©Francesca Mantovani/Editions Stock

Tuer le cancer avant qu’il ne tue. C’est le défi de Patrizia Paterlini-Bréchot, oncologue et hématologue, professeur de biologie cellulaire et moléculaire appliquée à l’oncologie à l’université Paris Descartes et directeur d’équipe de recherche. Dans son livre Tuer le cancer (Editions Stock, 2017), Patrizia Paterlini-Bréchot dévoile son parcours, sa soif de combat contre ce "tueur en série" et nous fait entrer dans les coulisses de ses recherches. Des années de travail acharné qui ont abouti au développement d’un test de détection précoce des cancers invasifs par simple prise de sang : le test ISET (pour Isolation by Size of Epithelial Tumor cells*). Or, plus tôt un cancer est détecté, meilleures seront les chances de guérison.

Détecter les cellules cancéreuses par une simple prise de sang

Mais comment fonctionne ce test ? "Biologiquement, le test ISET repose sur le fait que les tumeurs invasives, et donc les plus agressives, qui causent les décès les plus rapides, diffusent les cellules tumorales dans le sang, même quand la masse de la tumeur n’est pas encore détectable", explique le professeur Paterlini-Bréchot, interviewée par Medisite. En pratique, le test consiste en une prise de sang classique de 10 millilitres (ml). La méthode ISET filtre ensuite l’échantillon de sang pour en isoler les cellules tumorales circulantes (CTC). Véritable prouesse technologique : "la sensibilité de ce test est excellente avec un seuil de détection d’une cellule tumorale dans 10 ml de sang dans 83 à 100% des cas" selon la dernière étude de l’équipe du professeur Paterlini-Bréchot, parue le 6 janvier 2017 dans la revue PLoS ONE.
Le diagnostic des cancers au moyen d’une prise de sang n’est pas une technique nouvelle : l’analyse des marqueurs tumoraux (PSA pour la prostate et antigènes tumoraux par exemple) passe aussi par ce procédé. Néanmoins, ISET possède une particularité de taille, en comparaison à ces tests : la détection directe. En effet, "les marqueurs tumoraux détectent des molécules fabriquées par les cellules cancéreuses ou par le corps ; il s’agit de marqueurs indirects. Le test ISET, quant à lui, détecte directement le cancer lui-même", nous détaille Patrizia Paterlini-Bréchot. Mais si ce test direct permet de détecter un cancer avant même qu’il ne soit visible en imagerie, il ne se substitue pas aux tests de dépistages : "ce n’est pas un test alternatif, mais un test complémentaire, précise l’oncologue, car il ne 'voit' pas les masses tumorales".

"Le but est de rendre ISET accessible à tous"

A l’heure actuelle, et ce depuis plus d’un an, la méthode ISET peut être utilisée à différents moments du suivi d’un patient : "lors du bilan d’extension, pour savoir si le cancer est ou non passé dans le sang, pendant le suivi, en accompagnement des méthodes d’imagerie pour détecter les métastases déjà formées mais aussi pendant un traitement, pour mesurer son efficacité à détruire les cellules tumorales".
Ce test n’est cependant pas réservé aux personnes atteintes d’un cancer : "le laboratoire ne peut refuser le test à une personne qui en fait la demande et qui signe un document de consentement éclairé", précise le professeur Paterlini-Bréchot. Seul hic : il coûte 486 euros, et n’est pour le moment pas pris en charge par la sécurité sociale. "Il reste cher. Le but est donc d’avancer rapidement, de démocratiser ISET pour le rendre accessible à tous et diminuer son coût", projette l’oncologue.

La rage de guérir

C’est d’ailleurs pour cela que Patrizia Paterlini-Bréchot a choisi de reverser l’intégralité des droits d’auteur de son livre à la recherche publique. "Car ISET est encore incomplet et nécessite de plus amples travaux avant de pouvoir revêtir le rôle d’un test de détection précoce", nous confie le professeur. Prochain objectif : étudier les cellules tumorales circulantes en profondeur, avec des outils de biologie moléculaire pour identifier l’organe dont elles sont issues. "Car si ISET peut détecter la présence d’un cancer, il ne peut pas encore identifier l’organe concerné", déplore l’oncologue.
Mais la machine est lancée, et Patrizia Paterlini-Bréchot ne semble pas prête à s’arrêter de sitôt : "Pendant toute ma vie de clinicienne j’ai assisté beaucoup de patients en fin de vie, j’ai vu beaucoup de personnes souffrir. Quand je n’étais qu’une jeune interne à l’université de Modène, en Italie, j’ai rencontré celui que j’appelle mon 'patient zéro'. Cet homme, paniqué à l’idée de mourir, est parti en quelques jours et je n’ai rien pu faire. Il m’a laissé une telle déception que j’ai failli jeter l’éponge. Mais finalement, j’ai continué avec la rage d’améliorer les choses, même si c’était très vague dans ma tête, j’en avais déjà le rêve. Et je le mènerai jusqu’au bout."

*isolement par la taille des cellules tumorales

Sources

- Merci au professeur Patrizia Paterlini-Bréchot, oncologue, hématologue, professeur de biologie cellulaire et moléculaire appliquée à l’oncologie à l’université Paris Descartes et directeur d’équipe de recherche.
- Tuer le cancer, Professeur Patrizia Paterlini-Bréchot, Editions Stock, 2017. 
- Laget S, Broncy L, Hormigos K, Dhingra DM, BenMohamed F, Capiod T, et al. (2017) Technical Insights into Highly Sensitive Isolation and Molecular Characterization of Fixed and Live Circulating Tumor Cells for Early Detection of Tumor Invasion. PLoS ONE 12(1): e0169427. doi:10.1371/journal.pone.0169427 et communiqué de presse de l’Université Paris Descartes délivré pour la publication de cet article (30 janvier 2017).
- Site officiel de la technologie ISET www.isetbyrarecells.com
- Site de l'association SafeTestforLife (STL) de récolte de dons pour la recherche www.stl-don.org

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