Covid-19 : un entrepôt réfrigéré de Rungis transformé en morgueIstock
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Face à la surmortalité due à l'épidémie de Covid-1 9, un entrepôt du Marché de Rungis dans le Val-de-Marne (94) a été réquisitionné mercredi 1er avril 2020 par le préfet de police de la zone de défense et de sécurité d'Île-de-France.

Une morgue de fortune pour accueillir l'excès de dépouilles

L'entrepôt doit être utilisé pour en faire une morgue selon la Semmaris, entreprise gestionnaire du marché de Rungis, afin de permettre de soulager les services funéraires régionaux et d'accueillir l'excès des dépouilles.

L'Ile-de-France est actuellement la région de l'hexagone la plus touchée sachant que pour l'heure, seul le nombre de décès en hôpitaux et en Ehpad nous est communiqué. Les personnes décédées à leur domicile ne sont pas, pour le moment, comptabilisées dans les chiffres qu'indique chaque soir par la Direction générale de la Santé...

Le hangar est en cours d'aménagement par les services de pompes funèbres depuis jeudi 2 avril, selon les informations du Parisien qui évoque une capacité d'accueil de 800 à 1 000 cercueils.

Cette morgue de fortune est située "dans un hall excentré et isolé des autres pavillons" et "permettra de conserver dans les conditions les plus dignes et acceptables du point de vue sanitaire, les cercueils des défunts dans l'attente de leur inhumation ou crémation, en France ou à l'étranger", selon la préfecture. Les premiers cercueils devraient y être acheminés dès vendredi pour que les proches puissent y avoir accès à compter de lundi.

"Mise en bière immédiate (...) toilette mortuaire interdite"

"Les défunts atteints ou probablement atteints du Covid-19 au moment de leur décès font l'objet d'une mise en bière immédiate et la pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts", selon un décret publié le 1er avril sur Légifrance.

“Ce sont des mesures appliquées en cas de maladies très infectieuses comme la peste, le choléra ou la rage, qu’on ne voit jamais”, explique Didier Kahlouche, co-président de la Confédération des Pompes Funèbres et de la Marbrerie (CPFM). Et de préciser : “Dans le cas d’un décès à l’hôpital du Covid-19, le corps est identifié par le personnel médical et la famille ne peut pas le voir avant qu’il ne soit inhumé ou incinéré”.

Une étude parue le 11 mars 2020 dans The Lancet a conclu à la contagiosité particulièrement inquiétante du Covid-19. Le rapport basé sur des cas dans deux hôpitaux de Wuhan, en Chine avaient conclu que les malades étaient tous contagieux jusqu'à leur décès... Par ailleurs "Les coronavirus survivent probablement jusqu'à 3 heures sur des surfaces inertes sèches et jusqu'à 6 jours en milieu humide. Ainsi, la transmission manuportée à partir de l'environnement ou du patient est possible. Et la manipulation d'un corps peut exposer le personnel le manipulant à des germes à transmission aérienne", détaillait déjà le HCSP (Haut Conseil de la Santé publique), dès le 24 mars 2020.

Des conteneurs réfrigérés vus devant certains centres hospitaliers

Des conteneurs réfrigérés vus devant certains centres hospitaliers© Istock

Avant cette réquisition, d'autres initiatives ont été relevées en région parisienne pour gérer la hausse brutale du nombre de décès. Des conteneurs réfrigérés ont ainsi été vus devant les centres hospitaliers de Créteil et de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Dans le Val-d'Oise, une morgue mobile a été commandée par l'hôpital d'Argenteuil.

En août 2003, à Rungis lors de la canicule, 4 000 m2 d'un hangar alimentaire réfrigéré à 5°C, avaient déjà été changés en morgue improvisée sur décision de la préfecture pour recevoir 700 "lits".

Les conditions climatologiques hors normes avaient alors fait 15 000 morts saturant les structures mortuaires, alors qu'à ce jour, le pic de l'épidémie de Covid-19 n'est toujours pas atteint en France...

Morgue : des procédures bouleversées

Tous les grands hôpitaux sont équipés d'une chambre mortuaire, également nommée morgue, amphithéâtre ou dépositoire. Les cliniques et les maisons de retraite peuvent aussi en disposer. Les places dans la chambre mortuaire sont réservées en priorité aux personnes décédées dans l’établissement de santé en question. En temps normal, le corps du défunt peut rester en chambre mortuaire pendant 6 jours, délai qui peut être porté à 10 jours si la famille n’est pas joignable ou absente... Des conditions qui risquent fort d'être bouleversées par la pandémie qui s'abat actuellement sur l'Europe.

Rungis : comment seront conservés les défunts ?

Rungis : comment seront conservés les défunts ?© Istock

On ne connaît pas les conditions de conservations des défunts dans le hangar réfrigérés par la préfecture de Paris. On sait toutefois qu'en situation classique plusieurs modes de conservations sont utilisés :

  • Les techniques temporaires du froid.
  • Les cases réfrigérantes.
  • Les soins de conservation.

Les cases réfrigérantes sont des matériels professionnels qui permettent de conserver dans de bonnes conditions les corps jusqu’au jour des obsèques. Les chambres mortuaires et funéraires en sont équipées. Des dispositifs qui a priori resteront étrangers au marché alimentaire de Rungis.

Il est donc plus que probable que les techniques temporaires du froid seront utilisées dans le bâtiment réaménagé. Elles peuvent être utilisées lorsque les obsèques sont réalisées rapidement. Cependant "ces techniques ne garantissent pas toujours la conservation efficace du corps du défunt jusqu’au jour des obsèques et nécessitent généralement le passage régulier d’un personnel habilité", précise la Fédération Française des Pompes Funèbres.

Pourquoi les soins de conservation du corps ne pourront pas être utilisés

Quant au dernier procédé, habituellement utilisé par les professionnels, il n'entre pas dans le cadre de la réquisition du préfet de Paris. Il est par ailleurs interdit en cas de maladies infectieuses. Il ne pourra donc pas y avoir de "soins de conservation" qui ont normalement pour objet de retarder la dégradation des corps et consistent principalement à injecter dans l’ensemble du système vasculaire un liquide antiseptique. Ce procédé permet en temps normal la conservation du corps du défunt durant 8 à 10 jours, sans avoir recours aux techniques de froid, souvent à domicile.

Sources

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=1D33F097A81EA45CFF576B9B14A3C699.tplgfr29s_2?cidTexte=JORFTEXT000041776790&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041776639

https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/AvisRapportsDomaine?clefr=786

https://www.thelancet.com/pb-assets/Lancet/pdfs/S014067362305663.pdf

https://www.federationpompesfunebres.com/techniques-de-presentation-et-de-conservation-du-corps/

mots-clés : Covid-19, épidémie
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