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Organisé par l'AFM-Téléthon afin de récolter des fonds pour financer la recherche sur les maladies rares et aider les personnes en situation d'handicap, le Téléthon 2020 sera diffusé les 4 et 5 décembre prochains sur les chaînes de France Télévision. Comme chaque année, les téléspectateurs pourront découvrir des reportages sur les familles concernées ou suivre les avancées sur la recherche médicale.

À l’occasion de cet évènement caritatif, Medisite a pu s’entretenir avec Isabelle Richard, chercheuse au Généthon, laboratoire fondé il y a 30 ans grâce aux dons du Téléthon, et surtout directrice de recherches au CNRS. Cette dernière travaille sur les dystrophies musculaires, un groupe de pathologies génétiques rares affectant le muscle. Elle nous parle de l’impact de la pandémie sur les actions du Téléthon et surtout du traitement innovant qu’elle tend à mettre au points grâce à la thérapie génique. Cette stratégie thérapeutique consiste à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d'un individu pour traiter une maladie.

Dystrophie musculaire : "les patients vont perdre leurs fonctions motrices progressivement"

Medisite : Comment survient la dystrophie musculaire ?

Isabelle Richard : "Les dystrophies musculaires sont un groupe de pathologies du muscle, qui regroupe plusieurs maladies génétiques. C’est un groupe relativement large, avec au bas mot 40 ou 50 dystrophies musculaires. Elles sont d’origine génétique. C’est-à-dire que chez les personnes atteintes, il existe des mutations dans un gène qui normalement produit une protéine importante pour le muscle. Il faut savoir que toutes ces maladies génétiques ont des formes variables. Des défauts génétiques vont générer des troubles au niveau de la fibre musculaire. Le processus sera progressif. Le muscle, bien qu’il ait une capacité de se régénérer, va cependant dégénérer et être remplacé progressivement par du gras ou de la fibrose. La plus connue est la myopathie Duchenne, qui touche 1 naissance sur 5 000 en France. Elle est liée à une anomalie du gène DMD, responsable de la production d'une protéine impliquée dans le soutien de la fibre musculaire".

Medisite : Qu’est-ce que cette maladie implique pour les patients ?

IR : "Les patients vont perdre leurs fonctions motrices progressivement : la marche, leur capacité à accomplir les gestes de la vie quotidienne, comme boire un verre, se coiffer, se brosser les dents… C’est une maladie dure à vivre psychiquement. Vous perdez vos fonctions progressivement donc vous vous voyez diminuer. Certains patients vont aussi être sujets à des problèmes respiratoires. Ils vont devoir être sous ventilation assistée. Ils seront obligés de respirer entre chaque mot. On peut aussi observer des atteintes cardiaques qui peuvent être mortelles. Dans les formes les plus sévères, les patients vont se retrouver en fauteuil roulant à l’adolescence. Il y a aussi des formes moins sévères, où les victimes marchent toujours à 40 ans. Or, en moyenne, les patients auront besoin de se déplacer en fauteuil dès l’âge de 30 ans".

Thérapie génique : "nous sommes relativement optimistes"

Thérapie génique : "nous sommes relativement optimistes"© Istock

Medisite : Quel est votre rôle en tant que chercheuse ?

IR : "Mon objectif va être de développer des traitements innovants pour vaincre ces maladies qui ne se guérissent pas à l’heure actuelle, grâce au financement du Téléthon. Malheureusement, cette année, nous anticipons que la Covid-19 aura une importante conséquence sur la collecte du Téléthon. Nous avons en principe des manifestations qui sont mises en place partout en France, comme des ventes de crêpes ou des tombolas. Ces évènements représentent environ 30% à 40% des collectes du Téléthon. Or, à l’heure de la pandémie, l’ensemble de ces actions ne pourront avoir lieu. L'impact de la pandémie n'est pas seulement financier. L’ensemble de ces manifestations permettaient chaque année de favoriser les liens sociaux".

Medisite : Vous travaillez actuellement sur un traitement qui repose sur la thérapie génique pour venir en aide aux patients victimes par la myopathie Duchenne. En quoi consiste-t-il ?

IR : "C’est un principe simple. Vous avez un gène qui est déficient, et c’est ce qui a provoqué cette pathologie. Avec la thérapie génique, nous voulons ramener un gène ‘normal’ dans les cellules correspondantes. On travaille sur les maladies du muscle, donc on va vouloir ramener une copie normale du gène défaillant dans l’ensemble des cellules musculaires".

Medisite : Les cellules musculaires représentent une part importante de la masse corporelle. Cela rendra-t-il ce processus compliqué à mettre en place ?

IR : "En effet, le muscle représente près de la moitié de la masse corporelle. Cela rend la thérapie génique compliquée au niveau de la distribution mais aussi de la quantité de gènes qu’il va falloir pour traiter. Pour amener le gène, on va utiliser des vecteurs. Le vecteur principal utilisé aujourd’hui est un virus. Il faut savoir que les virus qu’on utilise pour traiter les maladies du muscle ne génèrent pas de maladie chez l’homme. Non seulement ils ne causent pas de maladie mais en plus, nous avons la capacité de modifier le génome de ce virus pour lui faire porter le gène médicament. Il se trouve que ce virus entre très bien dans les cellules musculaires. C’est ainsi que notre thérapie fonctionne. Le principe est simple, mais la réalisation peut être complexe. La quantité de virus dont on aura besoin va induire des risques de réactions puisqu’on amène un matériel étranger en grande quantité dans l’organisme. Sans parler du cout important que représente ce processus".

Medisite : Grace à la thérapie génique, vous espérez guérir les patients souffrant de dystrophie musculaire ou seulement faire cesser l’évolution des maladies ?

IR : "Si vous voulez traiter quelqu’un qui se trouve au début de la maladie, ce sera plus facile de revenir en arrière. Or, si on se penche sur un patient qui a atteint un stade avancé, ce ne sera pas la même chose. Mais nous sommes relativement optimistes en se disant qu’on ne va pas seulement stopper l’évolution de la maladie mais apporter un bénéfice. Et particulièrement car on sait que cette maladie ne touche pas tous les muscles de la même façon. Donc je m’attends à voir un vrai bénéfice et pas juste un arrêt de l’évolution de la pathologie".

Les dernières réussites possibles grâce au Téléthon

Les dernières réussites possibles grâce au Téléthon© Istock

Medisite : Quelles ont été les dernières réussites possibles grâce au Téléthon ?

IR : "Il y a déjà la thérapie génique qui est en train de bousculer les codes de la médecine aujourd’hui. C’est une vraie révolution qui est en train de se mettre en place. L’année dernière il y a déjà eu un premier traitement qui a été approuvé pour une maladie neuromusculaire. C’est un traitement en thérapie génique et il faut souligner que les travaux initiaux de démonstration ont été fait au Généthon. De notre côté, le premier essai clinique de thérapie génique pour les maladies sur lesquelles on travaille aura lieu l’année prochaine. Donc j’espère pouvoir vous apporter une bonne nouvelle dans un an".

Sources

Merci à Isabelle Richard, chercheuse au Généthon et directrice de recherches au CNRS

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