
L’heure n’est pas à la fête pour le groupe Nestlé, qui détient la marque Perrier. Après les révélations, il y a un an, de la cellule investigation du Monde et de Radio France sur la contamination de l’eau par des bactéries issues de germes fécaux, de nouveaux rebondissements s’ajoutent à l’enquête. Un nouveau rapport de l’Agence régionale de santé du Gard révèle de nouvelles traces d’entérobactéries pathogènes (des germes de l’intestin) dans l’eau. Un scandale sanitaire qui pourrait faire perdre à la marque son appellation d’origine naturelle.
Mais existe-t-il des dangers réels pour les consommateurs ? Selon le groupe Nestlé, non.« Ces signalements découlent de simples mesures internes de gestion de la qualité, indépendantes de la qualité de l’eau au forage », et aucun produit concerné n’a été commercialisé. « Tous les produits mis sur le marché sont sûrs », assure le groupe. D’après l’Agence régionale de santé d’Occitanie, « des discussions sont prévues avec Nestlé Waters », mais « une destruction complète pourrait être envisagée ».
La cellule investigation de Radio France a, quant à elle, révélé un rapport élaboré par des hydrogéologues agréés par le ministère de la Santé. Ce document confirme que tous les forages du groupe Perrier ont perdu leur « pureté originelle ». Ces experts ont donc émis « un avis sanitaire défavorable pour une exploitation en tant qu’eaux minérales naturelles ».
Un risque sanitaire connu des autorités
« Ces experts notent d’ailleurs des incohérences importantes entre les résultats d’analyses fournis par Nestlé et ceux des autorités sanitaires, concernant les indicateurs de contamination fécale (entérocoques et coliformes) », précise France Info.
Plus inquiétant : les scientifiques confirment que les filtres, toujours en place dans l’usine du Gard, ont bien été installés pour désinfecter une eau polluée, mais qu’ils ne sont pas efficaces et laissent passer certaines bactéries. Un risque sanitaire qui est, par ailleurs, connu des autorités.
En 2022, un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), remis au gouvernement, faisait état d’un risque viral au cas où Nestlé continuerait d’utiliser ce type de filtres dans ses usines.
Les entérobactéries sont issues de la famille des bactéries Gram négatives, qui tirent leur nom du genre Enterobacter, signifiant « bactérie intestinale », et se trouvent couramment dans les intestins des humains et des animaux, ainsi que dans divers environnements extérieurs tels que les eaux usées, les sols et les aliments.
La résistance aux antibiotiques des entérobactéries : une pandémie silencieuse
À ce jour, plus de 30 genres et plus de 130 espèces d’entérobactéries ont été décrits dans la littérature scientifique. Les plus connus : Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Ces entérobactéries peuvent causer des maladies telles que des infections urinaires, respiratoires et des troubles gastro-intestinaux.
Comme de plus en plus de bactéries, certaines d’entre elles se retrouvent résistantes aux antibiotiques. En 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a révélé la liste des principales bactéries contre lesquelles les traitements se révèlent inefficaces. Les entérobactéries en font partie.
L’OMS considère qu’il est prioritaire, pour développer de nouveaux antibiotiques, d’étudier les entérobactéries, car certaines produisent une enzyme appelée carbapénèmase, qui leur permet de résister à certains antibiotiques. L’agence sanitaire rappelle que Escherichia coli est l’entérobactérie la plus fréquemment responsable d’infections.
Un arrêt des forages de l’usine du Gard demandé par l’ARS
« Ce nouvel épisode de contamination a entraîné l’arrêt d’une ligne de production et le blocage de 369 palettes, c’est-à-dire environ 300 000 bouteilles. Par ailleurs, des centaines de milliers d’autres bouteilles de 50 centilitres sont également bloquées en raison de la présence d’un excès de germes revivifiables, possibles indicateurs de contamination bactériologique », indique Franceinfo. Après la première enquête, le groupe avait dû détruire 3 millions de bouteilles en raison d’un épisode de contamination par les mêmes bactéries pathogènes de l’intestin.
Selon Franceinfo, l’Agence régionale de santé d’Occitanie préconise l’arrêt de tous les forages de Vergèze, ce qui condamnerait la marque.