. Il doit amener toute la société à réfléchir sur des questions quasi essentielles que la place de l’intime dans les demandes dans les nouveaux droits ; la mobilisation de l’intime dans les métiers du soin et de l’accompagnement des personnes handicapées ; la délimitation concrète du ‘sexuel’ ou encore le caractère thérapeutique des relations sexuelles".

Sur Twitter, le Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), a salué la démarche de Sophie Cluzel. Quant à Jean-François Delfraissy, président du CCNE, il l’a aussi trouvé justifié : "La société française évolue et le regard posé sur le handicap aussi". Le sujet devrait être concrétisé d’ici plusieurs mois.

Sources

Conseil national consultatif des personnes handicapées, 9 février 2020

Sophie Cluzel "favorable à l'accompagnement de la vie sexuelle des handicapés", Europe 1, 9 février 2020

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