Somnifères, une barrière à l’élimination des déchets dans le cerveauImage d'illustrationIstock
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Il fait partie des comprimés les plus utilisés par les Français qui souffrent d’insomnie. Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), 15 à 20 % d’entre eux rencontrent des difficultés à dormir. Les somnifères apparaissent comme une solution temporaire qui, souvent, devient permanente. Mais le sommeil obtenu n'est peut-être pas aussi réparateur qu’il n’y paraît. Dans une étude publiée le 8 janvier 2024, des chercheurs ont découvert que l'administration à des souris de zolpidem a empêché leur cerveau d'éliminer efficacement les déchets pendant le sommeil. Ce qui pourrait être associés aux maladies neurodégénératives.

Le sommeil est essentiel pour éliminer les déchets du cerveau. C’est la scientifique danoise Maiken Nedergaard et son équipe qui, en 2013, ont découvert ce mécanisme de nettoyage cérébral. Dans son étude publiée dans la revue Science, elle explique que, la nuit, le liquide céphalo-rachidien circule autour des tissus cérébraux, éliminant les toxines par une série de tubes fins appelés système glymphatique. C’est une sorte de lave-vaisselle qui se met en marche durant la nuit.

Le sommeil, un allié essentiel à une bonne santé

"Le système de nettoyage du cerveau s’appelle le système glymphatique. Il est important de noter qu’il n’est activé que pendant la partie profonde du sommeil appelée sommeil non paradoxal. Cela est dû à un neuromodulateur appelé noradrénaline, qui, pendant le sommeil non paradoxal, est libéré selon des cycles lents d’environ toutes les 50 secondes", explique la professeure Maiken Nedergaard dans un communiqué.

Pour comprendre l’effet des somnifères sur cette vidange de déchets, la professeure Maiken Nedergaard et son équipe ont implanté des fibres optiques dans le cerveau de sept souris. En éclairant les composés chimiques du cerveau, les fibres leur permettent de suivre la circulation du sang et du liquide céphalo-rachidien pendant le sommeil.

Ils ont constaté que, lorsque les niveaux de noradrénaline augmentent, les vaisseaux sanguins du cerveau se contractent, ce qui réduit le volume de sang et permet au liquide céphalo-rachidien de s'écouler dans le cerveau. À contrario, lorsque ce taux diminue, les vaisseaux sanguins se dilatent, repoussant le liquide céphalo-rachidien vers l'extérieur. "Ce changement dynamique du volume sanguin fonctionne comme une pompe pour transporter le liquide céphalo-rachidien le long des artères vers le cerveau et à travers les tissus cérébraux. Ainsi, la noradrénaline coordonne la constriction et la dilatation synchronisées des vaisseaux sanguins qui pilotent le système glymphatique", détaille la scientifique.

Comment agit un somnifère sur le cerveau ?

Ensuite, les chercheurs ont traité six souris avec du zolpidem, un somnifère couramment utilisé. Si les souris se sont endormies plus rapidement que celles traitées avec un placebo, ils ont découvert que le flux de liquide céphalo-rachidien dans leur cerveau avait diminué d'environ 30 % en moyenne, interrompant ainsi l’élimination des déchets du cerveau. "Le sommeil est crucial, car il donne au cerveau le temps d’effectuer des tâches ménagères homéostatiques telles que l’élimination des déchets. Au contraire, les somnifères bloquent les neuromodulateurs qui pilotent le système d’élimination des déchets et empêchent le cerveau de se préparer correctement à une nouvelle journée", explique-t-elle.

Il est encore trop tôt pour savoir si ces résultats seront transposés à l'homme. "L'architecture du sommeil humain est encore assez différente de celle de la souris, mais nous avons le même circuit cérébral que celui qui a été étudié ici", explique au média New Scientist Laura Lewis, du Massachusetts Institute of Technology. "Il est probable que certains de ces mécanismes fondamentaux s'appliquent également à nous."

Comment éliminer les toxines du cerveau ?

Pour le Dr Clifford Segil, neurologue au Providence Saint John's Health Center de Santa Monica, en Californie, aux États-Unis, qui n’a pas participé à l’étude, "il est extrêmement improbable que les avantages d'un sommeil accru qui se produit lorsque les patients utilisent un somnifère comme le zolpidem soient contrebalancés par tout effet indésirable potentiel allégué de ce médicament diminuant le sommeil paradoxal, qui alors, à son tour, fait diminuer les niveaux de neurotransmetteurs cérébraux, ce qui diminue à son tour les niveaux de protéines cérébrales", souligne-t-il.

"Si les somnifères interfèrent effectivement avec la capacité du cerveau à éliminer les toxines pendant le sommeil, cela signifie que nous devons mettre au point de nouveaux médicaments pour le sommeil", explique l’auteure de l’étude.