
Les Français sont déprimés, et sont même les plus déprimés d’Europe : 11 % de la population (15 ans et plus) souffre ainsi de dépression selon les chiffres rendus public par l’Etat. Une fois n’est pas coutume, on ne peut pas imputer ces mauvais chiffres au Covid puisque l’analyse de la DREES s’est concentrée sur les derniers chiffres récupérés qui datent de 2019, avant la crise donc. D'ailleurs, c’est depuis la crise que nous avons traversé pendant la pandémie que les questions de santé mentale sont devenues prégnantes.
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L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a même émis une note en 2022 expliquant que “la prévalence mondiale de l’anxiété et de la dépression a augmenté massivement, de 25 %” pendant la pandémie. On peut donc logiquement supposer que les chiffres, déjà élevés, recueillis en 2019, sont inférieurs à ceux que l’on récolterait aujourd’hui.
De plus, il y a fort à parier que les chiffres officiels sont en deçà de la réalité, que l’on parle de l’avant ou du post-covid. De nombreuses personnes ne consultent pas pour ces problématiques, et plus encore chez les seniors. “Les informations dont nous disposons actuellement sur l’impact de la COVID-19 sur la santé mentale dans le monde ne sont que la partie émergée de l’iceberg”, appuie le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. “Il s’agit d’un signal d’alarme adressé à tous les pays, afin qu'ils accordent plus d’attention à la santé mentale et fassent de plus gros efforts pour soutenir la santé mentale de leurs populations.”
Les plus de 70 ans : plus déprimés que les jeunes
Si la France fait figure de mauvaise élève par rapport à ses voisins européens en termes de dépression sur l’ensemble de la population, les chiffres grimpent chez les seniors : 16 % des plus de 70 ans sont touchés par un syndrome dépressif. Un triste record, que nous partageons avec d’autres pays comme le Portugal, la Roumanie et la Croatie.
A l’opposé du tableau, la Grèce, la Serbie, l’Irlande ou le Luxembourg se distinguent avec des taux de syndromes dépressifs particulièrement bas chez les plus de 70 ans, avoisinant les 5 %.
La mauvaise santé : une cause de dépression ?
Trois grandes causes semblent expliquer le fort taux de dépression des seniors en général d’après le compte-rendu de la DREES. La première cause identifiée est la santé.
“Les Européens âgés ayant un mauvais état de santé sont, de manière systématique, plus souvent sujets aux syndromes dépressifs que ceux en bonne santé” expliquent les scientifiques, qui ajoutent : “Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de dépression d’une personne âgée en mauvaise santé est plus élevée de 26 % que celle d’une personne aux caractéristiques similaires mais en bonne santé”. Cette raison à elle seule ne peut en revanche pas expliquer pourquoi les seniors français sont plus sensibles aux symdromes dépressifs.
Le veuvage : une difficulté majeure pour les seniors
L'association Dialogue & Solidarité estime que la France compte près de 5 millions de veufs et de veuves (une majorité de veuves en réalité) et qu’au delà de 70 ans, une femme sur deux vit seule.
Après la période de deuil, un moment de grande fragilité propice à la survenue d’une dépression, le veuvage a des conséquences sur le long terme. A l’isolement familial et émotionnel (voir plus loin) s'ajoutent souvent des difficultés matérielles et financières, sources d’anxiété voire de découragement. Le manque de projet quand on n’est plus en couple peut aussi peser sur la santé mentale.
L’accompagnement dans le veuvage, plus et mieux organisé dans certains pays européens, peut aussi expliquer les mauvais chiffres de la France. “La partition est ainsi marquée entre les personnes âgées veuves des pays nordiques, qui bénéficient généralement d’une meilleure prise en charge, incluant des soins médicaux et une assistance pour les activités quotidiennes, et celles qui vivent dans des pays où elle est moins complète et repose davantage sur le soutien familial. Dans ce contexte, les personnes peuvent se trouver plus démunies après la perte d’un conjoint, ce qui accentue leur vulnérabilité face à la dépression”, apprend-on dans la publication de la direction de la statistique.
L’isolement social et émotionnel engendrent du mal-être
Veuvage et maladie accentuent encore un peu plus l’isolement, gros pourvoyeur de dépression. “Le niveau de soutien social, qui désigne l’étendue de l’aide émotionnelle, matérielle ou pratique qu’une personne peut recevoir de son entourage (famille, amis, communauté) en cas de besoin, est un autre facteur déterminant des syndromes dépressifs”, insiste la DREES.
Là encore, les différences entre les pays s’expliquent en tout ou partie par les outils mis à disposition par les Etats mais aussi par les particularités culturelles. “En Europe, les personnes âgées les plus entourées sont ainsi moins souvent déprimées que celles qui sont socialement isolées” indique enfin la DREES. Cet effet est particulièrement prononcé en Europe de l’Ouest, et donc en France.