Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie et aux soins de santé, même dans les pays développés comme la France. La Ligue contre le cancer interpelle sur le fait que le cancer “accroît toutes les inégalités sociales au sein de la société”. En parallèle, une étude Suisse révèle que les personnes plus défavorisées sont plus à risque de développer une maladie cardiovasculaire… car ils ont un moins bon sommeil.

Cancer : un parcours de soin difficile pour les plus pauvres

Ce mercredi 20 novembre, la Ligue contre le cancer a dévoilé son huitième Observatoire sociétal, qui s’est penché sur le vécu des malades lors du parcours de soin. Et celui-ci montre clairement que les personnes les plus pauvres ont moins de chances d’en guérir et peuvent, en prime, se retrouver dans une plus grande précarité encore à cause de leur maladie.

"La paupérisation à laquelle aboutit le cancer est un phénomène qui n'a pas disparu (perte d'emploi, aidant obligé de moins travailler...) et c'est une difficulté supplémentaire pour qui n'a pas un matelas suffisant", indique le Pr Axel Kahn, président de la Ligue, interrogé par l’AFP. Car lutter contre le cancer est un combat de plusieurs années…

Ceux qui gagnent moins de 1 500 € par mois doivent dépenser plus d’argent pour se soigner

D’après cette enquête, menée auprès de 2 649 personnes atteintes de cancer ou en rémission, ceux qui gagnent moins de 1 500 € par mois cumulent les difficultés. Ils doivent souvent avancer des frais des examens de diagnostic, en attendant une prise en charge complète pour affection de longue durée.

Ainsi, 12 % d’entre eux ont dû avancer de l’argent, contre 7 % des personnes ayant des revenus supérieurs. Sur les personnes interrogées, 10 % n’avaient pas de complémentaire santé, chez les personnes à faible revenus, contre 2 % pour les autres. Les plus pauvres sont aussi souvent contraints de déménager pour se rapprocher d’un hôpital - sachant qu’un déménagement coûte en moyenne 1 000 € dans l’hexagone.

La communication avec les médecins est moins bonne

Du point de vue des soins à proprement parler, d’autres problèmes ont été mis en évidence. Parmi les personnes aux revenus inférieurs à 1 500 € par mois, 15 % n’ont pas eu de réponses satisfaisantes à leurs questions au moment du diagnostic, contre 8 % chez les plus aisés, de même que les échanges avec les soignants sur l’après-cancer sont aussi moins fréquents.

Enfin, 31 % des participants les plus modestes ont abandonné certaines démarches administratives compliquées, et ainsi renoncé à certains de leurs droits. Pour le Pr Kahn, beaucoup de progrès restent à faire, comme “assurer une prise en charge des prothèses dentaires liées au cancer et des perruques aux cheveux naturels, ou encore réviser les critères d’attribution du congé proche aidant indemnisé, pour que les personnes qui aident un malade du cancer puissent y accéder”.

Un budget gouvernemental peu réaliste face au nombre croissant de patients

Chaque année, la Ligue contre le cancer finance 10 millions d’euros de soins de support pour 40 000 patients, et consacre 5 millions d'euros pour l'aide sociale de 12 000 familles. Dans le budget prévisionnel de la Sécurité Sociale pour 2020, une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue pour l’accompagnement des patients après un cancer.

Une somme qui semble insuffisante au président de la Ligue. D’autant que le cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité en France, avec 150 000 à 200 000 nouveaux cas chaque année.

Les personnes défavorisées sont aussi plus à risque face aux maladies cardiovasculaires

En parallèle, une étude suisse menée sur 111 205 européens, publiée le 22 novembre 2019 dans la revue Cardiovascular Research, rappelle que les personnes défavorisées sont plus à risque de souffrir d’une maladie cardiaque. Les chercheurs ont tenté de déterminer les causes de ce phénomène et, selon eux, le manque de sommei l jouerait pour beaucoup.

En effet, les personnes de statut socioéconomique modeste occupent parfois plusieurs emplois, font des horaires plus compliqués (comme les 3-8), vivent dans des environnements bruyants ou sont soumises à un niveau de stress émotionnel et financier plus important. Autant de facteurs qui contribuent à un sommeil de moins bonne qualité.

Emploi, lieu d’habitation et stress favorisent le manque de sommeil

Dans 13,4 % des cas, le lien entre l’activité professionnelle et les maladies coronariennes chez les hommes était la conséquence d’un manque de sommeil, selon les résultats de ces travaux. Cette corrélation n’a pas été observée chez les femmes.

Pour Dusan Petrovic, auteur de l’étude, cela ne veut pas dire que les femmes travaillent moins, mais qu’elles associent plus souvent leur manque de sommeil avec leurs responsabilités domestiques et leur stress que les hommes.

Mieux dormir pour réduire le risque de maladie cardiaque

Selon le chercheur, “des réformes structurelles sont nécessaires à tous les niveaux de la société pour permettre aux gens de mieux dormir. Par exemple, tenter de réduire le bruit, qui est une source importante de troubles du sommeil, avec du double vitrage, en limitant la circulation, et en cessant de construire des maisons à côté des aéroports ou des autoroutes”.

De manière générale, ces deux études montrent, chacune à leur niveau, un problème sociétal : les personnes les plus pauvres sont plus à risque de souffrir d’un grave problème de santé, et rencontrent plus de difficultés pour les soigner. La mise en évidence de ce phénomène, et la compréhension de ses causes est une première étape. La suivante étant désormais de trouver des solutions afin d’inverser cette tendance.

Sources

Cancers: les plus pauvres, les moins armés, L'Obs avec AFP, 20 novembre 2019. 

Lack of sleep may explain why poor people get more heart disease, EurekAlert, 22 novembre 2019.