
C’est un espoir de taille qui pourrait bouleverser la prise en charge des patients atteints de tumeurs de la tête et du cou. Particulièrement agressives et difficiles à traiter, près de 40 % des patients récidivent dans les 3 à 5 ans suivant le traitement actuel. Une stratégie thérapeutique qui n’a pas évolué depuis plus de 20 ans. « Lorsqu’ils sont opérables, ces cancers sont actuellement traités par chirurgie, puis par radiothérapie, en association ou non avec une chimiothérapie », précise le Pr Christophe Le Tourneau, chef du département des essais cliniques précoces et de l’oncologie ORL à l’Institut Curie.
Toutefois, une nouvelle étude menée par des chercheurs du Dana-Farber Brigham Cancer Center et de la Washington University School of Medicine à St. Louis, et présentée au congrès de l'AACR à Chicago, aux États-Unis, le 27 avril 2025, a permis de mettre en lumière un protocole thérapeutique plus efficace. Son nom : l’immunothérapie.
Cet essai clinique de phase 3, appelé KEYNOTE-689, a réuni 714 patients atteints d’un cancer ORL récemment diagnostiqué. Certains suivaient le protocole standard par ablation chirurgicale de la tumeur, tandis que d’autres recevaient l’immunothérapie : deux injections de pembrolizumab avant l’opération, trois en association avec la radiothérapie, et douze après la chirurgie.
Résultat : les chercheurs ont constaté que les patients recevant le pembrolizumab avaient une survie sans événement plus longue, passant de 38,3 mois à 51,8 mois. « Il s’agit d’une étude qui change la pratique. Non seulement ce protocole a amélioré la survie, mais nous avons également observé que 10 % de patients en moins nécessitent une chimiothérapie après avoir reçu l’immunothérapie », explique le Pr Christophe Le Tourneau.
De plus, le traitement s’est avéré sûr, sans aucun nouvel effet indésirable observé. « Dans de rares cas, l’immunothérapie déclenche le système immunitaire de manière trop importante. Mais les contraintes liées aux produits administrés restent bien plus fréquentes avec la chimiothérapie », ajoute le Pr Le Tourneau.
Ce nouveau protocole représente un changement important dans la prise en charge du cancer de la tête et du cou. Actuellement, les patients consultent un chirurgien pour un diagnostic par biopsie et, si celui-ci s’avère positif, ils passent directement au bloc opératoire pour un retrait. L’ajout d’une immunothérapie avant l’opération change totalement l’intervention des chirurgiens.
« Le cancer, c’est une maladie systémique. C’est logique que les traitements locaux arrivent en dernière position. Cet essai clinique va dans le sens de l’histoire. Maintenant, le tout est de savoir si deux injections, c’est suffisant », analyse le Pr Le Tourneau.
« Nos équipes multidisciplinaires se concentrent maintenant sur la possibilité que ces progrès puissent être améliorés avec différents agents ou avec des combinaisons de thérapies néoadjuvantes et adjuvantes dans le cancer de la tête et du cou », a déclaré la Pr Ravindra Uppaluri, MD, PhD, directrice de l’oncologie chirurgicale principale et du cou l’hôpital à Dana-Farber. « Cette étude a vraiment ouvert la possibilité d’un traitement néoadjuvant pour faire la différence pour nos patients atteints de cancers de la tête et du cou. »
Toutefois, ce traitement ne fonctionne pas sur tous les malades. « L’immunothérapie ne marche pas sur tout le monde, mais quand elle fonctionne, elle est très efficace », conclut le Pr Christophe Le Tourneau. Alors que 15 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, le cancer ORL reste aujourd’hui le 5ᵉ cancer le plus fréquent en France.
Interview avec le Pr Christophe Le Tourneau, chef du département des essais cliniques précoces et de l’oncologie ORL à l’Institut Curie.