Tramadol : quels sont les dangers de ce médicament ? Istock
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Le Tramadol® est un antidouleur qui fait partie de la famille des opiacés, utilisé pour soulager la douleur après un accident, une chirurgie, ou encore dans le cas de douleurs chroniques. Délivré uniquement sur ordonnance, cet antalgique de palier II, selon l’OMS, se trouve dans de nombreux médicaments, comme Topalgic®, Ixprim®, Contramal®, Monoalgic®, Zaldiar® ou encore Ultram®.

En France, la prise de tramadol a augmenté de 68 % en seulement 11 ans, selon un rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament, faisant de lui l’antalgique opioïde le plus consommé dans notre pays. Mis au point dans les années 1970, ce médicament a détrôné la codéine après le retrait du dextropropoxyphène (Di-Antalvic) en 2011.

Cet opiacé de synthèse et antidouleur, fréquemment utilisé par les sportifs, a été interdit en compétition à partir de 2024 le vendredi 23 septembre 2022 par l'Agence mondiale antidopage (AMA). Déjà proscrit par le règlement médical de l'Union cycliste internationale (UCI) depuis 2019, l'AMA justifie cette décision à l'aide d'études. En effet, celles-ci ont démontré la capacité de cet antidouleur à améliorer la performance physique. Elle a également rappelé la forte dépendance que la substance peut provoquer.

"Le comité exécutif a suivi la recommandation du groupe d'experts d'interdire le Tramadol en compétition à compter du 1er janvier 2024", indique l'AMA. "Les recherches et les études menées par l'AMA ont confirmé le potentiel du Tramadol d'amélioration de la performance physique."

Tramadol : attention à votre système digestif

Ce médicament "présente des risques d’effets secondaires au niveau du système digestif" met en garde le Pr Jean-François Bergmann, chef de service de médecine interne à Paris. Par ailleurs, des chercheurs suisses ont mis en évidence un lien entre le Tramadol® et des risques de fortes hypoglycémies, imposant l’hospitalisation du patient.

Parmi les symptômes qu'il provoque, on peut citer les douleurs abdominales, les flatulences, les nausées, ou encore les vomissements. "Le Tramadol® est aussi très fréquemment à l’origine de constipation", ajoute le Pr Julien Nizard, chef du Centre fédératif douleur, soins palliatifs et de support à Nantes (Loire-Atlantique).

Selon la Revue Médicale Suisse, cela peut s'expliquer par sa "pharmacologie particulière". Car "en plus de ses propriétés agonistes sur les récepteurs aux opioïdes, le tramadol inhibe le recaptage de la noradrénaline et de la sérotonine", comme peuvent le faire certains antidépresseurs, réputés induire des nausées et vomissements.

Que faire ? Si les symptômes sont intenses, arrêtez le traitement et contactez votre médecin. "S’ils sont plus modestes, diminuer la dose est suffisant" indique le Pr Nizard. Pour contrer la constipation, des mesures hygiéno-diététiques peuvent suffire. "Sinon, on peut proposer un laxatif osmotique, comme le Macrogol®."

En outre, si vous souffrez de troubles hépatiques, il est primordial de discuter avec votre médecin d’une prise de Tramadol®. Les effets secondaires pourraient être plus intenses pour vous, le foie jouant un rôle important dans son élimination.

Des risques de confusion et de vertiges liés au Tramadol

"Si le Tramadol® est un bon antalgique, ce n’est pas un médicament anodin" affirme le Pr Bergmann. Des effets secondaires touchant la sphère neuropsychique ont été observés chez certains patients.

Les symptômes observés sont variés : étourdissements, vertiges, confusion, somnolence, fatigue, maux de tête, bouffées de chaleur, transpiration excessive, nervosité, tremblement. Ce médicament peut aussi entraîner une légère dépression respiratoire, moins importante toutefois que la prise d'opiacés purs.

Des liens entre épilepsie et Tramadol® ont également été démontrés. Si vous êtes épileptiques non traités ou prenez déjà des traitements favorisant les convulsions, il est impératif d’en discuter avec votre médecin.

Que faire ? En cas de symptômes légers, diminuez la dose. S’ils sont plus marqués, stoppez le traitement et contactez votre médecin.

Selon la Revue Médicale Suisse, "la voie parentérale (par injection, ndlr) semble être moins bien tolérée que la voie orale".

Le Tramadol peut rendre dépendant

Dérivé morphinique, le Tramadol® est un antalgique prescrit pour soulager les douleurs modérées à sévères. Des cas de dépendance et de difficultés à interrompre le traitement ont été rapportés.

Trois facteurs peuvent augmenter ce risque : la dose prise, la durée de traitement et les caractéristiques de l’individu. "Sans que l’on puisse encore bien l’expliquer, certains sont plus à risque que d’autres" explique le Pr Nizard.

La dépendance au médicament peut se caractériser par des sueurs, des tremblements, une sensation de froid, des douleurs, des palpitations…

Que faire ? "Pour s’en sortir, il faut diminuer très progressivement la dose journalière lorsqu’on prend du Tramadol® sur une longue durée." Une prise en charge psychologique lors du sevrage peut aider.

Il est néanmoins possible de prévenir ce problème. "Pour les personnes souffrant de douleurs chroniques, il est important de diminuer la dose du traitement dès que les douleurs sont moins intenses." En plus de limiter les risques de dépendance, cela évitera l’accoutumance.

Tramadol et médicaments : les mélanges dangereux

Associer le Tramadol® à d’autres médicaments peut être risqué. "Si vous suivez déjà un traitement, vous devez vérifier s’il n’existe pas d’interaction avec le Tramadol®, ou demander l’avis d’un professionnel de santé" conseille le Pr Nizard.

Si la liste des mélanges à éviter peut être longue, certains sont plus risqués :

  • Tramadol® et tranquillisants, somnifères, antalgiques tels que la morphine ou la codéine : les risques de somnolence ou de sensations d’évanouissement peuvent être accrus.
  • Tramadol® et anticoagulants : les effets des anticoagulants dérivés de la coumarine, qui fluidifient le sang peuvent être accrus, favorisant dans certains cas le risque d’hémorragie.
  • Tramadol® et médicaments sérotoninergiques tels que les antidépresseurs ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine comme le Prozac®, Serolex®…) ou les inhibiteurs de la MAO, prescrits en cas de dépression.

"Le Tramadol® a une action sérotoninergique, explique le Pr Nizard. L’associer à des traitements ayant la même peut potentiellement poser des problèmes." Un syndrome sérotoninergique peut se développer dans de très rares cas.

Parmi les symptômes de ce syndrome : diarrhée, sueurs, fièvre, tremblements, confusion, voire coma dans des cas exceptionnels. Si vous prenez ces deux traitements, soignez attentifs aux signes annonciateurs (diarrhées profuses, sueurs…).

Que faire en cas de surdosage de Tramadol ?

"En cas d’absorption excessive de Tramadol® (plus de 300 mg par jour), une somnolence, un évanouissement, des nausées, voire des vomissements peuvent survenir", prévient le Pr Nizard. Le myosis (rétractation de la pupille) est aussi un signe caractéristique. S'il s'agit d'une seule prise inhabituelle, contacter votre médecin suffit, il n'est pas nécessaire de vous rendre à l'hôpital.

En revanche, pour les personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents, notamment une insuffisance respiratoire, les conséquences d’un surdosage peuvent être plus graves, avec une diminution importante du rythme respiratoire.

En effet, les symptômes d'une intoxication au Tramadol® son généralement similaires à ceux provoqués par d’autres analgésiques à action centrale (opioïdes). Dans les cas sévères, une chute de la pression sanguine, des troubles de la conscience allant jusqu’au coma, des convulsions et une dépression respiratoire pouvant aller jusqu’à l’arrêt respiratoire peuvent survenir.

"Pour les cas les plus graves, il existe un antidote, la naloxone (Narcan®), mais c’est exceptionnel d’y recourir avec le Tramadol®" précise le spécialiste.

Les précautions à prendre avec le Tramadol

Face aux risques que peut présenter le Tramadol®, des voix se sont faites entendre dès 2011 pour l’interdire. "Ce ne serait pas une bonne idée, estime le Pr Bergmann. Il y a suffisamment peu d’antalgiques de palier II pour qu’on le retire des officines. En revanche, il est nécessaire d’apprendre à mieux l’utiliser".

En clair :

  • Ne nous ruez pas sur les comprimés de Tramadol® qui restent dans vos tiroirs.
  • Suivez les prescriptions de votre médecin (dose et durée de traitement).
  • Associez le médicament à des mesures non-médicamenteuses : appliquez du froid sur votre visage en cas de maux de tête, une bouillotte si vous souffrez de lombalgie ou de contracture cervicale… Cela renforcera l’action du traitement, permettra de diminuer les doses prescrites et de limiter les risques d’effets secondaires.
  • Si vous souffrez de douleurs chroniques, diminuez le nombre de comprimés dès qu’elles sont moins vives.

"Les prescripteurs aussi doivent être mieux formés" ajoute le médecin. "Très souvent, les praticiens commencent le traitement à 200 mg par jour", précise le Pr Nizard. "Ils devraient prescrire d’abord la dose minimale (1 à 2 fois 50 mg par jour selon les patients) et l’augmenter progressivement afin de déterminer celle nécessaire pour obtenir l’effet escompté."

Associer le Tramadol® au paracétamol peut aussi aider à limiter les prises et augmenter sa tolérance puisqu'il potentialise son effet.

À noter : le Tramadol® est déconseillé aux femmes enceintes ou allaitant, et aux enfants.

Sources

Remerciements au Pr Julien Nizard, chef du centre fédératif douleurs soins de support à Nantes (Loire-Atlantique) et au Pr Jean-François Bergmann, chef du service de médecine interne de l’hôpital Lariboisière à Paris.

"État des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques", ANSM, février 2019. 

Le tramadol : un analgésique atypique, Revue Médicale Suisse, 2001. 

https://www.wada-ama.org/en/news/wada-executive-committee-approves-2023-prohibited-list

https://www.francetvinfo.fr/sports/dopage/dopage-le-tramadol-interdit-par-l-agence-mondiale-antidopage-en-competition-a-partir-de-2024_5377132.html

Vidéo : L'astuce pour soulager une douleur

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