Qu’est-ce que le chikungunya ?

Le chikungunya est une infection virale transmise par la piqûre d’un moustique femelle du genre Aedes, facilement identifiable grâce à la présence de rayures noires et blanches sur les pattes . Le virus du chikungunya est un arbovirus (un type de virus ayant pour vecteur les arthropodes hématophages : moustiques, tiques et phlébotomes) qui a été à l'origine de plusieurs épidémies ces dernières années  : les îles de l'océan Indien, en particulier l'île de la Réunion avec plusieurs centaines de milliers de cas déclarés en 2006, les Antilles et la Polynésie début 2015 ainsi que quelques cas en France récemment.

Reconstitution du virus Chikungunya par cryo-microscopie électronique :

 Qu’est-ce que le chikungunya ?© Creative Commons

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Comment se transmet le virus du chikungunya ?

Il existe plusieurs modes de transmission du chikungunya :

  • La transmission vectorielle

Le virus est très majoritairement transmis par des moustiques vecteurs qui sont essentiellement Aedes albopictus (aussi appelé moustique tigre) et Aedes aegypti

Le virus du chikungunya a été isolé pour la première fois en Tanzanie en 1952. 

Cette infection sévit majoritairement en zone tropicale et intertropicale où les deux vecteurs sont présents. Aedes albopictus se retrouve également en zone tempérée, notamment en Europe, y compris en France métropolitaine. Sur le territoire français, Aedes aegypti est présent aux Antilles, en Guyane et à Mayotte et Aedes albopictus sur l’île de la Réunion et dans plusieurs départements métropolitains.

Photo illustrant un moustique (Aedes aegypti) responsable de la propagation du chikungunya, piquant un individu :

Comment se transmet le virus du chikungunya ?© Creative Commons

© CC - James Gathany - PHIL, CDC - Licence : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aedes_aegypti_CDC-Gathany.jpg

  • La transmission par les produits d’origine humaine 

Le virus peut, de manière exceptionnelle, être transmis par voie de transfusion sanguine ou par une greffe d’organes ou de cellules

  • Les autres modes de transmission

La littérature médicale rapporte quelques cas de transmission materno-foetale au cours du deuxième trimestre de grossesse et périnatale.

Le virus en chiffres

Le virus du chikungunya déclenche des flambées épidémiques régulières, principalement en milieu rural. Originaire d’Afrique de l’Est, il s’est d’abord étendu à l’Océan Indien, l’Inde et l’Asie. En 2005-2006 une épidémie majeure a sévi dans l’Océan Indien sur les îles de la Réunion (38,2 % de la population infectée), Maurice, Seychelles ou encore Mayotte, touchant ainsi plus de 300 000 personnes.

En 2007, une autre grosse épidémie a eu lieu en Inde et un cas importé a provoqué une flambée en Italie avec environ 200 personnes infectées en raison de la présence du moustique Aedes albopictus

Depuis, le virus a encore gagné du terrain et rejoint les caraïbes en 2013, déclenchant une épidémie dans les départements français d’Amérique (30 à 40 % de la population touchée), ainsi que l’apparition inédite de cas dans différents pays d’Amérique latine jusque-là, indemnes.

Quels sont ses symptômes du chikungunya ?

L’infection est asymptomatique dans 5 à 40 % des cas selon la littérature médicale, un pourcentage variable selon les épidémies. Pour les autres cas de personnes infectées par le chikungunya et présentant des symptômes, une fièvre élevée apparaît brutalement après une période d’incubation de 1 à 12 jours après la piqûre (2 à 3 jours en moyenne). Cet état fébrile est associé à des douleurs articulaires souvent sévères qui peuvent toucher toutes les articulations et plus particulièrement les extrémités comme les poignets, les chevilles ou encore les phalanges. Cet état s’accompagne souvent de :

  • Céphalées intenses.
  • D ouleurs musculaires sévères.
  • Éruption cutanée sur le tronc et les membres.
  • Nausées.
  • Saignements au niveau des gencives ou du nez dans de plus rares cas.
  • Adénopathie (ganglions enflés).

Habituellement, l’évolution est rapidement favorable, avec disparition de la fièvre en 2 à 7 jours et des signes cutanés en 2 à 3 jours. Les douleurs articulaires peuvent quant à elles perdurer quelques semaines.

Quelles sont ses causes de la maladie ?

Les moustiques Aedes se développent majoritairement en zone urbaine et se déplacent peu au cours de leur vie. Les femelles pondent leurs œufs dans des gîtes où la présence d’eau stagnante est nécessaire au développement larvaire : vases, soucoupes, pneus usagés, gouttières mal vidées, mais aussi creux d’arbres, certaines plantes susceptibles de former une rétention d’eau (bambous, etc.).

Les piqûres d’Aedes interviennent essentiellement pendant la journée, avec un pic d’agressivité au lever du jour et au crépuscule. Lors d’une piqûre d’une personne infectée en phase virémique, le moustique prélève le virus dans le sang de cette personne. Le virus se multiplie ensuite dans le moustique pendant une durée de 10 jours environ, appelée phase extrinsèque. À l’issue de cette phase extrinsèque, ce moustique peut, à l’occasion d’une autre piqûre, transmettre le virus et infecter une nouvelle personne. Pour le chikungunya, la phase virémique commence 1 à 2 jours environ avant le début des signes cliniques et dure jusqu’à 7 jours  après. 

Quels sont les pays à risque de chikungunya ?  

Les régions concernées par la maladie ne cessent de s’étendre du fait de la diffusion des moustiques vecteurs, favorisée notamment par l’importance des échanges internationaux et par leurs capacités d’adaptation remarquables. Il s’agit en effet d’une espèce très tenace qui développe des résistances aux insecticides chimiques. Logés dans une coque imperméable, les œufs résistent à la sécheresse et aux basses températures.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la maladie se manifeste en Afrique, en Asie et dans le sous-continent indien. Une flambée majeure a cependant sévi en 2015 dans plusieurs pays de la Région des Amériques.

  • Quel risque en France métropolitaine ?

Chaque année, l’Institut de veille sanitaire recense en France plusieurs dizaines de cas de chikungunya importés (près de 450 en 2014), c’est-à-dire survenant chez des personnes qui reviennent infectées d’un séjour à l’étranger.

Mais, des cas dits « autochtones » peuvent également survenir quand un moustique Aedes albopictus, présent en France, pique une personne infectée et transmet la maladie à un individu qui n’a pas quitté le territoire. Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été décrits en France en septembre 2010, dans la commune de Fréjus. En 2014, au moins onze cas ont été recensés. Et ce nombre va obligatoirement augmenter dans les années à venir, compte tenu de l’expansion géographique du virus dans le monde et de celle du moustique vecteur dans l’hexagone. Il est ici à noter que le risque de transmission autochtone est limité à la période d’activité du vecteur, entre début mai et fin novembre.

Quels sont les risques en cas d’infection au cours de la grossesse ?

Dans le cas d'une femme enceinte qui est infectée par le virus, la contamination du bébé se produit directement au cours de l'accouchement dans un cas sur deux. Elle entraine des pathologies cardiaques ou neurologiques graves chez la moitié des nourrissons. Des décès ont même été constatés au cours de l’épidémie survenue à la Réunion en 2006. C’est pourquoi il est recommandé aux femmes enceintes qui se rendraient dans des régions touchées par le chikungunya, de se protéger par tous les moyens disponibles contre les piqûres de moustiques et tout particulièrement au cours du dernier trimestre de la grossesse.

Le chikungunya présente-t-il plus de risques de complications chez l’enfant ?

Réponse du Docteur Guillaume Beraud, Infectiologue :

« Chez les nouveaux-nés infectés in utero, il y a effectivement un risque de formes neurologiques graves. Chez les enfants plus agés, il y a moins d’atteintes articulaires, mais surtout un risque de complications neurologiques (notamment d’encéphalite grave), hépatiques ou cardiaques. La présentation atypique risque de retarder le diagnostic ce qui en fait toute la gravité".

Quels sont les facteurs de risque ?

Les moustiques Aedes présentent un pic d’agressivité à la levée et à la tombée du jour notamment. De plus, les eaux stagnantes qui permettent la reproduction du moustique constituent également un facteur de risque important. La lutte anti-vectorielle est le seul moyen de lutter collectivement contre la transmission du virus, que ce soit en amont ou dans le cadre d’une épidémie. Cela passe notamment par l ’éviction des eaux stagnantes (changer l’eau des fleurs, vider l’eau de pluie dans les pneus abandonnés…)

Quelles sont les personnes à risque de contracter le virus ?

Le chikungunya touche indifféremment tout individu, et ce quel sur soit son âge ou son sexe.

Quelle est la durée de la maladie ?

La maladie se manifeste généralement entre 4 et 8 jours après la piqure par un moustique infecté, mais la fourchette peut aller de 2 à 14 jours.

Le chikungunya est-il contagieux ?

L’infection n’est pas transmissible d’homme à homme. Toutefois, il est recommandé au patient et à son entourage d’appliquer les mesures de protection des moustiques afin de prévenir une transmission au domicile. En effet, pendant la phase virémique les moustiques peuvent s’infecter en piquant le patient. On entend par période virémique, toute la période durant laquelle le virus est encore présent dans le sang. La personne infectée n'est donc pas directement contagieuse pour un autre être humain, par contre elle peut contaminer d’autres moustiques du genre Aedes si elle est à nouveau piquée dans une période allant de 1 à 2 jours avant le début des symptômes et jusqu’à 7 jours après.

Qui, quand consulter en cas de symptômes ?

Dès l’apparition des symptômes, il est recommandé de consulter son médecin traitant sans attendre pour qu’un bilan sanguin soit effectué. Les patients installés dans les pays à risque ou de retour de ces destinations doivent être particulièrement vigilants.

Quelles sont les complications possibles ?

Des complications peuvent survenir notamment chez les plus jeunes et chez certains patients qui souffrent de pathologies chroniques cardiaques, rénales ou respiratoires. La forte fièvre et les douleurs associées au chikungunya présentent en effet un risque d’aggravation de ces pathologies. On parle alors de décompensation.

De ce fait, les complications liées au chikungunya sont plus fréquentes chez les personnes âgées, tout particulièrement chez les sujets de plus de 75 ans.

Des cas rares d’encéphalites ont également été observés chez des jeunes enfants, ainsi que des cas de myocardites ou d’hépatites directement provoqués par le virus.

Le principal problème est que le virus du chikungunya peut parfois évoluer vers une phase chronique, marquée par des douleurs articulaires persistant au-delà du troisième mois révolu après le début des symptômes. On ne connaît toujours pas aujourd’hui les raisons de la persistance de ces symptômes.

Pourrait-il s’agir de séquelles liées aux dégâts causés par le virus ou de la persistance de substances virales qui inflammeraient les articulations ?

Réponse du Docteur Guillaume Beraud, Infectiologue :

« Il s’agit d’un dysfonctionnement du système immunitaire induit par le virus. C’est donc une forme de rhumatisme séquellaire de l’infection virale, il n’y a donc plus de virus, mais une maladie rhumatismale qui évolue pour son propre compte. »

Quels sont les examens et analyses ?

En cas de suspicion clinique, et en dehors d’un contexte épidémique, le diagnostic doit être confirmé par des analyses biologiques recherchant la présence du virus ou de son génome, ou celle d’anticorps spécifiques.

Le prélèvement veineux se fait le plus souvent au pli du coude pour réaliser ce sérodiagnostic. Il n'y pas de conditions spéciales pour ce prélèvement, en dehors du fait de le réaliser cinq à sept jours après le début des symptômes. Un test précoce peut être réalisé dans les premiers jours (test RT-RCP) jusqu’au 5 jour, après seule la sérologie est utile. Les prélèvements doivent être conservés dans un réfrigérateur pendant, au plus, 24 heures.

Si le test revient négatif : il faut poursuivre la recherche d'un autre diagnostic et, le cas échéant, renouveler ce test devant la persistance des symptômes.

Si le test revient positif : le diagnostic de Chikungunya est confirmé et des mesures thérapeutiques et de surveillance du patient devront être prises. Le diagnostic sérologique repose sur la présence d'IgM en moyenne à partir du 5ᵉ jour après l’apparition des signes cliniques et celles d'IgG qui se positivent entre le 7ᵉ et le 10ᵉ jour et atteignent un maximum vers J15.

Traitements : comment soigner le chikungunya ?

A ce jour, il n'existe pas de traitement antiviral spécifique du chikungunya. Les traitements sont dits "symptomatiques" car ils combattent les symptômes et non pas le virus directement. La prise en charge médicale du chikungunya repose donc sur un antipyrétique/antalgique (paracétamol) au cours des premiers jours de fièvre, puis sur des anti-inflammatoires pour lutter contre les inflammations articulaires, mais en prenant compte des contre-indications et des risques de ces médicaments.

Exceptionnellement, une corticothérapie peut s’avérer nécessaire pour traiter les formes sévères, mais elle est déconseillée à la phase aiguë de la maladie.

Un candidat vaccin prometteur

Le vaccin de Valneva, le laboratoire franco-autrichien est actuellement en phase III de tests.

Testé sur 4 115 adultes aux États-Unis, le vaccin a généré “des titres d’anticorps neutralisants chez 98,5 % des participants 28 jours après une seule injection du candidat vaccin”, explique le laboratoire. C’est donc bien au-delà du seuil de 70 % convenu avec le régulateur américain, la FDA, “pouvant être utilisé dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché”.

Les résultats finaux devraient arriver d’ici le début de l’année 2022.

Prévention : peut-on l'éviter ?

Il n’existe actuellement pas de traitement préventif contre l’infection par le virus du chikungunya. Pour se protéger du moustique responsable du chikungunya, il faut notamment :

  • Éviter les dépôts d'eaux stagnantes (eaux usées des canalisations, des gouttières bouchées, des pneus usagés, des arrosoirs, des brouettes, jeux d'enfants, bâches, poubelles ouvertes, coupelles sous les pots de fleurs, etc.) et renouveler une fois par semaine l'eau des vases et des coupelles sous les pots de fleurs. La plus petite retenue d'eau suffit aux moustiques tigres pour établir ses gîtes larvaires.
  • Utiliser des "larvicides" dès le printemps dans les récipients d'eau que vous ne pouvez pas vider (cuves de récupération de pluie...).
  • Utiliser des répulsifs fabriqués à partir de pyrèthres ou pyréthrinoïdes.
  • Utiliser des machines-pièges qui répliquent l'odeur du gaz carbonique de certains acides de la peau et de la respiration, et attirent le moustique.
  • Couvrir les grandes étendues d'eau (mare, étang...).
  • Utiliser des lotions spéciales pour la peau, disponibles en pharmacies (vérifier la notice pour les femmes enceintes, ces lotions sont généralement interdites aux enfants.
  • Porter des vêtements longs, amples et de couleur clair (le moustique est attiré par les couleurs sombres). Le choix du vêtement est important quand on sait que 40 % des piqûres passent par les vêtements.
  • Utiliser des moustiquaires imprégnées, notamment pour les bébés (les produits anti-moustiques leur sont déconseillés, car nocifs).

 Sites d'informations et associations

Site du Ministère des Solidarités et de la Santé

AVEC - Association des Victimes de l'Epidémie du Chikungunya

Sources

Fiche maladie sur le chikungunya de l'Institut Pasteur

Le site de Santé Publique France sur le chikungunya

Entretien avec le Docteur Guillaume Beraud, Infectiologue