Définition : Qu’est-ce que l’algodystrophie ?

L’algodystrophie est aussi appelée "algoneurodystrophie", "dystrophie sympathique réflexe" ou "syndrome régional douloureux complexe" (SRDC). Elle est un état douloureux chronique qui affecte les articulations et les os (ainsi que leur environnement) de certains membres comme les bras, les jambes et/ou leurs extrémités (mains, pieds).

La maladie se manifeste par des troubles vasomoteurs (rougeurs, pâleurs, sueurs…) et trophiques (anomalies de la peau et des phanères).

Cette affection serait liée à des dysfonctionnements du système nerveux. Ces derniers sont spontanés ou consécutifs d’un traumatisme physique ou psychique.

Les traitements de l’algodystrophie consistent en la prise en charge de la douleur et de la perte de mobilité. Cette pathologie mystérieuse décrite par certains comme une "bizarrerie médicale" guérit presque toujours et souvent sans séquelle.

Photo : une algodystrophie des mains 

Définition : Qu’est-ce que l’algodystrophie ?© Creative Commons

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Chiffres : Quelle est la fréquence de l’algodystrophie ?

Il existe peu de chiffres sur l’algodystrophie. Elle est considérée comme une maladie rare, touchant moins d’une personne sur 2000. Elle concernerait davantage les adultes après 40 ans. Les femmes seraient plus affectées que les hommes.

Quels sont les symptômes de l’algodystrophie ?

Les symptômes débutent spontanément ou quelques jours/semaines après un traumatisme physique ou psychologique. Ils sont très variables d’une personne à l’autre. "Toutefois nous observons le plus souvent une évolution en 3 phases", indique notre spécialiste :

La première phase dite "chaude" 

"Elle correspond à une inflammation". Elle se traduit par :

  • une douleur intense des bras, des jambes, des mains et/ou des pieds. À noter que les membres inférieurs sont les plus souvent atteints. Lorsque l’épaule et la main sont affectés, nous parlons de "syndrome épaule-main". Elles s’apparentent à des brûlures, des décharges électriques ou encore à des sensations de piqûres d’aiguilles ;
  • un gonflement (œdème) des membres concernés : ces derniers semblent "boudinés" ;
  • des rougeurs cutanées ;
  • une chaleur locale ;
  • une transpiration excessive au niveau des régions touchées (notamment sur la paume des mains et la plante des pieds) ;
  • une sensibilité exacerbée aux stimuli (hyperesthésie) : le moindre effleurement provoque une douleur intense ;
  • un changement de l’apparence de la peau au niveau de la zone affectée : elle devient plus mince, sèche et flétrie ;
  • une dépilation locale ;
  • une perte fonctionnelle du membre et/ou de la mobilité du patient (en cas d’atteinte des membres inférieurs).

La seconde phase dite "froide"

Elle est surtout marquée par l’apparition :

  • d’une baisse de la température : les membres touchés deviennent soudain froids ;
  • d’une raideur articulaire ;
  • d’une faiblesse musculaire ;
  • une atrophie musculaire sur le/les membre(s) touché(s) (amyotrophie) ;
  • d’une éventuelle aggravation de la perte fonctionnelle du membre et/ou de la mobilité.

À noter que certains symptômes de la phase chaude peuvent perdurer en phase froide, notamment dans le cas des douleurs. En outre, la chronologie des signes cliniques varie en fonction des patients. Les deux premières phases peuvent s’alterner plusieurs fois de suite avant de voir apparaître la dernière phase.

La troisième et dernière phase dite "phase de récupération"

Elle précède la guérison et se caractérise par un retour progressif à la normale, bien que le patient reste fatigué.

Quelles sont les causes de l’algodystrophie ? 

"Il n’y a à ce jour aucune certitude physiopathologique à la survenue de l’algodystrophie", affirme le Docteur Maillet. Toutefois, l’hypothèse la plus probable est celle d’un dysfonctionnement du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) et périphérique.

Comment expliquer le dysfonctionnement du système nerveux ?

Ce dysfonctionnement revêt plusieurs explications, nous amenant à distinguer :

  • L’algodystrophie de type I : cette forme est la plus fréquente. Dans ce cas, aucune lésion nerveuse n’est retrouvée. Plusieurs pistes tentent d’expliquer ce dysfonctionnement : dérèglement du système nerveux sympathique, facteurs génétiques, terrain dépressif…
  • L’algodystrophie de type II : elle est plus rare. Elle s’explique par la présence de lésions des fibres nerveuses sur la/les région(s) touchée(s). "Le plus souvent, elle intervient après un traumatisme physique (lié à un accident ou à une chirurgie) ou un accident vasculaire cérébral (AVC)", ajoute le praticien.

Pourquoi ces douleurs intenses ?

Le dysfonctionnement du système nerveux serait à l’origine des douleurs symptomatiques de la maladie. En effet, cette anomalie produirait un message nerveux décuplé de sorte que de faibles stimuli soient ressentis intensément. 

Quels sont les facteurs de risques d’algodystrophie ?

Les facteurs de risque de l’algodystrophie sont :

  • un traumatisme physique : il représente 50% des algodystrophies. La sévérité du traumatisme est indifférente. Le traumatisme peut même passer inaperçu. Le délai entre le traumatisme et l’algodystrophie est variable : de quelques jours à quelques semaines. Il peut être lié à une fracture, une entorse, une chirurgie, une rééducation active douloureuse (qui entraîne ou aggrave parfois une première algodystrophie), un traumatisme crânien...
  • un traumatisme psychique: deuil, séparation... ;
  • une fragilité psychologique (dépression, trouble anxieux…) ;
  • une atteinte neurologique liée à une hémiplégie, une hémorragie méningée, un accident vasculaire cérébral (AVC), une tumeur cérébrale,  une atteinte du système nerveux périphérique (sciatique, névralgie, zona)… ;
  • une atteinte viscérale occasionnée par un infarctus du myocarde, une chirurgie thoracique, une tumeur intra thoracique, un cancer du sein… ;
  • une pathologie métabolique ou un dérèglement hormonal : hyperthyroïdie, un diabète, une hypertriglycéridémie ;
  • la prise de certains médicaments : "les médicaments susceptibles de déclencher une algodystrophie sont le gardénal, les traitements antituberculeux et l’iode radioactif ", explique l’expert. Le "rhumatisme gardénalique" engendre un syndrome épaule-main ou une atteinte des membres inférieurs. Les traitements antituberculeux (tels que l’isoniazide) sont susceptibles de déclencher la maladie au niveau des membres supérieurs ;
  • une grossesse : elle prédispose à une algodystrophie de hanche lors du dernier trimestre de la grossesse. Elle reste cependant très rare.

Quelles sont les personnes à risque d’algodystrophie ?

L’algodystrophie peut concerner tout individu à n’importe quel moment de la vie et parfois sans cause apparente. Toutefois, elle touche plus les femmes que les hommes. Elle survient le plus souvent aux alentours de la quarantaine. Les individus à risque sont :

  • les personnes victimes d’un traumatisme physique (fracture, entorse, accident chirurgical…) ou psychique (deuil, séparation…) ;
  • les personnes ayant eu des pathologies entraînant des séquelles neurologiques ou viscérales : hémiplégie, hémorragie méningée, accident vasculaire (AVC), tumeur cérébrale, sciatique, névralgie, zona, un cancer du sein, une tumeur intrathoracique, un infarctus du myocarde… ;
  • les personnes prenant les médicaments suivants : gardennal, médicaments antituberculeux (isoniazide), l’iode radioactif ;
  • les personnes ayant une fragilité psychologique ;
  • les personnes ayant une pathologie métabolique ou un dérèglement hormonal (diabétiques, hypertriglycéridémie, hyperthyroïdiennes …) ;
  • les femmes enceintes (algodystrophie de hanche).

Quelle est la durée de l’algodystrophie ?

L’algodystrophie est une maladie chronique au sens où elle dure et évolue sur une longue période. Selon le rhumatologue : "Il n’y a pas de règle précise quant à la durée de la maladie, cependant on peut espérer une guérison en 18-24 mois après son déclenchement".

L’algodystrophie est-elle contagieuse ?

L’algodystrophie n’est pas une maladie contagieuse.

Algodystrophie : qui, quand consulter ?

En cas de douleur, il est nécessaire de consulter son médecin traitant. Après un examen clinique, ce dernier pourra prescrire un bilan complet afin d’écarter tout autre diagnostic. En cas d’algodystrophie, il vous orientera vers un centre antidouleur (il y a plus de 230 centres antidouleur en France). Le rhumatologue est aussi compétent pour soigner l’algodystrophie. La consultation d’un kinésithérapeute peut optimiser le traitement.

Quelles sont les complications de l’algodystrophie ?

Bien que les symptômes cessent une fois la maladie guérie, nous observons rarement une persistance de :

  • la dépilation: les poils ne repoussent plus sur la zone affectée ;
  • la baisse de la température : les membres restent froids ;
  • la douleur qui peut réapparaître de façon chronique ;
  • la fragilité des ongles (qui restent cassants) ;
  • la difficulté de mouvements ;
  • la raideur articulaire (rétractation musculo-tendineuse) parfois définitive au niveau du membre touché.

Les complications et séquelles possibles de l’algodystrophie sont :

  • une déminéralisation osseuse visible par imagerie médicale ;
  • une dépression : "le handicap fonctionnel peut avoir un retentissement considérable sur le moral du patient", prévient l’expert.

Algodystrophie : quels sont les examens et analyses à faire ?

En cas de symptômes, le médecin prescrira des examens biologiques. L’algodystrophie ne présente pas d’anomalie de la vitesse de sédimentation (VS) ni d’inflammation (CRP). En outre, les marqueurs du remodelage osseux et la ponction articulaire sont tout aussi normaux.

Des examens d’imagerie (radio, IRM, TDM) pourront quant à eux mettre en évidence une raréfaction de la trame osseuse.

Quels sont les traitements de l’algodystrophie ?

"Il n’y a à ce jour aucun traitement médicamenteux spécifique ayant fait preuve d’efficacité dans l’algodystrophie", explique le spécialiste. Les objectifs sont de calmer les douleurs et de restituer les fonctions motrices du patient.

La mise au repos du membre touché

Si les jambes sont touchées, l’idéal est de supprimer l’appui en se déplaçant à l’aide de béquilles afin de ne jamais poser le pied-à-terre. Le membre concerné doit être le moins mobilisé possible.

Le traitement de la douleur

En première intention, la prescription d’antalgiques (de classement I et II de l’OMS) et de calcitonine est de circonstance.

Toutefois, si les symptômes résistent à ces traitements, il existe toute une série de traitements de seconde intention dont l’efficacité reste incertaine : bêtabloquants, alpha bloquants, vasodilatateurs, AINS locaux et généraux, corticoïdes…

Aussi, "en cas d’épanchement articulaire, ou de raideur importante, une infiltration de corticoïdes intra articulaire associée à une injection de sérum physiologique sous pression pourra être proposée", ajoute le praticien.

La perfusion de kétamine (anesthésiant locale) ou de bisphonates peut aussi être prescrite pour traiter la douleur intense. Toutefois, l’efficacité de ces traitements n’est pas validée : "les perfusions de bisphonates proposées par certains n’ont pas démontré de preuve solide d’efficacité que ce soit en matière de réduction des douleurs ou de raccourcissement de durée de la maladie".

La prise en charge en kinésithérapie

Selon le thérapeute : "la pierre angulaire du traitement de l’algodystrophie est la prise en charge kinésithérapeutique. Celle-ci évoluera en fonction des stades de la maladie". Elle consiste principalement en des méthodes de rééducation.

Les traitements naturels

Parmi les traitements naturels de l’algodystrophie, nous retrouvons notamment la cryothérapie et les bains écossais.

  •  La cryothérapie est une thérapie par le froid qui consiste à utiliser l’action du froid pour soulager des douleurs post-traumatiques. La cryothérapie peut relever des procédés très simples (la pose d’une poche de glace) aux plus complexes (chambre froide ou appareil de cryothérapie). Cette méthode a des effets antalgiques, anti-inflammatoires et vaso-moteurs.
  •  Les bains écossais sont une alternance de bains chauds et froids généralement utilisée sur les extrémités des membres. Plus précisément, ils consistent à plonger les mains ou les pieds alternativement dans l'eau chaude (environ 42°C) puis dans de l'eau froide (8°C) selon un ratio de 3/1 en terminant par le froid pendant 20 à 30 minutes. Ces séances ont des effets antalgiques.
  •  L’hypnose dans le contexte de la douleur chronique, peut être utile pour diminuer l’intensité de la douleur et gérer les émotions/pensées qui l’accompagnent, afin d’aider le patient à retrouver une qualité de vie acceptable. "les outils hypnotiques utilisés pour moduler une douleur sont multiples, tels la distraction, l’imagerie mentale, l’apprentissage de la gestion des émotions, en particulier de l’anxiété et du stress, et de techniques permettant au patient de ne plus rester dans une pensée binaire du tout douloureux ou absence totale de douleur", explique le Docteur Michèle Grünwald, hypnothérapeute, dans la Revue médicale suisse.

Comment prévenir l’algodystrophie ?

Il n’est pas possible de prévoir la survenue d’une algodystrophie. En outre, il n’existe pas de réelle prévention de la maladie. Toutefois, pour limiter l’algodystrophie post chirurgicale, il peut être recommandé d’avoir un apport suffisant en vitamine C (1) et d’éviter toute compression nerveuse avant ou après une algodystrophie (par le port d’un plâtre trop serré par exemple). En outre, le praticien explique que "la chirurgie micro-invasive et les gestes réalisés sous contrôle échographique pourraient permettre de diminuer l’incidence globale".

Faut-il rechercher la cause de l’algodystrophie ?

Le conseil du Dr Jéremy Maillet : "Il est essentiel de toujours rechercher le facteur déclenchant de la maladie. Ce dernier devra conduire à une prise en charge spécifique en dehors de ces soins. Par exemple, il conviendra de traiter une fissuration osseuse. En outre, en cas de dépression ou de traumatisme psychique, une psychothérapie avec ou non un traitement antidépresseur peuvent-être opportuns".

Algodystrophie : Sites d’informations et associations

Association SDRC Algodystrophie

Association des maladies rares

Reflex Sympathetic Dystrophy Syndrome Association

Sources

Entretien avec le Docteur Jérémy Maillet, rhumatologue.

(1) « Effet de la vitamine C sur la fréquence de la dystrophie sympathique réflexe dans les fractures du poignet : un essai randomisé », Zollinger PE and al., ncbi, pubmed, 1999 et « La vitamine C peut-elle prévenir le syndrome douloureux régional complexe chez les patients souffrant de fractures du poignet ?  Une étude dose-réponse randomisée, contrôlée et multicentrique », Zollinger PEand al., 2007. 

L’algodystrophie, une maladie rare, Orphanet  

Algodystrophie, institut de la main

L’algodystrophie du sportif, Dr Patrick Bacquaert

« Algoneurodystrophie », Collège Français des enseignants en rhumatologie

L’algodystrophie en 2010, C. Palazzo and al.

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