Cancer et hormonothérapie : les effets à connaître Istock
Sommaire

Des symptômes semblables à la ménopause

L’hormonothérapie est le traitement de référence des cancers dits hormonodépendants, parmi lesquels on retrouve principalement le cancer du sein et le cancer de la prostate : "Ce sont des cancers dont la prolifération est soutenue par une hormone circulante dans le sang, explique la docteure Emeline Colomba-Blameble, oncologue médical. Le but du traitement par hormonothérapie, qu’il soit oral ou injectable, est de faire baisser le taux d’hormones circulantes pour bloquer tout carburant pour la cellule cancéreuse grâce à des anti-hormones", "ou bien de bloquer l'action de ces hormones au niveau de leur récepteur dans les cellules tumorales", ajoute le docteur Paul Cottu, oncologue médical.

Les hormones en question sont des hormones sexuelles : les estrogènes dans le cas du cancer du sein et les androgènes dans le cas du cancer de la prostate. Chez les femmes comme chez les hommes, "castrés sur le plan chimique", leur chute va entraîner des symptômes semblables à ceux de la ménopause, c’est-à-dire des bouffées de chaleur, des sueurs nocturnes, des troubles de la libido, voire des troubles érectiles.

Comment les soulager ? Ce sont généralement des effets à court terme, qui s’estompent petit à petit. Mais ils peuvent être particulièrement gênants dans ce lapse de temps. "Il n’y a pas beaucoup de traitement efficace, avoue la Dre Colomba-Blameble, mais l’activité physique et les médecines alternatives [comme l’acupuncture par exemple] peuvent permettre de les améliorer."

L’ostéoporose, un effet à long terme

L’ostéoporose est un effet secondaire classique des certaines hormonothérapies et pouvant survenir à long terme. Cette maladie, qui correspond à une perte de la densité osseuse et se traduit par des fractures spontanées, est là aussi la conséquence de la diminution des hormones circulantes, "qui normalement protègent de cette condition", explique la Dre Colomba-Blameble.

Comment la soulager ? A travers une approche multidisciplinaire : prise en charge rhumatologique, traitement à visée osseuse… A noter que l’activité physique a un effet protecteur.

L’ostéoporose, un effet à long terme© Istock

Une prise de poids et une fragilité cardiovasculaire chez les hommes

Le bouleversement hormonal causé par l’hormonothérapie peut s’accompagner d’un regain d’appétit et d’une réduction de l’activité physique, ce qui engendre des troubles métaboliques, surtout chez les hommes : "Les patients vont prendre du poids et surtout perdre en masse musculaire", explique la Dre Colomba-Blameble. Et là, les conséquences ne sont pas qu’esthétiques : "Cela va les rendre plus fragiles sur le plan cardiovasculaire, surtout s’ils ne font pas attention à leur alimentation et qu’ils ne font pas d’activité physique. Ils peuvent développer une dyslipidémie ou un syndrome métabolique et vont donc être à risque de faire des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, etc."

Comment prévenir ces risques ? En adoptant un régime équilibré, type régime crétois : "Les patients devront manger beaucoup plus de légumes vers, très peu d’aliments gras et sucrés et bien sûr pratiquer une activité physique quotidienne", souligne la Dre Colomba-Blameble. Celle-ci "diminue [d’ailleurs] le risque de récidive en général", précise la Fondation ARC.

Des troubles de l’humeur

Que ce soit pour le cancer du sein ou le cancer de la prostate, le traitement par hormonothérapie peut entraîner des troubles de l’humeur. "Il s’agit de déprimes plus ou moins passagères, explique la Dre Colomba-Blameble. Si elles sont significatives, on les traite."

Comment ? Via une prise en charge psychologique et/ou la prescription de médicaments comme des antidépresseurs.

Une fatigue

Si le cancer en lui-même fatigue, son traitement aussi. En effet, celle-ci peut être due à "la combinaison de plusieurs modifications : une diminution du nombre des globules rouges (anémie), une diminution de la force musculaire et une diminution de l’élan vital", explique l’Association française d’urologie (AFU).

Que faire ? Se ménager : "La fatigue doit être gérée en adaptant ses activités à ses capacités et en programmant éventuellement une courte sieste après le déjeuner", conseille l’AFU.

Une fatigue© Istock

De l’importance de la prise en charge personnalisée

Les effets secondaires de l’hormonothérapie mentionnés ici sont ceux les plus fréquents, mais la liste n’est pas exhaustive. Ils dépendent non seulement de la molécule utilisée, mais aussi du patient, et ne sont pas tous expérimentés par ce dernier. C’est pourquoi pour les soulager, "les indications doivent être faites au cas par cas, explique le Dr Paul Cottu : il n’y a pas de recette miraculeuse et surtout pas de recette générale."

Cette prise en charge personnalisée est d’autant plus importante qu’elle est intimement liée à la réussite de l’hormonothérapie et donc aux chances de guérison. Si la Dre Colomba-Blameble indique que "ces effets sont en général réversibles à l’arrêt du traitement (sauf chez des patients métastatiques puisque dans ce cas le traitement ne peut pas être arrêté)", selon les chiffres, 30 à 40% des femmes traitées pour un cancer du sein le stoppent avant la fin de la durée préconisée, notamment à cause de leur intensité : "Les effets secondaires peuvent être tellement gênants que les femmes ne peuvent pas faire autrement qu’arrêter, reconnaît le Dr Cottu. Et puis, il y a aussi une question de confiance dans le traitement : la qualité des explications, les aides qu’on peut mettre autour pour montrer qu’on ne néglige pas les symptômes et que l’on a des solutions…"

Or, "l’arrêt du traitement dans les cas de cancer du sein à la phase précoce augmente le risque de rechute. Et en cas de métastases, cela augmente le risque de décès."

Hormonothérapie : des effets thérapeutiques indéniables

Malgré ses effets secondaires, l’hormonothérapie a des effets thérapeutiques indéniables. "C’est de loin le traitement le plus efficace et le plus fréquemment prescrit dans le cas du cancer du sein", précise le Dr Cottu. En effet, l’hormonothérapie est indiquée :

  • Pour une durée de cinq ans au moins chez les patientes ayant un cancer localisé, qui ont déjà été opérées et qui n’ont pas de métastases : "le but, c’est d’éviter la rechute."
  • Sans limitation de durée chez les patientes ayant des métastases : "il s’agit là de contrôler l’évolution de la maladie métastatique."

Concernant le cancer de la prostate, la Dre Colomba-Blameble explique que l’hormonothérapie est prescrite :

  • Pour une durée de six mois en as sociation avec la radiothérapie pour les cancers localisés, "à faible risque de rechute",
  • Pendant 18 mois "lorsque le cancer est localisé et qu’il est à plus haut risque de rechute",
  • De façon continue pour les cancers métastatiques : le contrôle de la maladie est tel que "les patients vont aller bien très longtemps, et peut-être décéder d’autre chose".
Sources

Remerciements aux docteurs Emeline Colomba-Blameble et Paul Cottu, oncologues médicaux.

"Effets secondaires de l'hormonothérapie". Société canadienne du cancer.

"Traitement hormonal : suppression androgénique pour le cancer de la prostate". Association française d'urologie.

"Soigner un cancer par hormonothérapie". Fondation ARC.

Vidéo : Cancer de la prostate : un traitement pourrait diviser par 2 les risques de décès

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