

On ne les voit pas, on ne les sent pas, et pourtant ils sont là. Partout. Dans l’air que l’on respire, l’eau que l’on boit, les objets que l’on touche… Les perturbateurs endocriniens (PE) sont devenus des invités invisibles de notre quotidien. Face à leur omniprésence, une question s’impose : avons-nous encore un quelconque pouvoir d’action pour nous en prémunir ? Et surtout, sur quoi faut-il concentrer nos efforts ?
Peut-on vraiment réduire notre exposition ?
La réponse est oui… mais pas totalement. Il est illusoire de croire qu’on peut éviter tous les perturbateurs endocriniens. Cependant, on peut significativement réduire notre exposition en agissant sur des gestes du quotidien.
Par exemple, l’ANSES (l’agence nationale de sécurité sanitaire) recommande d’éviter les contenants en plastique chauffés au micro-ondes, de limiter les cosmétiques parfumés ou encore de privilégier des produits ménagers simples comme le vinaigre blanc. Cela peut sembler dérisoire à l’échelle de la planète, mais à celle de notre organisme, chaque micro-exposition évitée est une victoire.
Ameli, le site de l’Assurance maladie, insiste sur la notion de « substitution raisonnable » : remplacer ce que l’on peut, quand on le peut. Acheter bio quand c’est possible, utiliser une poêle sans revêtement antiadhésif douteux, laver systématiquement les vêtements neufs pour éliminer les résidus de traitements textiles… Autant de petits gestes qui, mis bout à bout, font une différence.
Les perturbateurs endocriniens, comme leur nom l’indique, interfèrent avec notre système hormonal. Et c’est bien là le cœur du problème. Contrairement à d’autres toxiques, ils n’ont pas besoin d’être présents en grande quantité pour faire des dégâts.
Pourquoi ces substances sont-elles si problématiques ?
Les perturbateurs endocriniens, comme leur nom l’indique, interfèrent avec notre système hormonal. Et c’est bien là le cœur du problème. Contrairement à d’autres toxiques, ils n’ont pas besoin d’être présents en grande quantité pour faire des dégâts. Ils peuvent imiter ou bloquer l’action des hormones naturelles, et ainsi perturber des fonctions aussi essentielles que la croissance, la reproduction, le métabolisme ou le développement cérébral.
Le rapport de l’Inserm publié en 2021 met en évidence leur implication possible dans des maladies aussi variées que les cancers hormonodépendants (sein, prostate), l’obésité, le diabète de type 2, certains troubles du développement chez l’enfant ou encore l’infertilité. Et ce, même à des niveaux d’exposition faibles. Cette spécificité rend leur régulation d’autant plus complexe.
Où se cachent-ils encore malgré la réglementation ?
C’est l’une des grandes frustrations des scientifiques : les réglementations progressent lentement face à la complexité du sujet. Car tous les PE ne sont pas encore identifiés officiellement. Certains, comme le bisphénol A (BPA), ont été interdits dans les biberons dès 2010. Mais d’autres restent autorisés, ou sont simplement remplacés par des substances « cousines » dont les effets ne sont pas encore bien connus, ce que les chercheurs appellent l’effet cocktail ou le principe de substitution regrettable.
Selon le site perturbateur-endocrinien.com (une plateforme d'information dédiée aux perturbateurs endocriniens), des PE sont encore présents dans des jouets pour enfants, dans certains pesticides et même dans des produits cosmétiques courants (parfums, vernis à ongles, crèmes anti-âge).
Faut-il attendre des pouvoirs publics ou agir soi-même ?
C’est un faux dilemme. Les deux approches sont complémentaires. Il est nécessaire que les autorités sanitaires poursuivent leur travail d’évaluation, de réglementation et de transparence. En parallèle, chacun peut agir à son échelle pour réduire la charge chimique de son environnement.
L’ANSES, par exemple, a publié une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens dès 2014, mise à jour depuis. Elle s’attache à mieux repérer les substances, à informer le public et à orienter les industriels vers des alternatives plus sûres.
Mais sans pression citoyenne, les choses avancent lentement. C’est pourquoi des associations, des collectifs de médecins et même certains distributeurs commencent à intégrer la lutte contre les PE dans leurs pratiques (étiquetage, chartes de formulation, engagement à retirer certaines substances...).
Comment s’informer sans céder à la panique ?
Face à l’ampleur du sujet, il est tentant de baisser les bras ou, à l’inverse, de sombrer dans l’angoisse permanente. Ni l’un ni l’autre n’est utile. Le bon réflexe ? S’informer sur des sources fiables, comme celles de l’Inserm, de l’ANSES ou d’Ameli.
Il faut également faire preuve de bon sens, en gardant à l’esprit que tout n’est pas sous notre contrôle, mais que ce que nous contrôlons, même partiellement, mérite qu’on s’y attarde.
Pour mieux comprendre à quels produits prêter attention au quotidien, Hassan Amezian, dresse dans son livre “Le poids de vos hormones” édition Leduc, une liste des dix perturbateurs endocriniens les plus fréquemment rencontrés dans notre environnement.
Le triclosan

Utilisé dans les savons antibactériens, les dentifrices, les détergents et certains textiles, le triclosan est un agent antimicrobien efficace… mais aussi un perturbateur endocrinien reconnu. Il perturbe notamment la fonction des hormones thyroïdiennes, essentielles au bon fonctionnement du métabolisme. Certaines études suggèrent aussi un impact sur la fertilité et le développement cérébral. Pour limiter l’exposition, il est préférable d’opter pour des savons simples, sans agents antibactériens, ou de se tourner vers des alternatives plus naturelles comme le savon de Castille.
Les benzophénones

Les benzophénones (BP), dont l’oxybenzone et l’avobenzone, sont couramment utilisées dans les écrans solaires, les fonds de teint et autres cosmétiques contenant des filtres UV. Or, ces composés sont capables d’imiter les œstrogènes et de perturber le bon fonctionnement de la thyroïde. Certaines recherches pointent aussi du doigt leur accumulation dans les tissus humains et leur impact possible sur le développement des enfants à naître. Pour s’en prémunir, mieux vaut choisir des écrans solaires minéraux à base d’oxyde de zinc ou de dioxyde de titane, et vérifier la liste d’ingrédients des produits de beauté.
Les perfluorés (PFOA, PFOS)

Ces substances, appelées aussi PFOA ou PFOS, sont utilisées pour rendre les surfaces résistantes à l’eau et à la graisse. On les retrouve dans les poêles en téflon, les emballages de fast-food, les textiles imperméables ou les moquettes traitées. Leur persistance dans l’environnement et dans l’organisme en fait des composés particulièrement préoccupants. Ils perturbent la thyroïde, interfèrent avec le métabolisme et peuvent affecter la croissance fœtale. Pour limiter l’exposition, mieux vaut cuisiner avec des ustensiles en inox, en fonte ou en céramique, et éviter les emballages alimentaires gras ou plastifiés.
Les dioxines

Issues principalement des procédés de combustion industrielle, les dioxines contaminent l’environnement et s’accumulent dans la chaîne alimentaire, en particulier dans les produits animaux comme le lait, la viande ou le poisson. Ces composés perturbent les œstrogènes et la testostérone, altèrent la fonction hormonale et augmentent le risque de cancers hormono-dépendants. Pour réduire leur ingestion, il est conseillé de limiter la consommation de viandes grasses et de poissons provenant de zones industrielles, et de privilégier les produits issus de l’agriculture biologique ou raisonnée.
Les polychlorobiphényles (PCB)

Interdits depuis les années 1980 dans la plupart des pays, les polychlorobiphényles (PCB) persistent néanmoins dans l’environnement. On les retrouve encore dans d’anciens transformateurs électriques, mais aussi dans certains poissons gras comme l’anguille ou le saumon d’élevage. Ces substances affectent la thyroïde et les œstrogènes, et perturbent le développement neurologique, notamment chez les enfants exposés in utero. Il est prudent d’éviter les poissons gras issus de zones à risque de pollution, et de ne pas manipuler d’équipements électriques anciens sans précaution.
Les pesticides organochlorés : des traces tenaces dans l’assiette

Même si de nombreux pesticides organochlorés ont été bannis, leurs résidus persistent dans les sols et peuvent se retrouver dans les fruits, les légumes ou les produits d’origine animale. Ces molécules interfèrent avec les hormones sexuelles et thyroïdiennes, et sont suspectées de nuire à la fertilité et au bon développement embryonnaire. Manger bio ou local, ou à défaut laver soigneusement les fruits et légumes à l’eau claire (voire les éplucher), permet de réduire notablement l’exposition.
Le bisphénol A (BPA) : le plastique qui joue aux hormones

Très utilisé dans les plastiques alimentaires (bouteilles, boîtes de conserve, gobelets jetables...), le bisphénol A agit comme un œstrogène de synthèse. Il perturbe les hormones sexuelles, interfère avec la fertilité, le développement fœtal et pourrait jouer un rôle dans certaines maladies métaboliques. Bien que de plus en plus de produits affichent fièrement la mention “sans BPA”, il reste utile de privilégier les contenants en verre, inox ou silicone alimentaire, et d’éviter de chauffer les aliments dans des plastiques.
Les phtalates : omniprésents dans les cosmétiques et plastiques souples

Utilisés pour assouplir les plastiques ou fixer les parfums, les phtalates sont présents dans les emballages alimentaires, les jouets, les vernis à ongles ou les lotions. Ils perturbent la production d’œstrogènes et de testostérone, pouvant entraîner une baisse de la fertilité et des troubles du développement chez les enfants. Éviter les produits avec la mention “PVC” ou le chiffre “3” sur l’emballage, et préférer les cosmétiques certifiés sans phtalates permet de réduire l’exposition au quotidien.
Le benzène : un polluant cancérigène bien trop courant

Le benzène est un solvant toxique utilisé dans l’industrie chimique, mais qu’on retrouve aussi dans certains plastiques, colles, peintures ou carburants. Il interfère avec plusieurs hormones, notamment la thyroïde, les œstrogènes et le cortisol, et il est reconnu comme cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il est recommandé de bien aérer les pièces après l’utilisation de peintures ou colles, et de privilégier les produits sans composés organiques volatils (COV).
Les parabènes : des conservateurs qui miment les œstrogènes

Longtemps utilisés pour leur pouvoir conservateur dans les crèmes, shampoings, gels douche ou déodorants, les parabènes peuvent mimer l’action des œstrogènes et perturber l’équilibre hormonal. Certains ont été interdits dans les produits pour bébés, mais d’autres demeurent autorisés. Pour limiter les risques, il est préférable de se tourner vers des cosmétiques étiquetés “sans parabènes”, ou de privilégier les soins bio à la composition plus transparente.
https://www.inserm.fr/dossier/perturbateurs-endocriniens/
https://www.anses.fr/fr/content/travaux-anses-sur-perturbateurs-endocriniens
https://www.perturbateur-endocrinien.com/liste-perturbateurs-endocriniens/
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39233077/
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412024003830
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1438463919307886
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