Vaccination contre le papillomavirus : la France reste à la traîneAdobe Stock
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2800. C’est le nombre de cancers du col de l’utérus diagnostiqués chaque année en France. On compte par ailleurs 1100 décès dus à cette pathologie tous les ans. “Le cancer du col de l'utérus est attribuable dans la grande majorité des cas à une infection persistante par un papillomavirus humain (HPV) à haut-risque, infection très fréquente, transmissible par contact sexuel”, indique Santé publique France.

HPV : chez les hommes comme chez les femmes

Les HPV, justement, sont des virus très fréquents qui touchent aussi bien les hommes que les femmes. L’infection à papillomavirus est la première infection sexuellement transmissible virale et le cancer du col de l’utérus est, de loin, la maladie la plus courante liée au HPV. En France, ce n’est que depuis 2019 que les recommandations vaccinales sont élargies aux garçons de 11 à 14 ans. Pourtant, chez les hommes, le papillomavirus peut être à l’origine de cancers du pénis et de l’anus.

En 2017, la couverture vaccinale de la France était la plus basse d’Europe, avec à peine 13,7% pour trois doses. En 2020, la France n’était qu’en 27ème position parmi les pays européens et ne parvenait qu’à 28% de couverture, en grande majorité chez les filles. “L’année suivante, après l’extension des recommandations aux garçons, la couverture vaccinale française s’élevait à 41%, un niveau très éloigné des objectifs fixés par la Stratégie nationale de santé sexuelle et le Plan cancer : 60% chez les adolescentes âgées de 11 à 19 ans en 2023 et 80% à horizon 2030”, note l’Académie de médecine.

La généralisation de la vaccination, garçons compris, porterait pourtant ses fruits, d’après les résultats des autorités de santé australiennes. Comme l’explique France Diplomatie : “Initiées par le gouvernement fédéral en 2007 auprès des jeunes filles de 12-13 ans, des vaccinations gratuites ont été disponibles pour les garçons également à partir de 2013, et deux doses gratuites de vaccins sont offertes aux jeunes de moins de 19 ans.”

Résultats : “En Australie, entre 2005 et 2015, le pourcentage de femmes atteintes du papillomavirus est tombé de 22,7% à 1,1% et le taux d’immunisations a accéléré depuis 2015.” D’où un effet de protection de masse. “Une modélisation permet d’envisager, grâce à l’efficacité du vaccin nonavalent, la disparition quasi complète du cancer du col de l’utérus à l’horizon 2034”, ajoute l'Institut national du cancer (Inca).

Une médiatisation des effets secondaires

Pourquoi ça coince en France ? Plusieurs raisons sont avancées par les spécialistes :

  • un manque d’informations des parents
  • de la désinformation qui entraîne de la défiance
  • des interrogations sur l’efficacité de la vaccination
  • un vision genrée du vaccin contre le papillomavirus

“La vaccination des jeunes filles contre le papillomavirus humain (HPV) représente, pour de nombreux parents, un vaccin peu utile car lié à une infection sexuellement transmissible lointaine”, constate l’Inserm. “Les parents s’estiment être mal informés. La médiatisation d’effets secondaires graves attribués à cette vaccination, l’hésitation des médecins et le prix du vaccin sont de véritables obstacles à cette vaccination”, ajoute la médecin généraliste Alice Huchet dans son mémoire “Motifs de refus de la vaccination anti-papillomavirus : étude qualitative réalisée auprès des parents de jeunes filles entre 11 et 19 ans en Haute-Normandie”.

“Pas de sur-risque de survenue d’un syndrome de Guillain-Barré”

Il est vrai que ce vaccin, comme tout traitement, n’est pas dénué d’effets indésirables. D’après l’ANSM, les effets secondaires les plus courants sont des rougeurs ou des inflammations à l’endroit de la piqûre et des maux de tête. Peuvent également être constatés des vertiges, des problèmes gastro-intestinaux, de la fatigue et de la fièvre. Tous ces symptômes sont de courte durée. Cependant, la réelle crainte de certains parents réside dans le risque, minime, de contracter un syndrome de Guillain-Barré, une maladie auto-immune rare.

L’ANSM évoque une hausse “probable” du syndrome de Guillain-Barré liée au vaccin contre le HPV “de l'ordre de 1 à 2 cas supplémentaires pour 100 000 jeunes filles vaccinées”. L’agence rassure toutefois : “Bien que quelques syndromes de Guillain-Barré (faiblesses musculaires) aient été rapportés avec les vaccins Gardasil 9 et Cervarix, une série d’études qui a analysé des données sur près de 20 ans a montré qu’il n’y avait pas de sur-risque de survenue d’un syndrome de Guillain-Barré après la vaccination avec les vaccins contre les infections à HPV.”

HPV : une vaccination limitée aux filles ?

Autre frein à la vaccination contre le papillomavirus : les interrogations de certains professionnels de santé sur son efficacité. En 2019, une quinzaine de médecins français ont alerté sur le peu de données disponibles sur l’efficacité du vaccin anti-HPV pour prévenir les lésions précancéreuses. Ceux-ci affirmaient avoir besoin de plus d’informations sur le sujet avant de conseiller la vaccination à tous leurs patients.

Dernier obstacle à la généralisation de la vaccination contre le papillomavirus : le fait que dans l’inconscient collectif, seules les filles en aient besoin. L’Académie de médecine déplore “une stratégie décennale de lutte contre le cancer (2021-2030) surtout orientée vers la prévention des cancers du col utérin, donc limitée aux filles”. Le tableau n’est cependant pas tout à fait négatif, comme le relève l’Inserm : “La recommandation récente de vacciner aussi les garçons a réorienté ce débat vers une question plus éthique : le partage du fardeau de l’infection ainsi qu’une protection étendue aux hommes contre les autres cancers HPV.” Prochaine étape, donc : une vraie sensibilisation des garçons (et de leurs parents).

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