Antibiorésistance. Si ce mot ne semble pas très inquiétant à première vue, il devrait pourtant vous faire peur. La résistance aux antibiotiques est à l’origine de 12 500 décès chaque année en France, et tue plus que la grippe, la tuberculose et le sida réunis. L’OMS l’a d’ailleurs identifiée comme l’une des dix plus grandes menaces pour la santé mondiale.
En cette semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, le moment est donc bien choisi pour rappeler qu’ils ne sont pas automatiques. Car si leur consommation tend à baisser en France, elle reste encore largement trop élevée, selon un rapport officiel publié ce lundi et présenté par l’ANSM.
1 199 tonnes d’antibiotiques vendus en France en 2018
En 2018, pas moins de 728 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé humaine et 471 tonnes destinées à la santé animale ont été vendues dans l’hexagone. Cela fait de la France la troisième consommatrice d’Europe, derrière la Grèce et Chypre. Chez les hommes, 93 % de ces traitements sont dispensés en médecine de ville - et majoritairement prescrits par les généralistes.
Lorsqu’on prend en compte les antibiotiques prescrits dans les cabinets et à l’hôpital, “la France est à 25,3 doses pour 1 000 habitants et par jour”, souligne Bruno Coignard, Directeur des maladies infectieuses à Santé publique France. “Or, la moyenne européenne est de 19,8". Les Pays-Bas sont, quant à eux, les meilleurs élèves, avec 9,7 doses.
L’antibiorésistance pourrait tuer 10 millions de personnes en 2050
En détruisant les bactéries pathogènes, ou en bloquant leur multiplication, les antibiotiques ont permis de sauver des millions de vies depuis leur création. Mais peu à peu, ces mêmes bactéries se sont adaptées en apprenant à combattre les médicaments. Une résistance qui s’inscrit ensuite dans leurs gènes, et peut se transmettre à d’autres bactéries.
Or, cette antibiorésistance est une véritable bombe à retardement, qui pourrait tuer 10 millions de personnes en 2050 si rien n’est fait pour l’enrayer, selon l’ONU. Autrement dit, elle risque de devenir plus mortelle que le cancer. Et si 86 % des Français se disent préoccupés par ce problème, 63 % ne se sentent pas concernés par la nécessité de raisonner leur consommation d’antibiotiques, selon le baromètre Pfizer-IFOP 2019.
Plus encore, 41 % des personnes interrogées prennent régulièrement leur traitement sur une durée inférieure à celle prescrite par le médecin. Or cela ne fait que renforcer le risque d’apparition de résistance bactérienne - outre celui de ne pas guérir l’infection - alerte le rapport présenté par l’ANSM.
Comment expliquer cette surconsommation d’antibiotiques ?
Pour Bruno Coignard, cette tendance très française à recourir massivement aux antibiotiques peut s’expliquer par “des pratiques et un historique dans l’approche médicamenteuse du pays”. Et notamment le fait que la prise en charge repose souvent sur un traitement : “un patient attend une ordonnance à la sortie” de son rendez-vous chez le médecin.
Pour y remédier, une meilleure sensibilisation des patients comme des médecins semble nécessaire. “L'enjeu n'est pas seulement de prescrire moins, mais mieux", souligne l’expert, et ainsi adapter les doses, comme la durée du traitement. Une plus grande utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pourrait aider, puisqu’ils permettent de déterminer si certaines infections sont d’origine virale ou bactérienne.
Sources
Antibiorésistance : Tous les acteurs mobilisés, Ministère des Solidarités et de la Santé, 18 novembre 2019.
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