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Incroyable mais vrai. Grâce à des tutos sur YouTube et Facebook, de nombreuses personnes apprennent à faire leur propre transplantation fécale. Autrement dit, en trouvant un donneur, en mixant leurs excréments, et en s’injectant cette bouillie aux bienfaits potentiels dans le rectum.

Transplantation de microbiote fécal : une pratique risquée

Cette pratique, connue sous le nom de “transplantation de microbiote fécal” est approuvée par la US Food and Drug Administration, pour traiter les infections récurrentes, notamment l’infection à "Clostridium difficile", qui peut détruire le côlon.

Mais sur Internet, une communauté croissante d'internautes a décidé de s'approprier ce processus, sans encadrement ni avis médical.

Pour ce faire, les adeptes de la "TMF" se sont tournés vers YouTube, Reddit et Facebook pour apprendre à réaliser cette technique de transplantation. Il suffit juste d'un robot-mixeur, d’une passoire et d’une poire à lavement pour passer à l'action.

Ce type de vidéo, réalisé principalement par des personnes novices, recueille des milliers de vues, et est inondé de commentaires.

Les personnes échangent en effet leurs conseils pour profiter au maximum des bienfaits de cette pratique, supposée “pouvoir tout traiter, des troubles bipolaires jusqu’à la maladie de Lyme”. Des informations à prendre avec des pincettes, car non confirmées par des médecins.

Outre ce problème, la transplantation fécale s’avère risquée. Les chercheurs manquent de recul pour savoir si elle est bénéfique pour tous les malades.

D’ailleurs, il est également possible de s’injecter de mauvaises bactéries à la place des bonnes, faute d’outils médicaux et de connaissances sur le sujet.

Des donneurs non vérifiés

D’après le Dr Colleen Kelly, médecin et chercheuse à sein de la “Brown Medicine Gastroenterology and Liver Research”, “c’est un mouvement qui n’est pas nouveau, mais qui continue de croître”.

En 2013, par exemple, un homme du nom de Michael Hurst a démontré comment, d’après lui, la transplantation fécale a guéri sa colite ulcéreuse (maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) du côlon et du rectum, ndlr).

Dans une vidéo, il présente ses outils : alcool à friction, seringue rectale robot mixeur et une cruche d'eau. À l'aide d'une banane recouverte de chocolat pour représenter les selles, il montre aux téléspectateurs comment la mélanger avec de l'eau, puis comment faire pour charger la seringue et l'insérer dans le rectum.

Des donneurs non vérifiés© Istock

En 2017, un autre homme, Davide Patti, titulaire d’une maîtrise en chimie et qui mène des travaux de recherche sur la transplantation a créé son propre tutoriel, plus académique, qui a plu à de nombreux internautes.

Les membres de cette communauté recherchent également des donneurs soit-disant “sains” sur internet. Ils encourent alors de nombreux risques, puisque certains donneurs de matière fécale proclament “avoir des analyses de sang parfaites” ou encore “ des habitudes de vie saines”, sans que rien ne soit vérifié ou contrôlé.

D’après les recherches du Dr Kelly, le manque d'accès aux soins médicaux et le coût de ces derniers semblent être les principales raisons qui poussent les patients à suivre ce traitement plutôt particulier.

Transplantation fécale : quels réels bienfaits ?

Transplantation fécale : quels réels bienfaits ?© Istock

Rappelons tout d’abord que la transplantation de microbiote fécal (TMF) consiste à administrer une préparation de matière fécale issue d’un sujet sain à un patient atteint d’une pathologie liée à une altération du microbiote intestinal.

La sélection du donneur répond à des critères spécifiques visant à réduire au maximum les risques infectieux. Cette procédure doit se faire dans des conditions strictes d’hygiène afin de garantir la qualité du don et la sécurité du personnel manipulant.

La préparation est simple : elle consiste à homogénéiser les selles dans du sérum physiologique, puis à les filtrer pour retirer des débris. La préparation (50 g de selles environ) peut être utilisée fraîche, dans un délai de 6 h, ou congelée pour être administrée ultérieurement. C'est la méthode qui est privilégiée en France.

Avant la transplantation, le receveur doit avaler une solution destinée à nettoyer le côlon. Le transfert de selles peut se faire de différentes façons. La plus simple consiste à pratiquer un lavement.

Un traitement efficace contre le Clostridium difficile

C'est, pour l'heure, la seule infection face à laquelle la greffe de matière fécale est reconnue comme vraiment efficace : celle au Clostridium difficile.

Cette bactérie se développe après un traitement antibiotique intense. Et dans environ 5 % des cas, l'infection devient chronique et peut entraîner des diarrhées graves, voire la mort. La flore intestinale saine du donneur permet, dans de nombreux cas, d'éradiquer la bactérie devenue résistante aux antibiotiques.

D’autres études ont été lancées pour tester la transplantation fécale dans diverses pathologies comme la maladie de Crohn, le syndrome de l'intestin irritable ou encore les maladies du foie.

Les résultats des premières études publiées pour la rectocolite hémorragique sont encourageants mais très loin du taux de succès observé avec l'infection à Clostridium difficile.

Sources

People are turning to YouTube and Facebook to learn how to do DIY fecal transplants, hoping to treat everything from ulcerative colitis to anxiety, Insider, 24 février 2020.

Transplantation fécale, Association française de formation médicale continue en Hépato-gastro-entérologie.

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