
"Je vous emporte avec moi. Vous m’oublierez, moi non. Je vous aime". Le 1er janvier 2017, sur l'antenne de TF1, Catherine Laborde faisait ses adieux au bulletin météo de la chaîne après 28 années à faire la pluie et le beau temps. Un moment touchant, où la présentatrice phare avait évoqué "des moments formidables", "des moments joyeux" ainsi que "des moments de camaraderie". À l'époque, Catherine Laborde cachait les raisons de son départ : son diagnostic de la maladie de Parkinson, ainsi que la démence à corps de Lewy (DCL) en 2014.
Ce mardi 28 janvier 2024, également journée mondiale de la maladie à corps de Lewy (MCL), Catherine Laborde est décédée à l'âge de 73 ans, a annoncé sa famille à l'AFP. Sa soeur, Françoise Laborde, lui a rendu hommage sur le réseau social X (anciennement Twitter). Elle écrit : "Ma chérie, tu es partie sereinement dans ta maison de l'Île d'Yeu que tu aimais tant. Il y avait autour de toi Gabrièle et Pia, tes filles, et Jimmy leur père. Et aussi ton mari Thomas pour tes derniers jours. Geneviève et moi étions avec toi la semaine dernière". La journaliste évoque également ses "derniers moments de conscience et de lucidité".
Mort de Catherine Laborde : la présentatrice souffrait de la maladie à corps de Lewy
Il y a quelques mois, en avril 2024, Françoise Laborde évoquait l'état de santé de sa soeur aînée dans l'émission Chez Jordan de Luxe sur C8. "Sa maladie est très compliquée, sa mémoire et son équilibre lui font défaut et les mots ne lui viennent pas toujours. Mais l’évolution de sa maladie est plutôt lente, ce qui est rassurant (...) Je ne crois pas que la télévision lui manque, mais le fait de sentir qu’elle est encore dans le cœur du public la touche beaucoup", confiait-elle.
Symptômes, traitements, espérance de vie... Quelles sont les particularités de la MCL, une forme de démence qui touche environ 200 000 patients en France ?
Comment se manifeste la maladie à corps de Lewy ?
La démence à corps de Lewy est une maladie qui touche autant les hommes que les femmes. Elle apparaît généralement après 50 ans, bien que des patients plus jeunes aient déjà été identifiés. Elle n'est pas héréditaire, mais des formes familiales ont été observées à de très rares occasions.
Comme le rappelle l'Association des Aidants et Malades à Corps de Lewy (A2MCL), cette pathologie neurocognitive et neurodégénérative est associée à plusieurs symptômes : cognitifs, moteurs... Comment les repérer ?
Les troubles cognitifs, premiers symptômes de la démence à corps de Lewy
Les troubles cognitifs figurent parmi les premiers symptômes de la maladie à corps de Lewy. Les personnes atteintes peuvent avoir du mal à se repérer de l'espace, à réaliser plusieurs tâches en même temps ou à faire preuve de logique. Elles peuvent également présenter des sautes d'humeur ou des inhibitions, des symptômes communs à la dépression.
Enfin, des changements liés à la concentration, à l'attention, à la vigilance et à l'éveil peuvent être observés. Le patient peut avoir l'air léthargique un jour et très lucide le lendemain. Ces fluctuations sont des symptômes difficiles à déceler, car elles se produisent rarement devant un professionnel de santé. Les troubles de l'attention sont particulièrement fréquents au stade précoce de la DCL, pouvant être confondus avec des troubles de la mémoire. Les problèmes de mémoire apparaissent généralement plus tard, à l'inverse de la maladie d'Alzheimer.
En outre, plusieurs symptômes en apparence psychiatriques peuvent se manifester chez les personnes atteintes de la démence à corps de Lewy, ce qui peut compliquer le diagnostic de la maladie. On peut déceler chez le malade une apathie, une anxiété ou une paranoïa pouvant mener à un délire. Le syndrome de Capgras est un genre de délire propre à la DCL. Selon l'association, il s'agit d'un délire durant lequel le malade atteint de la maladie à corps de Lewy pense que l'un de ses proches a été remplacé par un sosie.
Les troubles moteurs associés à la démence à corps de Lewy
Les troubles moteurs ne sont pas systématiques chez les patients atteints de la DCL : certaines personnes en présentent dès les premiers stades de la maladie, tandis que d'autres n'en rencontrent jamais. Ces symptômes peuvent se manifester de différentes manières :
- Un changement d'écriture manuscrite, plus petite et moins lisible ;
- Une perte de l'équilibre, souvent suivie de chutes inexpliquées ;
- Un changement de la démarche ;
- Une réduction dans l'intensité de la voix.
L'association A2MCL souligne les difficultés liées au diagnostic de la démence à corps de Lewy : "Tous ces symptômes peuvent apparaître plus ou moins tardivement. S’ils sont précoces, le diagnostic initial peut être, à tort, celui de la maladie de Parkinson".
Les troubles du sommeil chez les personnes atteintes de la DCL
Les troubles du sommeil sont également des symptômes de la maladie à corps de Lewy. Ils peuvent apparaître plusieurs années avant les troubles cognitifs et moteurs, et donc le diagnostic de la MCL. Le malade peut avoir un sommeil extrêmement agité, il semble vivre son rêve ou son cauchemar, il parle et bouge dans son lit. Il peut également chuter de son lit et souffrir de somnambulisme.
8 malades sur 10 souffrent d'hallucinations
Les personnes souffrant de démence à corps de Lewy sont nombreux à expérimenter des hallucinations visuelles ou auditives. Elles apparaissent dès le début de la DCL. "Ces hallucinations sont généralement réalistes et détaillées, parfois discrètes au début de la maladie comme une sensation de passage. Certaines hallucinations peuvent paraître agréables : visions d’enfants ou d’animaux ou même un orchestre jouant au pied du lit ! Mais d’autres sont beaucoup plus angoissantes", détaille l'association A2MCL.
Les symptômes de la démence à corps de Lewy pouvant être confondus avec la maladie de Parkinson ou la maladie d'Alzheimer, quand intervient le diagnostic ?
Comment diagnostiquer la démence à corps de Lewy ?
La gravité du déclin cognitif lié à la démence à corps de Lewy entraîne de graves conséquences sur la vie personnelle, familiale et professionnelle du malade. Son diagnostic est particulièrement compliqué, en raison des symptômes pouvant faire penser à la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson. On estime que deux malades sur trois ne sont pas diagnostiqués.
D'après le Manuel MSD, le diagnostic de la démence à corps de Lewy commence par un diagnostic de démence. Il repose sur un examen clinique et une tomodensitométrie (TDM) ou imagerie par résonance magnétique (IRM). Les médecins en charge du diagnostic commence par diagnostiquer la démence du patient avant de déterminer s'il s'agit d'une DLC ou d'une démence liée à la maladie de Parkinson.
Les trois signes cardinaux, qui apparaissent très tôt dans la maladie et permettent d'entamer un diagnostic, sont : les fluctuations cognitives, et les hallucinations visuelles récurrentes et les troubles du comportement en sommeil paradoxal (TCSP).
Pour poursuivre le diagnostic, il convient de se référer aux biomarqueurs indicateurs et évocateurs. Les biomarqueurs indicatifs sont au nombre de trois : une réduction de fixation du transporteur de dopamine dans le striatum, une anomalie en scintigraphie myocardique et une polysomnographie d'un sommeil paradoxal sans atonie. Du côté des biomarqueurs évocateurs, les médecins vont s'attarder sur la préservation des structures temporales internes au scanner cérébral, à la diminution de fixation généralisée du traceur de perfusion en TEMP ou TEP avec réduction de l’activité occipitale, et aux ondes lentes sur l'EEG.
Une fois que ces indicateurs ont été analysés par un médecin, le diagnostic de DCL devient probable si deux signes cardinaux ou plus sont présents, avec ou sans la présence d'un biomarqueur indicatif. Selon l'association, le diagnostic est également propable si le patient présente un seul signe cardinal avec au moins un biomarqueur indicatif. L'A2MCL précise que la démence à corps de Lewy "ne doit pas être diagnostiquée sur la base des seuls biomarqueurs". Avant de préciser : "La maladie à corps de Lewy doit être diagnostiquée lorsque la démence survient avant ou en même temps que le syndrome parkinsonien". Ce terme de "syndrome parkinsonien" fait référence à une démence apparue après l'installation durable de la maladie de Parkinson.
Quelle espérance de vie quand on souffre de démence à corps de Lewy ?
L'évolution de la DCL évolue d'un malade à l'autre. A partir du diagnostic, l'espérance de vie varie entre deux et vingt ans. Les patients décèdent généralement des complications liées aux troubles cognitifs causés par la maladie. Selon les chiffres relayés par Cap Retraite, voici les principales causes de décès chez les personnes atteintes de DCL :
- Manque d'appétit, perte de poids, plaies cutanées (65 %) ;
- Pneumonie et difficultés à déglutir (23 %) ;
- Complications après une chute (10 %).
Quels traitements pour la démence à corps de Lewy ?
Il n'existe pas de traitement pour soigner la DCL. En revanche, des traitements peuvent ralentir les symptômes de la maladie à corps de Lewy. Par exemple, les troubles cognitifs dont souffrent les patients peuvent être limités grâce à des médicaments utilisés pour traiter la maladie d'Alzheimer. Les médicaments prescrits aux personnes atteintes par la maladie de Parkinson peuvent également être prescrits aux malades de la démence à corps de Lewy pour améliorer la marche.
Catherine Laborde a permis de lever le voile sur cette maladie peu connue et souvent mal diagnostiquée. En 2020, elle évoquait sa maladie devant les caméras de Sept à Huit : "J'ai des pertes de mémoire sans arrêt. Là, je viens de vous parler et je ne me souviens plus ce que j'avais dit une demi-heure plus tôt. On ne sait plus où on est, qui on est", confiait-elle.