Covid-19 : faut-il craindre un retour de l'épidémie en Chine ?Istock
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Face à une diminution considérable du nombre de nouveaux cas de Covid-19, la Chine portait depuis une dizaine de jours l’espoir d’un retour à la normale. Lors d’une visite à Wuhan le 9 mars, le président de la république populaire de Chine, Xi Jinping, avait même affirmé que “la propagation de l'épidémie [était] pratiquement jugulée”.

Pourtant, les quelque centaines de salles de cinéma qui avaient récemment rouvert leurs portes viennent de les refermer… Faut-il y voir un signe de recrudescence de l’épidémie dans le pays ?

Une forte baisse des cas de Covid-19 en Chine

Le 19 mars dernier a constitué une date clé dans la gestion de la crise sanitaire en Chine, puisque aucun nouveau cas n’a été enregistré à Wuhan, berceau de l’épidémie. Une première depuis le mois de janvier. Portés par une vague d’espoir, les habitants se sont tous mis à leurs fenêtre pour entonner l’hymne national.

Ce même jour, seulement 40 nouveaux cas étaient recensés à l’échelle nationale… Un chiffre qui a continué à décroître dans les jours suivants. En parallèle, le scénario inverse s’est déroulé en Europe, devenue le nouvel épicentre de l’épidémie.

Peu a peu, la vie a commencé à reprendre dans le pays, et notamment dans la province du Hubei, la plus sévèrement touchée par le Covid-19. Le 11 mars, plusieurs hôpitaux temporaires, installés dans de bâtiments publics de Wuhan, ont été fermés. Des entreprises ont également été autorisées à reprendre leur activité, après une inspection préalable par les autorités locales, pour vérifier que des mesures de protection suffisantes ont été prises (désinfection à l’entrée, distribution de masques, thermomètres à disposition…).

Des centaines de cinémas ont rouvert… avant d’être à nouveau fermés

Plus encore, une première salle de cinéma a rouvert ses portes le 16 mars, sans toutefois accueillir de spectateur ce jour-là. Dans les deux semaines qui ont suivi, entre 600 et 700 cinémas ont suivi le même exemple, signe d’un réel optimisme quant à l’amélioration de la situation. Mais à peine quelques jours plus tard, le 27 mars, le bureau national du film chinois a annoncé la nouvelle fermeture de ces salles.

Aucune raison officielle n’a été donnée concernant cette décision, mais la population redoute une seconde vague d’infections au Covid-19.

“L’épidémie est loin d’être terminée en Asie”

“L’épidémie est loin d’être terminée en Asie”© Istock

“Permettez-moi de parler clairement : l'épidémie est loin d’être terminée en Asie et dans le Pacifique", a mis en garde Takeshi Kasai, directeur de l'OMS pour le Pacifique occidental, ce mardi 31 mars. “Ce sera une bataille à long terme, et nous ne pouvons pas baisser la garde. [...] Et si nous voulons que chaque pays se prépare et réponde, nous devons le faire ensemble”.

Des propos qui rejoignent ceux du président chinois lors de sa visite à Wuhan, au début du mois dernier. S’il estimait alors que “la propagation de l'épidémie [était] pratiquement jugulée”, il précisait néanmoins qu’il “ne [fallait] pas relâcher l'effort dans la guerre de défense du Hubei et de Wuhan”.

L’importation de cas étrangers menace la Chine

À l’heure actuelle, le nombre de cas importés en Chine est trois fois supérieur au nombre de cas locaux, selon les chiffres officiels. La principale menace réside donc dans la gestion des voyageurs en provenance de l’étranger.

Dimanche 15 mars, les autorités de Pékin ont annoncé que les personnes arrivant depuis l'étranger dans la capitale seraient placées dans des centres de quarantaine. Jusqu’à présent, ces voyageurs devaient se confiner eux-mêmes, à leur domicile ou dans leur hôtel. Désormais, ce cas de figure ne sera plus possible qu’en cas de “circonstances particulières”.

Le Dr Jacques Fiorentino, médecin consultant que nous avons interrogé, estime toutefois qu’il est très difficile de faire des projections pour la Chine. A cause du manque d’informations sur le virus d’une part, et de l’impossibilité à déterminer la fiabilité des informations chinoises d’autre part.

La Chine a-t-elle minimisé le nombre de victimes ?

La Chine a-t-elle minimisé le nombre de victimes ?© Istock

En outre, il est aussi possible de s’interroger sur l’honnêteté du gouvernement chinois, quant au nombre officiel de cas et de victimes annoncé. Auquel cas, l’apparente baisse du nombre de cas des dernières semaines pourrait être moins importante qu’annoncée. Une question que l’on se posait déjà au début de l’épidémie, et qui avait fait l’objet d’un précédent article, mais qui a récemment connu quelques rebondissements.

Ce mercredi 1er avril le bilan officiel de la pandémie en Chine continentale s’élève à 81 554 cas d’infection (dont 806 cas importés) et 3 312 décès. Pour la première fois, la Commission nationale de la santé y a inclus le nombre de cas asymptomatiques, jusqu’alors gardé confidentiel, dans le but de dissiper les craintes sur de possibles cas dissimulés. Ainsi, 1 367 patients asymptomatiques seraient actuellement en observation dans le pays.

Malgré une volonté de rassurer la population, ces chiffres officiels restent loin de ceux avancés par la presse chinoise, qui estime jusqu’à 40 000 le nombre de cas asymptomatiques. En outre, le nombre de décès est discordant avec le pic d’achat d’urnes funéraires enregistré, de même que la résiliation massive de lignes téléphoniques dans le pays.

Des files d’attente interminables devant les crématoriums

À Wuhan, où le confinement est progressivement levé, de nombreux habitants se sont précipités dans les centres funéraires pour récupérer les cendres de leurs proches décédés. Les images de files d’attentes interminables devant les crématoriums circulent dans les médias et interrogent sur la quantité de victimes. D’autant plus que le gouvernement chinois a censuré ces photographies.

De même, des images montrant des stocks de 2500 à 3500 urnes dans un seul funérarium sèment le doute, et des riverains ont affirmé que les crématoriums ont fonctionné 24 heures sur 24 pendant le confinement.

Des interrogations pour l’instant sans réponse probante...

Interrogé par BFMTV, l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, a précisé qu’il y aurait eu 51 200 décès sur toute l’année 2019 à Wuhan, soit en moyenne 4 000 par mois. “Et comme en hiver il fait plus froid, il y a plus de décès que les autres mois. En janvier et février, peut-être 5 000 décès par mois. Ce sont des décès normaux, en dehors de l’épidémie”, explique-t-il.

Bruno Lina, membre du conseil scientifique mis en place par le gouvernement Français, estime qu’il faut pour l’instant rester circonspect. “Il faut essayer d’investiguer cette différence qu’il doit y avoir entre le déclaré et ce qu’il s’est vraiment passé, et ça nous permettra de voir et de comparer les mesures que nous avons prises [en France]”. Autrement dit, pour l’instant, difficile de savoir si la Chine a vraiment menti ou pas.

Le Dr Fiorentino, de son côté, estime qu’il faut prendre toutes ces informations avec prudence – et en particulier celles que l’on peut lire sur les réseaux sociaux. S’il reconnaît que les données chinoises sont “problématiques” car “très contrôlées”, il précise qu’il est difficile de savoir si elles sont fiables ou non. Tout comme les informations sur le nombre d’urnes funéraires ne sont pas vérifiables. Autrement dit, pour l’instant, difficile de savoir si la Chine a vraiment menti ou pas.

Sources

Merci au Dr Jacques Fiorentino, médecin consultant et auteur de Père, Passe et Manque (éditions Assyelle). 

Conférence de presse virtuelle sur COVID-19 dans la Région, OMS, 31 mars 2020. 

Coronavirus : trois fois plus de cas importés en Chine qu’indigènes, Le Parisien, 16 mars 2020. 

À peine rouverts, les cinémas chinois referment leurs portes, Konbini, 30 mars 2020. 

Coronavirus. La Chine dévoile pour la première fois le nombre de ses cas asymptomatiques, Ouest France, 1er avril 2020. 

À Wuhan, la ruée vers les urnes funéraires y reflète-t-elle le nombre réel de morts du coronavirus ?, HuffPost, 31 mars 2020. 

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