Orthorexie : quand l’obsession de la nourriture vous fait dépérir Istock
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"A l’heure ou le cheval s’invite dans les lasagnes, et où l’eau serait un nid de nitrates, les raisons de paniquer face à notre assiette se multiplient, affirme Patrick Denoux, professeur de psychologie à l’Université de Toulouse, au sein de son livre Pourquoi cette peur au ventre (éd. JC Lattès). L’individu ne mange pas un fruit cueilli depuis plus de 10 minutes, contrôle, trie son assiette et relit les étiquettes par méfiance". Un phénomène symptomatique de notre époque auquel les médecins ont donné un nom : l’orthorexie. Considérée comme une maladie, ce trouble alimentaire se manifeste par une obsession liée à la nourriture.

Concrètement, des personnes vont s’instaurer des habitudes alimentaires qu’elles jugent "bonnes pour elles", mais vont en faire une obsession. "L’orthorexie, c’est l’application d’un programme alimentaire suivi de manière excessive. Elle fait partie des troubles alimentaires au même titre que l’anorexie et la boulimie, nous décrit Raphaël Gruman, nutritionniste et auteur de Je me soigne avec les mésonutriments (éd. Leduc.s). On peut aussi parler d’un toc".

À titre d’exemple, certains orthorexiques vont éliminer toutes les graisses saturées, le sucre ou ne manger que des légumes. D’autres vont encore plus loin et ne consomment que des aliments considérés comme "vivants" en excluant les féculents.

Pourquoi devient-on orthorexique ?

"Ce trouble débute souvent lorsqu’une personne lit une information quelque part et souhaite l’appliquer, détaille l’expert. Petit à petit, elle va arriver dans un engrenage et sera dans l’excès".

En réalité, ce phénomène a émergé récemment. "De manière générale, les pathologies mentales liées à l’alimentation sont relativement récentes. Si l’anorexie est souvent liée à l’image corporelle, l’orthorexie est causée par une phobie véhiculée par les médias, poursuit Raphaël Gruman. Comme on peut le voir avec la Covid-19. Certaines personnes, à force de lire les infos en boucle, ne vont plus oser sortir de chez eux. Ce sont des personnes fragiles psychologiquement. En étant confrontées à une peur, ils vont déclencher des troubles du comportement".

C’est un peu ce qui se passe lorsqu’on devient orthorexique. Si vous voulez un exemple concret, certaines personnes vont découvrir les bienfaits du jeûne alimentaire en lisant un article dans la presse. Résultat : ils vont le mener en excès en faisant des périodes de jeûne trop longue, ce qui va développer des carences.

"Ceux et celles qui souffrent d’orthorexie cherchent rarement à perdre du poids", partage de son côté Renée McGregor, diététicienne anglaise, au sein de son livre Orthorexie, quand manger sain devient obsessionnel, éd. Dunod. L’orthorexique fera une fixation sur son hygiène alimentaire en pensant qu’elle lui permettra d’être en meilleure santé. Sa quête du sain le conduit à éliminer bon nombre de plats qu’il aimait autrefois, mais qu’il considère dorénavant comme toxiques.

Un comportement qui n’est pas sans danger.

Orthorexie : quels sont les signes qui doivent alerter ?

Orthorexie : quels sont les signes qui doivent alerter ?© Istock

L’orthorexie est difficile à détecter par l’entourage car le changement d’alimentation se fait de manière progressive. "Donc souvent, on ne s’en aperçoit pas", déplore Raphaël Gruman.

La façon obsessionnelle par laquelle la personne orthorexique suit ses règles

"Certains proches, s’ils n’ont pas vu le sujet orthorexique durant plusieurs semaines, peuvent néanmoins se rendre compte que quelque chose cloche", explique le nutritionniste.

Ce qui peut vous interpeller, c’est la façon obsessionnelle par laquelle la personne orthorexique suit ses règles. Réduire la graisse saturée peut avec le temps se muer à éliminer tout type de matière grasse ; réduire la consommation de sucre peut devenir éliminer tout hydrate de carbone ; manger plus de légumes peut devenir ne manger que des légumes… L’obsession est cumulative et ne s’interrompt jamais.

La personne refuse les invitations et esquive les goûters au bureau

Cette obsession conduit alors l’individu à se couper des liens sociaux : il refuse les invitations chez ses amis et les goûters au bureau, car cela reviendrait à faire l’impasse sur son programme alimentaire. Aussi, il est fréquent que l’orthorexique ne partage plus de repas avec quiconque. Ses amis cessent de le convier et sa famille ne le supporte plus. Il s’enfonce chaque jour davantage dans la solitude.

"Les orthorexiques n’osent plus manger devant d’autres personnes à cause de la peur du regard des gens", observe aussi notre expert.

Un amincissement peut être observé

Enfin, un amincissement peut aussi être observé par les médecins du patient orthorexique. Si la perte de poids n’est pas l’objectif, fatalement en éliminant un certain nombre d’aliments, le sujet aura tendance à maigrir, explique Raphaël Gruman.

Orthorexie : les dangers auxquels vous vous exposez

Orthorexie : les dangers auxquels vous vous exposez© Istock

Si l’orthorexie émane d’une volonté à "manger plus sainement", elle est, en réalité, rarement bonne pour le patient. "Ce dernier applique un programme alimentaire qu’il jugera bon pour lui, mais en fait ce ne sera pas le cas", met en garde le nutritionniste. Non seulement, le patient s’enferme peu à peu dans l’isolement et développe des carences, mais en plus il met sa santé réellement en danger.

L’isolement, le premier danger de l’orthorexie

"J’ai eu le cas d’un patient orthorexique qui s’était mis en tête de ne consommer que des aliments blancs, témoigne Raphaël Gruman. Pour lui, les aliments blancs étaient purs et sains. On parle ici d’hygiéniste de l’alimentation. En mangeant que du blanc, il pensait aller mieux". Or, parmi les aliments blancs on retrouve notamment la crème fraîche ou encore le chocolat blanc… On ne peut pas réellement les qualifier d’aliments purs ou sains.

"D’autres vont consommer que des aliments considérés comme vivants et vont exclure les féculents. Ils ne vont donc consommer des légumes et des fruits en pensant faire le plein de vitamines, décrit Raphaël Gruman. La démarche est bonne car les fruits sont bons pour la santé. En revanche, ils vont en faire une obsession. Et c’est là que ça devient malsain".

Le premier danger auquel on s’expose lorsqu’on est victime d’orthorexie est le repli sur soi. La personne n’aura plus de vie sociale et va s’isoler de plus en plus. Elle n’osera plus manger devant les autres.

L’orthorexie peut dégrader vos reins et votre pancréas

Petit à petit, l’orthorexie va détruire la personne. "Elle va dépérir car son alimentation n’est pas suffisante", met en garde Raphaël Gruman. Les carences vont favoriser la fatigue, la chute de cheveux et les problèmes de peau. "Certains orthorexiques vont avoir les cheveux cassants", souligne encore l’expert.

En outre, certains organes peuvent également devenir défaillants suite à l’orthorexie. L’expert cite notamment les reins ou le pancréas. Les carences générées par l’orthorexie peuvent en effet dégrader ces organes.

Orthorexie : peut-on la soigner ?

Orthorexie : peut-on la soigner ?© Istock

On peut guérir de l’orthorexie à l’aide d’un suivi psy. "Or, pour guérir il faut d’abord reconnaître le problème, explique Raphaël Gruman. Malheureusement, dans la plupart des cas il y a un déni. La personne ne veut pas reconnaître qu’elle va mal". Une fois que la prise de conscience est faite, la première étape vers la guérison est passée.

"On ne s’en sort jamais complètement"

Pour soigner ce trouble alimentaire, le patient a, avant tout, besoin de l’aide d’un professionnel à la fois expert de la santé mentale et de diététiciens. Ils seront là pour rééduquer et accompagner le malade dans son alimentation.

Néanmoins, selon Raphël Gruman, il est rare de sortir totalement indemne de l’orthorexie. "On ne se sort jamais complètement de trouble du comportement alimentaire. Le patient reste vulnérable. C’est aussi pour ça que les femmes anorexiques gardent un faible poids corporel à l’âge adulte".

Il faut relâcher la pression

De son côté la diététicienne Renée McGregor recommande d’essayer de relâcher la pression pour sentir mieux. "Pensez à la liberté, au sentiment de soulagement qui accompagne le fait d’abandonner un sentiment de panique parce que chaque jour devrait être parfait. Un régime sain est une affaire d’équilibre nutritionnel qui fonctionne sur une certaine durée".

"Comprendre ce qui compose une assiette de nourriture véritablement saine peut aider ceux qui se guérissent de troubles de l’alimentation, dont l’orthorexie, ajoute la diététicienne. Ce ne doit être en aucun cas un lot de règles, mais un guide pour vous aider à produire des repas équilibrés". Enfin, l’auteure nous conseille de percevoir la nourriture comme un ami. "Elle joue un rôle important dans nos vies. Elle développe la sociabilité, elle nous rassure, elle nous soutient et peut influencer notre humeur de façon significative, exactement comme un bon ami".

Sources

Merci à Raphaël Gruman, nutritionniste et auteur de Je me soigne avec les mésonutriments, éd. Leduc.s. 

Pourquoi cette peur au ventre, éd. JC Lattès, Patrick Denoux

Orthorexie, quand manger sain devient obsessionnel, Renée McGregor, éd. Dunod

mots-clés : anorexie, régime
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