Drogue et grossesse : plus de tests de dépistage pour les femmes noires alors qu’elles consomment moinsAdobe Stock
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Des biais racistes jusqu’à l’hôpital, plus précisément dans les services d'obstétrique. C’est l’explication d’une équipe de chercheurs américains, qui viennent de révéler que dans l’État de Pennsylvanie, les femmes noires enceintes sont soumises plus fréquemment à tests de dépistage de consommation de drogue que les femmes blanches. Alors même que, dans les faits, ce sont les femmes blanches qui en consomment le plus. Leur étude a été publiée dans la revue JAMA Health Forum le 14 avril 2023.

"En tant que médecin, on ne pense pas forcément à ses biais"

Les chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de près de 38 000 patientes ayant accouché dans un établissement de santé en Pennsylvanie entre mars 2018 et juin 2021. Les auteurs de l’étude sont formels : il est essentiel que les personnels hospitaliers repensent leur pratique des tests de dépistage de consommation de drogue sur les femmes enceintes. “En tant que médecin, on ne pense pas forcément à ses biais, mais lorsque l’on se penche sur ce type de données, il est clair qu’il n’y a pas d’autre explication [que les biais racistes à ces différences de traitement]”, a réagi Marian Jarlenski, l’autrice principale de l’étude, professeure de politiques de santé à l’Université de Pittsburgh.

Aux États-Unis, les tests urinaires de dépistage anti-drogue pour les femmes enceintes sont exécutés en conformité avec la réglementation fédérale et étatique. Chaque patiente qui entre dans un service d’obstétrique doit indiquer si elle a consommé de la drogue en répondant à un questionnaire spécialisé. Si la patiente affirme avoir consommé de la drogue - mais aussi si elle en a consommé dans l’année - si elle a fait peu de visites médicales pendant sa grossesse et si le nourrisson a des problèmes à la naissance sans explications médicales claires, alors elle doit subir un test.

Dépistage anti-drogue : les femmes noires plus testées mais moins concernées

Les scientifiques ont calculé la probabilité que les femmes enceintes soient soumises à des tests urinaires de dépistage anti-drogue. Bien que davantage de femmes noires aient indiqué avoir consommé de la drogue l’année précédente - surtout du cannabis - cette différence n’explique pas complètement les résultats des chercheurs. En effet, les patientes noires étaient bien plus susceptibles de devoir faire des analyses d’urine que les femme blanches, qu’elles aient indiqué avoir consommé de la drogue ou non.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : parmi celles qui indiquaient avoir consommé de la drogue l’an passé, la probabilité d’être testée était de 76% pour les femmes noires et de 68% pour les femmes blanches. Pourtant, ces femmes blanches obtenaient plus souvent un résultat positif au test de dépistage : 66,7% contre 58% pour les femmes noires. De plus, parmi toutes les femmes testées, seules 40% des femmes noires avaient des résultats positifs, contre 51% des femmes blanches.

“Une illustration claire des disparités dans l’accès aux soins”

Ces résultats sont “une illustration claire des disparités dans l’accès aux soins”, d’après la professeure de gynécologie et d’obstétrique à l’Université de Caroline du Nord Alison Stuebe, qui s’exprime dans les colonnes du New York Times. Elle conclut : “Cette étude n’est qu’un exemple de la façon dont le comportement des prestataires entraîne une défiance des femmes noires dans le système de santé.”

Cette étude vient de nouveau mettre en évidence les différences de traitement entre les patients en fonction de leur origine et/ou de leur couleur de peau, après les controverses autour du racisme envers les patients atteints de Covid-19. Aux États-Unis, plusieurs études ont en effet prouvé que les personnes noires en meurent davantage. Enfin, la recherche a montré que les femmes natives américaines et noires sont plus nombreuses à décéder pendant ou après l’accouchement.

Sources

“Association of Race With Urine Toxicology Testing Among Pregnant Patients During Labor and Delivery”, une étude publiée le 14 avril 2023 dans la revue JAMA Health Forum.

https://jamanetwork.com/journals/jama-health-forum/fullarticle/2803729?utm_source=For_The_Media&utm_medium=referral&utm_campaign=ftm_links&utm_term=041423 

“Black Pregnant Women Are Tested More Frequently for Drug Use, Study Suggests”, un article du New York Times.

https://www.nytimes.com/2023/04/14/health/black-mothers-pregnancy-drug-testing.html?smtyp=cur&smid=tw-nytimes

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