Maladie chronique, ma meilleure ennemie : “J'ai eu l'impression d'avoir 10 ans de plus” - Épisode 3Adobe Stock
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“Petite, j'étais malade et je suscitais beaucoup de pitié. Ça m'énervait et ça m'a fait perdre énormément confiance en moi. Je me suis battue toute ma vie pour montrer à quel point j'étais forte.” Depuis ses 5 ans, Coline souffre d’une pancréatite héréditaire. Au départ, sa famille ne sait pas réellement de quoi la petite fille souffre. Pourtant, elle est gravement malade : Coline fait des “gastros” à répétition et éprouve des difficultés pour manger, pour boire, pour jouer avec les autres enfants… Quelque chose cloche, et ce n’est pas qu’un problème de digestion.

Malgré sa pancréatite, Coline vit dans le déni

Ce n’est qu’à l’adolescence que le diagnostic est posé. “Ma mère avait un cancer, alors on a attendu son décès. J'ai grandi sans savoir ce que j'avais, mais en voyant bien que je n’étais pas comme les autres enfants.” Même après le diagnostic, Coline grandit dans le déni. “Je me suis toujours sentie comme une fraude dans ma maladie, je me disais : “Mais non, c'est rien.” Et puis, quand on tombe souvent malade, ça devient une habitude. En fait, on ne se pose même plus la question.”

Malgré les douleurs, Coline devient global brand marketing manager d’une marque de parfum de luxe française, à Dubaï. Véritable bourreau de travail, elle fait comme si la maladie n’avait aucune incidence sur sa vie.Jusqu’à la septicémie, en 2020. “L'univers m’a donné une leçon très, très dure. Je ne suis même pas allée me faire traiter au début, c’est ma boîte qui m'a poussée à aller à l'hôpital. Je me disais que je prenais la place d'autres personnes, alors j’ai quitté l’hôpital. Mais ça ne s'arrangeait pas, j'avais 40 de fièvre. J’y suis retournée 10 jours après et ils ont découvert qu'un de mes reins était bloqué depuis plusieurs années : c'est pour ça que l'infection ne partait pas. Les médecins ont vu sur les scanners que mon pancréas s’était détruit.”

"Avec la maladie, on doit dire au revoir à qui on était"

De fait, Coline devient diabétique. Et puis tout s’enchaîne, en l’espace d’un an et demi. “Après ça, on m’a annoncé que mon pancréas était mort. À ce moment-là, je pense que mon cerveau a réalisé tout ce que j'avais. Puis j'ai eu un prolapsus rectal de stade 4 : je passais 3 heures par jour avec tout le rectum hors de mon corps.” Au départ, Coline ignore complètement son prolapsus et se concentre sur son rein. Malgré 8 opérations, elle ne prend que 12 jours d’arrêt maladie.

Entretemps, la vie professionnelle et sociale continue, et Coline a de plus en plus de mal à écouter ses collègues et ses amis parler de leurs soucis quotidiens, souvent mineurs. “Ça fait un choc quand on se retrouve entourée de gens qui parlent de leurs problèmes. On change beaucoup, donc notre perception change. C'est un chamboulement assez dur à vivre psychologiquement. On doit dire au revoir à qui on était.”

"Non, je n’ai pas une petite santé !"

Exit la femme positive en permanence : Coline sort du déni pour de bon et réalise qu’elle doit prendre soin d’elle, et arrêter de se laisser aspirer par son entourage. Forcément, les relations amicales en prennent un coup…

“Le problème avec nous, les personnes malades, c'est qu'on ne veut pas que les gens aient pitié, donc on va cacher beaucoup de choses. Mais d'un autre côté, on veut qu'ils réalisent qu'on en chie.” Le pire pour Coline, ce sont les petites phrases, irrespectueuses sans en avoir l’air, que les personnes mal informées balancent à l’envi. “La pire, c’est l'expression “ta petite santé”. Alors non, je n’ai pas une petite santé ! J'avais 5% de chances de survie et j'en suis ressortie vivante, merci bien. Ça m'énerve au plus haut point.”

Autre remarque qui ne passe pas : la confusion entre le diabète de type 1 (DT1, héréditaire) et le diabète de type 2 (DT2, provoqué par le mode de vie). “On me dit que j'ai mangé trop de bonbons quand j’étais petite... Je suis de fait obligée d'éduquer les gens. Beaucoup de diabétiques ne veulent pas s'injecter en public parce qu'ils ne veulent pas subir ce genre de remarque et devoir faire le prof, voire se justifier. Il faut aussi savoir que beaucoup de gens se permettent de nous donner des conseils, ça peut devenir très pesant.”

"Avec la maladie , les gens se révèlent"

Quand l’irrespect dépasse la remarque blessante, Coline doit carrément couper les ponts. Comme ce jour où un couple d’amis lui reproche de ne pas pouvoir se rendre à leur mariage à cause d’une opération.

“Ils m’ont demandé de reporter, sachant que je risquais la gangrène et que je passais 3 heures par jour aux toilettes avec mon rectum et une partie de mes intestins hors de mon corps. Ils m’ont dit que c’étaient mes problèmes et que j’aurais dû mieux m’organiser. Tout d'un coup, les gens se révèlent : quand on est une personne fun, tout va bien. Mais dès qu'il y a un problème… On voit qui sont nos vrais amis parce qu’on prend énormément en maturité. En peu de temps, j'ai eu l'impression d'avoir 10 ans de plus.”

Il y a aussi les “potes” qui se servent de votre situation pour positiver et vous prennent comme “modèle” de courage. “J'ai des amis pour qui ça a été très bénéfique parce qu'ils se sont rendu compte qu’ils avaient de la chance dans la vie.” Il y a également ceux qui trouvent qu’on exagère.

“Généralement, quand on tombe malade, on doit changer notre style de vie. Par rapport à l'alcool et à la nourriture, je fais attention, donc forcément, certains disent : “T’es moins drôle qu’avant, tu fais moins la fête.” Il y en a dont la positivité et l'optimisme deviennent un impératif.” Coline liste, enfin, les personnes constamment négatives, qu'il faut impérativement rayer de sa vie si on veut aller mieux. “Au quotidien, ça affecte énormément le mental, alors j’essaye de ne pas rester entourée de gens qui font des dramas pour rien.”

"Mes amis d'enfance n'ont jamais bougé"

Coline a donc dû, au fil des années, opérer un tri radical. Pour le mieux, assure-t-elle. “Mes amis d'enfance n'ont jamais bougé. J’ai également gardé des copains très proches de Dubaï. Je pense qu'il faut faire une différence de degrés : de nos jours, on est un peu comme les Américains, on a beaucoup de connaissances et très peu d'amis. Je préfère être entourée de moins de personnes, mais de gens qui comprennent et qui seront là quand ça ira moins bien.”

Aujourd’hui, Coline vit à Lisbonne. Malgré la maladie, elle refuse de laisser sa condition dicter sa vie. En ce début d’année 2023, elle sort son premier livre, You Are Not An Imposter, sur son parcours et sa lente acceptation de la maladie. Son avenir, elle l’imagine radieux.

You Are Not An Imposter, un livre de Coline Monsarrat.

Plus d’informations : https://www.youarenotanimposter.com/you-are-not-an-imposter/

mots-clés : maladie, prolapsus
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